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cinq ans après le drame, les victimes de Lubrizol s’impatientent


27 septembre 2024 à 15h07
Mis à jour le 27 septembre 2024 à 17h12

Durée de lecture : 4 minutes

Rouen (Seine-Maritime), reportage

Vêtements trempés et parapluies au bras, ils n’étaient qu’une quarantaine à avoir bravé les averses pour venir jeudi 26 septembre devant l’usine Lubrizol de Rouen commémorer l’anniversaire des cinq ans de la catastrophe de 2019. Plus tard dans la journée, un autre rassemblement a regroupé une centaine de personnes devant le palais de justice de Rouen.

« Les barbelés en haut des murs, c’est la seule chose qui a changé depuis l’accident » lance, mégaphone à la main, l’adjoint écologiste à la mairie de Rouen Jean-Michel Bérégovoy. À la gauche de l’édile, seules quelques vigiles vêtus de gilets orange surveillent de loin l’attroupement — en grande partie constituée de membres d’associations et d’élus — derrière la grille du vaste site industriel classé Seveso seuil haut, où se dessine un labyrinthe de tuyauteries et de cuves.

Les associations sont toujours en attente d’un procès.

C’est ici même que, le 26 septembre 2019, un incendie se déclarait sur les coups de 2 h 45 du matin. Rapidement devenu incontrôlable, le sinistre a ravagé l’entrepôt de stockage de l’usine, ainsi que celui attenant de la société Normandie Logistique, consumant plus de 9 000 tonnes d’huiles et d’additifs pour moteurs. Poussé vers le nord-est par les vents, le panache a entraîné des pluies d’hydrocarbures sur plusieurs dizaines de kilomètres, souillant jardins et terres agricoles.

« J’ai toujours la rage »

Affublés de combinaisons étanches et de masques à gaz, les militants ont symboliquement offert à l’entreprise un bouquet de fleurs maculé d’huile ainsi qu’un gâteau d’anniversaire sous les yeux de la petite assemblée qui comprenait notamment la présidente des écologistes Marine Tondelier et la députée Sandrine Rousseau.

Attente d’un procès au pénal

« Ces gens ont pulvérisé mon jardin avec des hydrocarbures potentiellement cancérogènes, est-ce que ce serait normal qu’on ne porte pas plainte ? » questionne Christophe Holleville, secrétaire de l’Union des victimes de Lubrizol. Cinq ans après les faits, les associations de sinistrés attendent désormais un procès au pénal qui pourrait contraindre la société appartenant au milliardaire Warren Buffet à indemniser les habitants touchés par la catastrophe.

Selon Christophe Holleville, 1 200 personnes auraient porté plainte, dont le tiers se serait porté partie civile. L’enquête visant à connaître les causes de l’incendie est toujours en cours, mais les investigations pourraient encore durer des années : « AZF, ça a duré dix-neuf ans, là, c’est parti pour durer entre 10 et 15 ans », note le militant. Selon les informations du quotidien Le Monde, l’enquête pénale bute sur un problème de taille : elle ne parviendra pas à établir la cause de l’incendie ce qui limite la possibilité d’un « grand procès ».

Derrière ces barbelés, 9 000 tonnes de produits chimiques ont brûlé en 2019.

« J’ai toujours la rage mais c’est tellement long que ne serait-ce que pour continuer à vivre, on passe un peu à autre chose », déclare quant à lui Quentin. La catastrophe de 2019 l’avait conduit à stopper son activité de maraîchage biologique alors qu’il était en pleine installation. « Au début, je n’ai pas vu les retombées parce que je ne voulais pas les voir, c’était trop considérable par rapport au travail et à l’attachement. »

95 millions versés après un incendie aux États-Unis

Pour Christophe Holleville, force est de constater que Lubrizol ne s’est pas conduit en « bon voisin » comme le déclarait son PDG, Éric Schnur en octobre 2019, promettant des indemnisations. À la suite de la catastrophe, seuls les agriculteurs ont été indemnisés par la société pour leur perte de production, le tout en échange d’un renoncement à se porter partie civile lors d’un futur procès. Une situation qui tranche avec celle survenue à la suite de l’incendie d’une usine du même groupe aux États-Unis cette fois, à Rockton, en juin 2021 — Lubrizol Corporation est une société étasunienne créée en 1928 qui possède une branche française. En mai dernier, le groupe a annoncé verser 94,5 millions de dollars (85 millions d’euros) aux habitants résidents dans un rayon de 3 miles (4,5 kilomètres) de l’usine.

« Les barbelés en haut des murs, c’est la seule chose qui a changé depuis l’accident », a dit l’adjoint écologiste à la mairie de Rouen Jean-Michel Bérégovoy.

Aujourd’hui, c’est bien pour l’anxiété ressentie par des habitants, tirés du lit par des explosions ou ayant été exposés à des substances nocives que les associations voudraient voir Lubrizol condamné. Ces effets sur la santé mentale ont été caractérisées par plusieurs études réalisées à la suite de la catastrophe de Rouen.

Pourtant, selon les associations, ce genre de préjudice n’a encore jamais été reconnu en France à la suite d’une catastrophe industrielle.

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