OPINION – La Commission européenne, au mois de juillet 2024, a essayé de finaliser l’octroi à l’Ukraine d’emprunts de 50 milliards de dollars à l’aide de revenus des actifs de la Russie.
Comme l’a mentionné Paolo Gentiloni, le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, “Nous travaillons activement sur le programme Ukraine Facility. Aujourd’hui, la Commission européenne se penche sur la partie européenne de l’accord du G7 sur des emprunts de 50 milliards de dollars pour mettre en pratique cette entente. Comme vous le savez, ces emprunts seront garantis par les revenus des actifs russes”.
Selon lui, ces emprunts ont été “l’un des principaux sujets de la réunion des ministres des Finances du G7 à Rio de Janeiro”. Dans cette même lignée, la présidence hongroise de l’UE a accepté d’inscrire à l’ordre du jour un prêt à l’Ukraine gagé sur les profits générés par les avoirs russes bloqués ce mardi 24 septembre afin de concrétiser la décision des pays du G7.
On peut s’interroger, dans ce cadre, sur la validité juridique de cette garantie qui, semble-t-il, au regard du droit international, ne peut pas être ainsi qualifiée comme telle.
Cette approche notamment de la Commission européenne est-elle anodine pour les Européens dans un contexte où elle a proposé au Conseil qui l’a accepté des décisions établissant l’existence de déficits publics excessifs pour la Belgique, la France, l’Italie, la Hongrie, Malte, la Pologne et la Slovaquie ?
Il est important dans un premier temps de revenir sur la définition du droit de propriété au regard de la législation, puis de se remémorer les caractéristiques légales d’une garantie.
Le droit de propriété
Les attributs du droit de propriété sont les suivants :
- le droit d’user de la chose (l’usus)
- le droit de jouir de la chose (le fructus)
- le droit de disposer de la chose (l’abusus)
Celui qui est pleinement propriétaire d’une chose peut à la fois en user, en jouir et en disposer
Dans le contexte qui nous intéresse, il est utile de s’attarder sur le fructus.
Le fructus, c’est le droit de percevoir les fruits qu’un bien peut produire, en l’état, les revenus des actifs russes gelés.
La garantie
“La garantie” est l’obligation que la loi ou le contrat impose à celui qui transmet la propriété ou la jouissance d’un bien ou d’une créance, de prendre fait et cause pour celui auquel il a transféré ses droits lorsqu’un tiers vient à contester ceux de ce dernier. Or, ni la Commission Européenne, ni le G7 n’ont légalement de droits sur les revenus des actifs russes gelés comme nous l’avons vu précédemment et donc, à ce titre, ne peuvent les transférer.
Pour conclure, la Commission européenne et le G7 vont semble-t-il faire porter le risque final de crédit aux souscripteurs des emprunts qui leur seront proposés. Au regard des textes, il apparaitrait qu’aucune garantie juridique ne puisse être activée en cas de défaillance liée à ces emprunts. En effet, il paraît anormal et illégal de donner en garantie un produit (fructus) qui ne vous appartient pas.
A l’heure où Ursula von der Leyen veut créer une base de données complète des avoirs de tous les citoyens de l’Union Européenne (biens immobiliers, comptes bancaires, titres, véhicules, …) et face aux risques que ce registre puisse être utilisé par les gouvernements en temps de crise, il est important de rappeler le droit à des institutions qui ont tendance à l’oublier.