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En Anjou, la FNSEA accusée d’empêcher l’installation de paysans bio


4 octobre 2024 à 09h12
Mis à jour le 5 octobre 2024 à 09h00

Durée de lecture : 4 minutes

Angers (Maine-et-Loire), reportage

« La Safer veut pas installer, on s’installe à la Safer. » C’est avec ce slogan que près de 400 militants ont installé canapés, tables et réchauds dans le hall de la chambre d’agriculture [1] de Maine-et-Loire à Angers, jeudi 3 octobre. Objectif, faire pression sur cette Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), accusée de favoritisme et de collusions avec le puissant syndicat agricole FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), après sa décision de refuser un projet d’installation bio sur la commune de Denée (Maine-et-Loire).

Les militants ont interpellé son président et son directeur en début d’après-midi.

Le dossier est « le sommet de l’iceberg », selon les mots du secrétaire national de la Confédération paysanne Thomas Gibert. Il est surtout emblématique.

Sur le papier, le projet cochait pourtant toutes les cases. Quatre jeunes trentenaires, dont trois techniciens de structures proches de la Confédération paysanne, voulaient créer un élevage bio de 60 vaches allaitantes limousines avec céréales et maraîchage en vente directe. Pour s’installer sur les 170 hectares de cette ferme des Joncs, dont le propriétaire va déménager à la fin de l’année, ils ont créé au printemps dernier une société civile immobilière agricole. Pas moins de 270 citoyens ont pris des parts, 685 000 euros ont été collectés en seulement trois semaines. De quoi convaincre une banque de les suivre.

Des candidats apparemment sérieux, un projet économiquement solide, pas de raison de douter qu’il ne puisse aboutir. Surtout, il correspond parfaitement aux exigences du Schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA), un document-cadre signé sous l’égide du préfet de région, qui fixe les ordres de priorité lorsque deux projets sont concurrents pour la reprise d’une ferme. Installation, maintien du siège d’exploitation, maintien de l’élevage, agriculture biologique, tous ces critères donnent avantage face à des projets d’agrandissement qui, eux, arrivent en bout de liste.

L’agrandissement contre l’installation

Mais voilà que découvrant le projet par la presse, six agriculteurs du secteur se sont réunis, et ont monté à leur tour un dossier de reprise. Objectif : récupérer une partie des terres, optimiser leurs exploitations et les agrandir un peu. Parmi eux, le trésorier de la FDSEA de Maine-et-Loire.

Qui l’emportera ? C’est là que la Safer intervient. Sa mission, confiée par l’État, est de réguler le marché foncier rural, faciliter l’installation des agriculteurs et encourager une gestion durable des espaces naturels. Lorsque son comité technique s’est réuni pour décider, en juillet, ce fut l’égalité parfaite, sept voix pour chaque projet. Ce serait désormais au conseil d’administration de trancher. À Denée, la tension est montée tranquillement en cette période estivale.

Les occupants de la chambre d’agriculture ont interpellé son président et directeur en début d’après-midi.
X/Les Soulèvements de la Terre

« Le projet n’était pas mûr »

Le 24 septembre, les vingt-quatre membres du conseil d’administration de la Safer des Pays de la Loire ont finalement décidé « à une large majorité » de refuser le projet d’installation, préférant le projet concurrent, par un vote à bulletins secrets.

Rapidement, une partie du monde agricole et de la classe politique s’est indignée d’une telle décision. « L’installation d’agriculteurs doit être une vraie priorité, pas simplement un affichage, c’est aussi la mission des Safer », dénonce par exemple l’ancien ministre socialiste de l’agroalimentaire Guillaume Garot, aujourd’hui conseiller régional d’opposition. La Confédération paysanne accuse la Safer d’avoir suivi les consignes des syndicats FDSEA et Jeunes agriculteurs. De fait, sur les vingt-quatre membres du conseil d’administration de la Safer, au moins treize sont ou ont été adhérents de la FDSEA

À tout cela, le président de la Safer des Pays de la Loire Bernard Bellanger répond que le projet n’était pas mûr : « Un seul des quatre candidats avait commencé son “3P” », le parcours à l’installation obligatoire pour percevoir les aides. En fait, trois l’avaient entamé. Et puis avoir entamé son parcours n’est pas un critère déterminant, répondent les quatre candidats. La Safer avance aussi l’argument d’un parcellaire très éclaté qui ne garantirait pas la viabilité du projet. Plus de 100 hectares sont pourtant d’un seul tenant autour des bâtiments.

Les porteurs du projet ont déposé un recours auprès du commissaire du gouvernement, qui a trois semaines pour valider ou non la décision de la Safer.

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