• lun. Oct 7th, 2024


Réchauffement, mort au tournant. Le dérèglement du climat promet de faire exploser le nombre de collisions entre les navires marchands et les requins-baleines, selon une étude publiée le 7 octobre dans la revue Nature Climate Change.

Si nos émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter de manière débridée, ces géants de l’océan pourraient avoir jusqu’à 15 000 fois plus de chances d’être heurtés par un bateau d’ici la fin du siècle, alertent ses auteurs. Cela pourrait précipiter le déclin de cette espèce, déjà classée « en danger » par l’Union internationale pour la conservation de la nature.

Quoique difficilement quantifiables — puisque les cadavres des animaux marins tombent vers les abysses —, les collisions avec les bateaux causent chaque année de nombreux décès de dauphins, baleines et requins. Selon la Commission baleinière internationale, le nombre d’accidents est suffisamment élevé pour mettre en danger la survie de plusieurs espèces, comme la baleine franche de l’Atlantique-Nord ou, en Méditerranée, le rorqual commun.

Plusieurs dizaines de milliers de bateaux parcourent les mers et océans, un danger permanent pour de nombreuses espèces.
Andy Li / Unsplash

La communauté scientifique craint ce que ce phénomène soit amplifié par le changement climatique. Le réchauffement de la température de l’eau est en effet susceptible de pousser poissons et cétacés hors de leur aire de répartition naturelle, vers des zones de l’océan où le trafic de marchandises est plus intense… et le risque d’accidents plus élevé.

Afin de mieux comprendre ce risque, les auteurs de cette étude ont choisi d’étudier le cas des requins-baleines, les plus grands poissons du monde. Cette espèce, dont les individus peuvent mesurer plus de quinze mètres de long, est un « modèle » parfait, expliquent-ils, puisqu’on la trouve dans toutes les zones tropicales de la planète. Elle semble par ailleurs particulièrement vulnérable aux collisions, puisqu’elle nage souvent en haut de la colonne d’eau, à hauteur des pales de moteurs des navires de commerce.

Les requins-baleines nagent souvent près de la surface. Malheureusement, cela les met à portée des bateaux et de leurs pales léthales.
Nicholas Lindell Reynolds / CC BYSA 4.0 / Wikimedia Commons

Les scientifiques ont utilisé un ensemble de données de suivi par satellite de 348 requins-baleines, marqués au sein de tous les océans où l’on peut les trouver, et collectés pendant plus de 15 ans. Ces informations ont été couplées à des modèles climatiques globaux, ce qui leur a permis de déterminer comment l’aire de répartition des requins-baleines serait remodelée par le dérèglement du climat. Ils ont ensuite comparé ces résultats avec le parcours des navires de commerce mondiaux.

Une aire de répartition déplacée de 1 300 km

Résultats : si nos émissions de gaz à effet de serre s’alignent sur celles du « scénario du pire » du Giec (SSP5-8.5), plus de la moitié des habitats appropriés aux requins-baleines disparaîtront d’ici la fin du siècle. Les individus de cette espèce seraient globalement contraints de remonter de plus de 1 000 kilomètres vers les pôles, aux marges de leurs aires de répartition actuelles.

Le phénomène promet d’être particulièrement marqué dans le Pacifique ouest. Dans cette région, le cœur de l’aire de répartition des requins-baleines devrait se retrouver 1 300 kilomètres plus au nord dès 2050, et ce, quelle que soit la trajectoire de nos émissions de gaz à effet de serre.

Même dans le cadre d’un réchauffement faible de la planète, un scénario déjà difficilement atteignable, le risque de collisions devrait devenir en 2100 20 fois plus élevé qu’aujourd’hui.
Venti Views / Unsplash

À cause de cette migration forcée, les requins-baleines auront, en 2100, 15 000 fois plus de chances de se retrouver sur la route d’un porte-container et de ses appendices tranchants qu’aujourd’hui, selon les estimations des scientifiques.

Même dans le cadre d’un réchauffement faible de la planète (correspondant au scénario SSP1-2.6 du Giec, qui table sur une diminution significative de nos émissions après 2020, et semble désormais difficilement atteignable), le risque de collisions devrait être 20 fois plus élevé qu’aujourd’hui.

Ce phénomène est « préoccupant » pour l’avenir de l’espèce, estiment les auteurs. Sans chiffre précis sur le nombre de requins-baleines actuellement tués par les navires chaque année, il est difficile de savoir si l’augmentation de ce risque les mènera vers l’extinction, explique à Reporterre Freya Womersley, l’autrice principale de cette étude.

La chercheuse Freya Womersley craint que « très peu de zones » ne demeurent sûres pour les requins-baleines.
Simon Pierce / MarineMegafauna / CC BYSA 4.0 / Wikimedia Commons

« Très peu de zones », en revanche, resteront sans risque pour eux, poursuit Freya Womersley. « À l’avenir, ces animaux devront nager au milieu d’une mosaïque de facteurs de stress, qu’il s’agisse du transport maritime, de la pêche, du réchauffement, ou de la désoxygénation des océans. Ils sont capables de se déplacer dans leur environnement et de sélectionner les conditions les plus favorables grâce à leur grande mobilité, mais ils pourraient ne pas être en mesure de résister aux pressions humaines agissant à l’unisson et susceptibles de persister dans leurs zones de refuge. » L’écologue marine appelle à protéger dès aujourd’hui les habitats des requins-baleines, et à faire évoluer les frontières de ces aires en fonction du changement climatique.

Si les résultats de cette étude sont spécifiques aux requins-baleines, d’autres espèces pourraient elles aussi subir « des pressions complexes et indirectes similaires dues au changement climatique », note par ailleurs la chercheuse. Les requins pélagiques, par exemple, pourraient être contraints par les vagues de chaleur à se réfugier dans des eaux plus froides mais moins oxygénées, ou davantage exploitées par la pêche à la palangre.

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