• mar. Oct 8th, 2024

avant la COP29, l’Azerbaïdjan fait taire ses écologistes


Cela n’augure rien de bon. Alors que la COP29 — la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques — doit se tenir en novembre à Bakou, en Azerbaïdjan, deux ONG ont publié le 8 octobre un rapport sur la répression dans le pays. Human Rights Watch et Freedom Now accusent les autorités azerbaïdjanaises d’arrêter des dizaines de militants, notamment écologistes, pour les réduire au silence.

Parmi les personnes emprisonnées, se trouve par exemple Anar Mammadli, un défenseur des droits humains. Il a été arrêté en avril dernier, deux mois après avoir cofondé une association pour défendre les libertés civiques et la justice environnementale en Azerbaïdjan en amont de la COP29. Le motif d’inculpation ? Contrebande. « L’Azerbaïdjan restreint l’accès aux financements proposés par des bailleurs internationaux, détaille Myrto Tilianaki, chargée de plaidoyer chez Human Rights Watch. Financer une association indépendante de l’État devient dès lors quasi impossible. Et si les autorités s’aperçoivent qu’un activiste a malgré tout reçu de l’argent de l’étranger… alors il se voit accuser de contrebande. » Une stratégie bien rodée visant à dissuader quiconque de s’aventurer dans la création de contre-pouvoir.

Aujourd’hui, Anar Mammadli attend encore d’être jugé. Il risque jusqu’à huit ans de prison. Avec cette accusation, que les ONG qualifient de « fausse », « les autorités azerbaïdjanaises ont envoyé un avertissement clair aux militants qui pourraient envisager l’activisme climatique », estiment-elles. Dans un mois environ, des représentants de 197 États et de l’Union européenne assisteront au sommet mondial pour le climat : une occasion pour les militants locaux de porter leur voix.

Sauf que le gouvernement de Bakou ne l’entend pas de cette oreille. Un autre exemple : le professeur Gubad Ibadoglu, arrêté en juillet 2023. Cet économiste travaillait, entre autres, sur la transparence des recettes et sur la corruption dans le secteur pétrogazier de l’Azerbaïdjan. Il avait aussi étudié l’accord de coopération énergétique entre l’Union européenne et Bakou. Il est désormais assigné à résidence, après avoir passé neuf mois en détention provisoire. Il est accusé de produire de la fausse monnaie — une accusation là encore réfutée par les ONG — et risque jusqu’à dix-sept ans de prison.

Or, se défendre des mains des autorités n’est pas chose aisée dans ce pays du Caucase. « Il ne faut pas s’imaginer un pays où il serait facile d’avoir recours à une décision de justice, déplore Myrto Tilianaki. Et encore moins de pouvoir la renverser. Parmi les journalistes arrêtés, certains n’ont même pas eu le droit de parler à un avocat. »

Selon les organisations, ces arrestations ne seraient qu’un « prétexte » pour museler et punir ces activistes. « Human Rights Watch et Freedom Now sont convaincues […] que toutes les affaires examinées dans ce rapport sont des attaques à motivation politique, contre l’exercice légitime du droit à la liberté d’association et d’expression », affirment-elles.

Une terre d’hydrocarbures

S’il y a un pays où il ne fait pas bon être militant pour le climat, c’est bien l’Azerbaïdjan. L’industrie des hydrocarbures représente 90 % des recettes d’exportation du pays, et 51,5 % des recettes budgétaires de l’État. En critiquant cette filière climaticide, les activistes écologistes mettent en péril les intérêts financiers du gouvernement — et se mettent donc en danger eux-mêmes. « Les enquêtes sur les méfaits de l’industrie fossile en Azerbaïdjan, ou le plaidoyer en faveur d’une élimination progressive des énergies fossiles, sont interdits », rappellent Human Rights Watch et Freedom Now.

Cette répression provoque la crainte. Selon le rapport, toutes ces arrestations et ces condamnations de militants écologistes — mais aussi de défenseurs des droits humains et de journalistes de médias indépendants — auraient incité des activistes à quitter le pays. Ce qui a « encore réduit la diversité des organisations et des activistes à oser défier le gouvernement azerbaïdjanais ».

« Il est difficile d’imaginer comment des associations ou des journalistes azerbaïdjanais pourraient ouvertement critiquer les politiques climatiques du gouvernement et exiger [lors de la COP29] des mesures pour respecter les engagements de l’Azerbaïdjan dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015 », prévoit le rapport. Selon ses auteurs, la répression du gouvernement aura forcément un « impact négatif » sur la participation des militants et des scientifiques lors de la COP.

Les ONG demandent donc au gouvernement azerbaïdjanais de « libérer immédiatement et sans condition » les militants et les journalistes emprisonnés à tort, et d’abandonner les accusations portées contre eux. Elles pointent en outre la grande responsabilité des Nations unies, ayant décidé pour la troisième fois consécutive d’organiser une COP dans un pays réprimant fortement les droits humains. Les deux précédents raouts du climat s’étant tenus à Dubaï et en Égypte.

Quant aux États membres de l’Union européenne, ceux-ci doivent « veiller à ce que les liens économiques et politiques avec l’Azerbaïdjan, y compris la coopération énergétique, contiennent des engagements concrets en matière de droits de l’Homme », ponctue le rapport. À plusieurs reprises, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a déjà condamné le pays hôte pour violation du droit à la liberté d’association. « Malheureusement, force est de constater que ça ne dissuade pas les autorités azerbaïdjanaises, conclut Myrto Tilianaki. Celles-ci ont beau promettre une COP29 inclusive sur le papier, les remontées du terrain nous montrent d’ores et déjà qu’il n’en sera rien. »



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