• sam. Oct 19th, 2024

l’Ardèche abasourdie après les inondations


Annonay (Ardèche), reportage

Ces épisodes sont bien connus des locaux, mais jeudi 17 octobre, leur ampleur a été inédite. Les pluies cévenoles ont déversé plus de 600 millimètres d’eau sur les montagnes d’Ardèche. La commune de Mayres, par exemple, a enregistré 694 mm, soit plus de deux mois de pluie en quarante-huit heures. « Il y a eu énormément d’eau mais on est habitués et la topologie fait qu’il y a peu de risque pour nous », détaillait le lendemain le maire de Loubaresse, une commune à 1 250 m d’altitude. Cependant, plus bas, en se rapprochant de la vallée du Rhône, si les précipitations ont été moins importantes, elles ont été beaucoup plus destructrices.

Dans le Pilat (Loire) et autour d’Annonay (principale ville d’Ardèche), les autorités ont relevé 150 mm d’eau dont 60 en une demi-heure. « J’étais en train de faire des courses quand j’ai entendu que les gens paniquaient autour de moi. Je me suis rapprochée des fenêtres et j’ai vu une marée qui arrivait », décrit une Annonéenne. Cette ville de 16 000 habitants a été particulièrement touchée.

Dans le Pilat (Loire) et autour d’Annonay (principale ville d’Ardèche), les autorités ont relevé 150 mm d’eau dont 60 en une demi-heure.
© Pauline De Deus / Reporterre

À quelques kilomètres en amont, le barrage du Ternay, qui alimente la ville en eau potable, a débordé. Des torrents d’eau se sont alors déversés dans la Deûme en aval, pour s’écouler à une vitesse folle jusqu’à Annonay. « On n’avait jamais connu ça depuis que la rivière a été recouverte en 1968 », dit le maire de la ville, Simon Plénet.

À Limony, comme à Annonay, les conversations ne tournent plus qu’autour de cela, certains cherchent à expliquer ce phénomène et à donner un sens à leur traumatisme.
© Pauline De Deus / Reporterre

Les yeux tirés, vendredi 18 octobre, il observait les dégâts : au cinéma, à la Sécurité sociale et dans une trentaine de commerces, des personnes s’affairaient pour vider les objets encore trempés et tenter de sortir la boue accumulée. Le mètre d’eau qui a déferlé la veille au matin sur la ville s’est progressivement retiré. Derrière lui restent des dizaines de centimètres de terre et des débris en tout genre : des pierres, des branches… et des bidons, des lampadaires et même ce qui semble être des morceaux de ruches. En bref, tout ce qui se trouvait sur la route du torrent.

« Plus aucune végétation pour retenir l’eau »

À 20 kilomètres de là, à Limony, jeudi 17 octobre, les habitants ont assisté à d’autres scènes de chaos. « Tout à coup, on a entendu les hélicos, on est sortis et on a vu les maisons sous l’eau et des voisins qui était secourus, pendus à la corde », souffle Océane, une habitante du quartier d’Arcoule à Limony où 80 maisons ont dû être évacuées. « C’est fou comme ça va vite, continue-t-elle. J’habite là depuis quatorze ans et je n’avais jamais vu ça. C’est vraiment horrible… Maintenant, je sais que quand il y aura un épisode cévenol, je vais être sur mes gardes. »

Le barrage du Ternay qui alimente la ville en eau potable a débordé. Des torrents d’eau se sont alors déversés dans la Deûme en aval, pour s’écouler à une vitesse folle jusqu’à Annonay.
© Pauline De Deus / Reporterre

À Limony, comme à Annonay, les conversations ne tournent plus qu’autour de cela, certains cherchent à expliquer le phénomène et à donner un sens à leur traumatisme. « Sur les montagnes autour, il n’y a plus que de la vigne, il n’y a plus aucune végétation pour retenir l’eau. Est-ce que ça peut avoir des conséquences ? C’est une question qu’on entend beaucoup dans le village », assure la Limonienne.

« On nettoie, on trie et on essaie de ne pas y penser »

À l’heure du déjeuner, vendredi 18 octobre, les commerçants se sont installés autour de tables sur le trottoir. « On n’a plus de travail, plus de voiture, on ne peut pas dire que ça va, dit l’employée d’une pharmacie. Tant qu’on est là, on fait ce qu’on peut. On nettoie, on trie les médicaments, et on essaie de ne pas y penser. » Auraient-elles pu imaginer une telle catastrophe à Annonay ? « Jamais », assurent plusieurs pharmaciennes. Une de leur collègue nuance : « On est sur la rivière, on savait que c’est le genre de choses qu’il pouvait arriver mais pas à ce niveau-là. »

Avec 627 mm relevés, l’épisode de ce jeudi a été « le plus intense jamais enregistré sur deux jours depuis le début du XXe siècle », selon Météo-France.

Un peu plus loin, Anne-Lise, une habitante du centre-ville, confirme : « Quand je suis allée au travail hier, à 8 h 30, j’ai vu de l’eau mais je me suis dit que ça allait passer. Je savais que c’était quelque chose qui nous pendait au nez mais je ne me suis pas méfiée… Désormais le dérèglement climatique est là, on ne peut plus raisonner comme avant, on ne peut plus se fier à nos habitudes. »


Un plateau à la main, Loreleï, serveuse à quelques pas des zones sinistrées, tire la même conclusion. « Quand on écoute les scientifiques, on sait que ce sont des choses qui vont arriver. Je ne m’attendais pas à ce que ça se passe ici, mais quand on y réfléchit ça ne paraît pas si étonnant… »

Dans les rues d’Annonay, l’ambiance oscille entre fatalisme et une dose d’optimisme nécessaire. L’épisode est passé, les dégâts ne sont que matériels, « maintenant il faut nettoyer et reprendre », dit une commerçante.

Ce sinistre est « un appel à l’action et à la mobilisation », a déclaré la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, qui s’est rendue sur place le 18 octobre. « Nous devons investir dans l’adaptation au changement climatique […]. Le niveau d’impact du dérèglement climatique est supérieur à ce que l’on attendait, il faut en prendre la mesure et se dire que les investissements d’aujourd’hui permettent de ne pas impacter les finances publiques de demain. Je fais confiance au Premier ministre pour prendre les décisions nécessaires. »

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