• dim. Oct 20th, 2024

Les petites voitures électriques se font une place au Mondial de l’auto


Elles constitueraient le chaînon manquant de la transition énergétique des transports et le nouveau « segment de marché » à conquérir ! Les voitures légères électriques, autrement appelées « voiturettes », « microcars » ou « quadricycles », avec ou sans permis, offrent en théorie le parfait compromis entre sobriété et confort, capable de rendre la mobilité électrique attirante et financièrement abordable pour le grand public.

Elles sont aussi plus vertueuses, car elles nécessitent moins de matériaux à la fabrication, consomment moins d’électricité pour rouler et sont plus facilement réparables, donc potentiellement plus durables.

Leur apparition, il y a deux ans, lors de la précédente édition du Mondial de l’auto à Paris, avait donc suscité un espoir important. Électrifier la mobilité est en effet un défi majeur. La voiture représente un sixième des émissions de gaz à effet de serre en France, et 75 % des Françaises et Français restent dépendants de leur voiture pour aller au travail. Deux ans plus tard, les voitures légères restent en bonne place dans les allées du parc des expositions, mais elles font encore figure d’ovnis.

Premiers succès de ventes

Une note d’optimisme est toutefois à trouver du côté du stand Citroën. L’Ami, véhicule minuscule au prix plancher (7 990 euros), 100 % électrique, est une des fiertés du groupe. « On a complètement bouleversé le marché des voiturettes, se félicite Alain Le Gouguec, chef de produit “futur” chez Citroën. On en a vendu 65 000 en Europe [en quatre ans] et notre arrivée coïncide avec le doublement du marché des véhicules sans permis. Les jeunes se l’approprient, elle devient un signe extérieur de distinction. »

De 13 000 unités vendues en 2019 en France, les voitures sans permis (les « sans P ») ont atteint 26 000 ventes en 2023, dont la moitié en électrique. Ce qui reste une goutte d’eau, au regard de l’océan de 1,8 million de voitures particulières neuves immatriculées en France en 2023.

L’Ami de Citroën (en haut à g.), la Mobilize de Renault (en bas à g.) et la Topolino de Fiat.
© Citroën/Renault/Fiat, montage Reporterre

Mais cela donne des idées à plus d’un constructeur. Fiat a lancé la commercialisation de sa Topolino début 2024, misant sur un design rappelant la Mini. Renault, qui n’avait pas décroché la lune avec sa Twizy, lancée en 2011 (33 000 exemplaires vendus dans le monde), dévoilait le 14 octobre son tout nouveau bolide de poche : la Mobilize. Dotée d’une place derrière le conducteur ou d’un grand coffre, en version utilitaire, elle sera vendue 9 990 euros (à quoi les conducteurs pourront soustraire 900 euros de bonus écologique versé par l’État).

Musique hip-hop à plein tube, danseurs et skateurs sortant des véhicules durant le show au Mondial de l’auto… Renault cible une clientèle jeune — on peut la conduire dès 14 ans pour la version sans permis — urbaine et branchée.

La « sans P » n’est plus ringarde

C’est la voie ouverte depuis quelques années par les constructeurs de véhicules sans permis. Autrefois dédiées aux ruraux âgés ou en défaut de permis, les « sans P » se sont offert une nouvelle jeunesse en séduisant des adolescents aisés, comme alternative sécurisante au scooter.

On reste donc loin des ruraux et périurbains. Ceux que les politiques de transition énergétique cherchent à convertir à l’électrique, parce qu’ils sont dépendants de leur voiture. Mais les progrès sont indéniables, juge Bertrand Brême, directeur de la marque Kilow, apparue il y a deux ans et qui rencontre un certain succès. Avec son véhicule léger au design baroudeur, typé « buggy », vendu 9 900 euros en version sans permis et 12 790 pour la version avec permis, Bagnole a enregistré 400 précommandes.

« Notre projet est sociétal. Il s’agit de changer les habitudes de 40 millions de personnes, temporise Bertrand Brême. Nous y arriverons si nous parlons de liberté d’usage, avec un marketing et un design qui donnent envie, sans dogmatisme. On pense que les gens se mettront à l’électrique s’ils éprouvent du plaisir et on est persuadé que les véhicules légers sont pertinents. »

Bagnole, une sans permis de type « buggy » de Kilow.
© Kilow

Les constructeurs historiques de voitures sans permis (Aixam Mega et Ligier) ont également mis l’électrique en tête de gondole, malgré un prix environ 10 % supérieur à leurs modèles thermiques. « Des nouveaux usages commencent à apparaître de manière marginale, glisse François Ligier, PDG du groupe du même nom, dont le premier modèle électrique est vendu à 13 000 euros. En Hollande, nous avons rencontré des clients avec permis qui cherchaient désespérément des voitures électriques de petit gabarit. Alors ils se sont tournés vers les voitures sans permis. »

Les usages se modifient

À la campagne, les véhicules légers souffrent encore de gros défauts. Leur faible poids contraint leur taille. La plupart des modèles ont un petit coffre et une seule place passager. Leur vitesse est limitée à 45 km/h pour les versions sans permis et 90 km/h pour les versions avec permis, en raison des normes de sécurité que leur faible poids ne permet pas d’atteindre.

« Les normes ont été écrites par les constructeurs, raille Jean-Luc Thuliez, PDG de Softcar, marque suisse qui vient d’homologuer une quatre places légère “100 % écologique”, misant sur le recyclage et une production locale. La loi nous oblige à faire des châssis en acier, au nom d’un argument de sécurité totalement faux. Or, c’est impossible à faire écologiquement. Nos voitures pourraient rouler sans problème à 130 km/h. »

Ont entre autres été présentées au Mondial de l’auto 2024 la Microlino (à g.) et la Softcar.
© Erwan Manac’h / Reporterre

Ce problème de vitesse pèse de moins en moins comme un handicap, jugent néanmoins les constructeurs : « On pense que ça a de plus en plus de sens de rouler à 90 km/h, quand on voit l’évolution des réglementations en ville », souligne Yannick Boulch, responsable développement et commerce de Microlino, marque suisse arrivée en France en juillet 2023, qui propose des voiturettes à 17 990 euros. En un an d’existence, elle affirme avoir vendu 200 modèles et vise un objectif de 3 000 ventes en 2026.

L’autre gros défaut des « quadricycles électriques », selon la dénomination officielle, c’est la faible autonomie offerte par les batteries, plus légères et donc plus petites. La Mobilize affiche jusqu’à 160 km selon les modèles. L’Ami offre 75 km… Mais là aussi, l’obstacle est à relativiser, juge Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports qui milite de longue date pour les véhicules qu’il qualifie d’« intermédiaires » : « Les Français font en moyenne six voyages à plus de 80 km de leur domicile chaque année, avec de fortes disparités sociales selon les revenus. Les véhicules électriques à faible autonomie peuvent donc suffire pour les trajets du quotidien, si on met en place d’autres solutions pour les grandes distances, comme le car ou le train. »

Besoin d’investissements

Tous ces signaux faibles suscitent donc de l’espoir, même si l’éclosion du marché prend du temps. « Nos voitures séduisent ceux qui les essaient, mais le marché ne décolle pas autant qu’on le souhaiterait », reconnaît Christophe Charles, directeur commercial de Weez, un « micro véhicule électrique » déployé auprès de professionnels, qui vise le grand public et attend d’avoir la trésorerie nécessaire pour lancer sa première quatre places.

Avec d’autres patrons du secteur, ils ont lancé le 17 octobre une branche « microcars » au sein du lobby des constructeurs Mobilians. Objectif prioritaire de l’organisation : obtenir le même niveau de bonus écologique que pour les voitures classiques (entre 4 000 et 7 000 euros).

L’argent, c’est aussi ce qui manque aux modèles les plus vertueux d’un point de vue écologique. Softcar, avec sa quatre places en aluminium et plastique recyclés, sans polyuréthane ni électronique de bord (plus exposée aux pannes) et fabriquée en Suisse, veut être la voiture « incassable et entièrement réparable ». La carrosserie est interchangeable, ce qui permet à son propriétaire de lui offrir une seconde jeunesse moyennant 3 000 à 4 000 euros, selon son fabricant. Présentée pour la première fois au public lors de ce Mondial de l’auto, homologuée depuis deux semaines, la Softcar espère séduire des foyers qui cherchent une deuxième voiture ou des loueurs. « Le marché est là », assure Jean-Luc Thuliez, son PDG, qui recherche activement des investisseurs pour lancer la production.

Même constat du côté de Bagnole : les livraisons ont débuté en septembre, mais c’est la force de production qui fait défaut. « On doit augmenter notre rendement. Cela prend du temps, parce qu’on veut produire localement. C’est tout un écosystème de fournisseurs qu’il faut créer. Alors il y a des tas de demandes qu’on ne peut pas adresser, comme les flottes pour les collectivités, les parcs ou les jardins. On a même ralenti les ventes », rapporte Bertrand Brême, directeur de la marque, qui cherche elle aussi des financeurs.

À leur rythme, les voiturettes continuent donc d’avancer sur la voie qui doit les faire sortir de la catégorie des produits de niche. L’association des acteurs des véhicules légers intermédiaires (Aveli) estime qu’avec une palette de bolides allant du super vélo à la voiturette confortable, la moitié des 39 millions de voitures en circulation en France en 2024 pourrait être remplacé par des « Vélis » sans obliger leurs usagers à changer d’habitude.

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