Chaque année, ça recommence. La 29e Conférence des parties (COP) sur le climat se tient à Bakou en Azerbaïdjan à partir de lundi 11 jusqu’au 22 novembre. Objectif : négocier sur les moyens à déployer pour lutter contre le dérèglement climatique et vérifier leur mise en œuvre. Notre reporter Emmanuel Clévenot, parti en train jusqu’à Bakou, vous racontera les enjeux et discussions de la COP29. En attendant, Reporterre vous explique en quoi consistent ces grandes messes sur le climat.
Comment sont nées les COP ?
Si le lien entre les émissions de CO2 et le réchauffement de la planète a été établi dès 1896 par le Nobel de chimie Svante Arrhenius, il a fallu attendre le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 pour que 196 États adoptent la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Pour la première fois, la quasi-totalité des États de la planète reconnaissaient l’existence d’un changement climatique d’origine humaine et promettaient de stabiliser leurs émissions de gaz à effet de serre à un niveau qui « empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique ». C’est-à-dire ne pas modifier le climat planétaire au point de le rendre dangereux pour les générations présentes et futures.
Le texte prévoit une responsabilité différenciée entre les États, exhortant les pollueurs historiques à faire plus d’efforts que les pays en développement. Pour ce faire, la Convention-cadre a instauré les Conférences des parties qui se tiennent chaque année dans un pays différent. En 1995, la première COP était organisée à Berlin.
En plus de la COP dédiée au climat, deux autres COP sont issues du Sommet de la Terre : la Convention sur la diversité biologique, dont la seizième édition vient de se terminer à Cali en Colombie, et la Convention sur la lutte contre la désertification.
Qui participe aux COP ?
Les COP rassemblent les représentants des 196 États et de l’Union européenne, signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. À cela, il faut ajouter des myriades de lobbyistes, des diplomates, scientifiques, organisations non gouvernementales, peuples autochtones et journalistes. Chaque année, le nombre de participants augmente : 10 000 en 1997 pour adopter le protocole de Kyoto, plus de 30 000 à la COP21 à Paris en 2015 et 85 000 l’an dernier à la COP28 à Dubaï.
Comment fonctionnent les COP ?
L’objectif des COP est de renforcer les engagements pris par les États en matière climatique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ainsi qu’à évaluer les actions climatiques de chaque pays. Durant les deux semaines, les journées sont rythmées par les sessions de négociations, les réunions organisées avec la société civile comme les ONG ou encore les conférences thématiques en marge. À chaque fois, les négociations se jouent à la fin de la COP, au terme de longues nuits de débats entre les différentes parties qui tentent d’arracher un accord.
Car les décisions se prennent par consensus. Si seuls les États décident, les ONG et les lobbys tentent chacun d’influencer les débats. Par exemple, lors de la COP28 à Dubaï, les pays les plus impliqués dans la lutte pour le climat, aidés des ONG, ont réussi à obtenir pour la première fois un accord qui appelle à une « transition hors des énergies fossiles ». Mais pour que les États pétroliers acceptent l’accord, une formule alambiquée qui ne précise ni la date de sortie des énergies fossiles, ni aucune obligation, a été trouvée.
Les COP servent-elles à quelque chose ?
Plusieurs COP ont permis des avancées sur le front de la crise climatique. En 1997, la COP3 au Japon a permis d’aboutir au protocole de Kyoto, premier traité juridiquement contraignant. Il visait à réduire d’au moins 5 % les émissions de gaz à effet de serre de 55 pays industrialisés entre 2008 et 2012 par rapport au niveau de 1990. Si les États-Unis n’ont jamais ratifié l’accord et la Chine était alors considérée comme en voie de développement et donc pas concernée, des jalons ont été posés.
Souvent considérée comme un échec, la COP15 à Copenhague (Danemark) en 2009 a pourtant été la première à poser le niveau de réchauffement de 2 °C au-dessus de la période préindustrielle (1850-1900) comme un seuil à ne pas franchir.
Enfin la COP21 en 2015 à Paris a été plus loin en débouchant sur le premier traité international de réduction des émissions, engageant l’ensemble des États à contenir le réchauffement climatique bien en deçà de 2 °C et si possible à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Le traité stipule aussi que la neutralité carbone devra être atteinte dans la seconde moitié du siècle.
Pourquoi les COP sont parfois décriées ?
Lors des COP, le rapport de force entre les industries polluantes et les ONG est très déséquilibré. Par exemple, à Dubaï l’an dernier, près de 2 500 lobbyistes des énergies fossiles avaient été accrédités. Un record. « Pendant que les industries polluantes — qui sont la source même de la crise climatique — s’assoient à la table des négociations, les gouvernements rendent chaque fois plus difficile la participation de la société civile aux discussions : il est difficile d’obtenir des visas, les accès aux espaces et prises de décisions sont réduits », déplorait Rachel Rose Jackson, de l’ONG Corporate Accountability, auprès de Reporterre.
Par ailleurs, les COP n’ont pas empêché les émissions de CO2 de continuer à augmenter dans le monde : en 2023, elles ont atteint 36,8 milliards de tonnes, en hausse de 1,1 % par rapport à 2022. L’institut européen Copernicus a annoncé jeudi 7 novembre qu’il est désormais « pratiquement certain » qu’en 2024, la barre d’un réchauffement à plus de 1,5 °C au-dessus de la période préindustrielle a été atteinte. Les chances d’atteindre les objectifs contenus dans l’Accord de Paris semblent impossibles.
La raison : si les engagements des États paraissent ambitieux, ils ne sont pas suffisants. L’ONU a indiqué que les engagements pris par les États aboutiraient à « 66 % de chances de limiter le réchauffement à environ 2,6 °C à la fin du siècle ». Par ailleurs, c’est ensuite aux États de prendre le relais de leurs engagements au niveau de leur législation nationale.
Alors, à quoi bon continuer ? Pour leurs défenseurs, les COP ont au moins le mérite d’exister. Que ce soit pour permettre la construction de règles communes, maintenir une pression sur les États, favoriser l’échange d’information ou stimuler la mobilisation de la société civile, les COP font partie des outils pour lutter contre le dérèglement climatique. Interrogé sur le sujet par Reporterre en 2021, François Gemene expliquait que « les COP ne peuvent pas tout résoudre : ce ne sont que des forums de discussion entre gouvernements, qui essaient d’organiser la coopération internationale. Mais au final, tout dépend des gouvernements ».
legende