8 novembre 2024 à 09h22
Mis à jour le 9 novembre 2024 à 09h23
Durée de lecture : 4 minutes
Haute-Garonne, reportage
Malgré la brume matinale, entre Saint-Jory et Castelnau-d’Estrétefonds, à une vingtaine de kilomètres de Toulouse, de nombreux cyclistes et coureur arpentent la rive qui longe le canal latéral à la Garonne. En face, sur l’autre berge, des cabanes au sol et dans les arbres retiennent parfois leur attention.
Depuis le 30 août, des militantes et militants écologistes ont investi ce bois pour empêcher la SNCF de procéder à des coupes d’arbres dans le cadre des aménagements ferroviaires du nord de Toulouse (AFNT), travaux préalables à ceux de la ligne à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse. Craignant un passage en force, les activistes appellent à un rassemblement à la zad samedi 9 novembre, à 13 heures.
« Bienvenue à la Guinguette vaillante », lance Clément, l’un des occupants du lieu. Un feu ardent et un café qui finit de bouillir permettent à la dizaine de personnes présentes de se réchauffer. « Il n’y a pas beaucoup de monde qui sait ce qui se joue ici, raconte Clément. Même les locaux, les gens qu’on croise sur l’autre berge. Ils connaissent le projet de LGV, mais ne se rendent pas compte des implications concrètes pour la nature qu’ils ont l’habitude d’arpenter, sur tous ces arbres d’alignement. Très peu d’information circule. »
Les aménagements prévoient la construction de 73 kilomètres de nouvelles voies ferrées entre Toulouse et Castelnau-d’Estrétefonds. Objectif : doubler les deux voies existantes et ainsi « répondre aux enjeux de desserte du territoire […] en compatibilité avec la future ligne nouvelle Bordeaux-Toulouse du grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) », selon les documents de la SNCF. Le coût total de ces travaux préliminaires est estimé à près de 1 milliard d’euros, alors que l’ensemble du projet de la LGV Bordeaux-Toulouse-Dax à environ 14,3 milliards.
« On craint une intervention imminente »
Pour Clément, adossé près de la cabane qui sert à stocker la nourriture de la zad, un tel projet n’est pas nécessaire. « Il y a déjà une ligne de train existante entre Toulouse et Bordeaux, et on nous dit qu’on va artificialiser près de 5 000 hectares de terre pour gagner une heure [de transport] au nom des mobilités douces ? Cela n’a pas de sens. »
Assise autour du feu, une zadiste poursuit : « C’est aussi un projet antisocial, il n’y a que les personnes qui auront les moyens de prendre le TGV qui bénéficieront de ces infrastructures. » Au-dessus de leur tête, une « écureuil » — le surnom donné aux militants perchés dans les arbres — descend de sa cabane pour boire un café. Au total, une dizaine d’arbres est habitée dans cet espace boisé de 2,5 hectares au bord du canal.
À quelques kilomètres de là, à Saint-Jory, des platanes et des chênes sont également occupés sur la berge. « On est là depuis fin octobre. On craint des coupes et une intervention imminente », lance Claque-Son depuis son chêne. « Un huissier de justice et des forces de l’ordre sont passés ce matin », raconte une personne qui se fait surnommer « l’Araignée » depuis son platane voisin. Autour de leurs arbres, des troncs gisent par terre et des ouvriers sont déjà à l’œuvre pour délimiter une zone à la chaux sur la rive.
Sur son site, la SNCF annonce une interruption du trafic sur la ligne Toulouse-Montauban du 9 au 11 novembre « pour des travaux sur la future ligne LGV ». Les militants craignent une « opération coup-de-poing », à l’image de Jean Olivier, président des Amis de la Terre de Midi-Pyrénées et membre de la coordination LGV Non merci : « Je pense qu’ils vont profiter de cette interruption du trafic et essayer de faire tomber tous les arbres au bord des voies. Pourtant, il y a des dizaines et des dizaines d’arbres d’alignement, notamment ceux qui sont occupés à Saint-Jory, qui ne peuvent pas être abattus sans autorisation explicite. »
Le 5 novembre, plusieurs associations ont ainsi déposé un recours juridique en urgence devant le tribunal administratif de Toulouse pour empêcher de futurs abattages.