Du judéo-bolchevisme culturel, par Evelyne Pieiller (Le Monde diplomatique, juin 2025)


On dégénère. Tout dégénère. Et l’art le reflète. Voire empire la situation. L’essayiste Max Nordau tutoie l’insulte quand il évoque Paul Verlaine ou Oscar Wilde — de la « même famille anthropologique que les criminels ». Dégénérescence (1892), son pavé réactionnaire, lui vaudra une étrange notoriété. Les nazis raffolent du concept, qui associe psychiatrie, Kulturkritik et « raciologie ». Dès 1933, ils attaquent l’« art dégénéré », et en identifient 1 400 représentants au long d’expositions exhibant leurs œuvres avec un dégoût militant. La plus célèbre aura lieu en 1937, à Munich. C’est à partir de cette dernière qu’est menée une réflexion vigoureuse sur les conditions et le sens de ce « procès de l’art moderne » à l’occasion de l’exposition que le Musée national Picasso-Paris lui a récemment consacrée (1). La « dégénérescence » n’est pas seulement liée à une « race » ou à une opinion politique. Elle est intrinsèquement liée à l’avant-garde, pseudo-art malade, « bolchevisme culturel », qui pourrait contaminer l’entreprise de régénération qu’illustre l’art « allemand ». Au nom de Max Beckmann, Oskar Kokoschka, George Grosz, John Heartfield, Paul Klee… , on a envie de reprendre la déclaration d’Otto Dix : « Restons donc ce que nous sommes. Vive la dégénérescence ! »



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