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Gredins, canards et chansons, par Jean-François « Maxou » Heintzen (Le Monde diplomatique, juillet 2023)

ByVeritatis

Août 17, 2024


Mettre les faits divers en paroles et musique, une vieille tradition

Au début est le fait divers, réel ou inventé mais presque toujours sanglant. De la fin du XVe siècle à la Libération, de petites publications vendues par des colporteurs décrivent, avec force détails, meurtres, assassinats et autres affaires sordides. Il y a le texte que chacun commente à sa guise ; il y a aussi la complainte chantée sur un air connu. De quoi offrir une catharsis collective à un public toujours friand de ce genre de récits.

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« Triple assassinat, trois vieillards atrocement égorgés », Donadey, Paris, 1903

Il peut paraître déplacé, dans les colonnes d’un périodique, de célébrer un organe de presse écrite ne paraissant… que s’il a quelque chose à dire. Délivré de l’échéance du bouclage, ce curieux objet éditorial se nommait « occasionnel », « éphémère » ou encore « canard ». Apparu il y a six siècles, il ne disparaît vraiment qu’à la Libération, après une longue et méconnue carrière. Incluant comme il se doit titraille, illustration et narration, il se complète incongrûment d’une forme chantée, une « complainte », notamment lorsqu’il appréhende la matière criminelle, depuis les plus sordides faits divers jusqu’aux affaires politiques pas moins célèbres. À mi-chemin entre conte dramatique et Grand-Guignol, cette publication populaire a longtemps passionné les foules, avant d’être supplantée par des magazines, à commencer par Détective, mais aussi et surtout par la radio ou la télévision — il n’est que d’évoquer des émissions comme « Faites entrer l’accusé », « Crimes », « Affaires criminelles »…

Les premières feuilles d’information occasionnelles, ou « bulletins », naissent à la fin du XVe siècle. Elles rendent compte des guerres lointaines et d’événements exceptionnels : célébrations dynastiques, malheurs des temps, phénomènes météorologiques ou paranormaux, sans oublier la chronique criminelle. À partir du XVIe siècle, la foule se passionne pour ces éphémères, même s’ils diffusent parfois des nouvelles de pure invention — à tel point que le mot « canard » devient synonyme de mensonge. Des colporteurs les vendent, dans les rues des villes ou sur les marchés de province, au besoin en s’aidant d’une toile peinte de grandes dimensions reproduisant de façon approximative des scènes de la nouvelle chantée et déclamée. Ensuite ces canards sont commentés, affichés, lus à haute voix par ceux qui savent, dans les demeures populaires et lors des veillées. Mais assurément la forme chantée qui y figure aide à la mémorisation du récit.

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« Assassinat de M. Durel », Les Faits-Divers illustrés, 25 janvier 1906

Au départ, ce ne sont que de petits livrets à l’impression quelquefois bâclée pour (…)

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Jean-François « Maxou » Heintzen

Historien, chercheur associé au Centre d’histoire espaces et cultures (CHEC) de l’université Clermont-Auvergne, auteur de Chanter le crime. Canards sanglants et complaintes tragiques, Bleu autour, Saint-Pourçain-sur-Sioule, 2022.



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