Donald Trump, 47e président des États-Unis – nation artificielle bâtie sur le génocide des Amérindiens, rappelons-le –, s’est fait élire à la faveur d’un discours populiste qui tirait parti des errements de la coterie démocrate en état de putréfaction avancée. Notons qu’il est assez cocasse, pour un businessman milliardaire, de parvenir à fédérer une majorité d’électeurs au nom d’une certaine idée du « peuple », contre celle de l’« élite qu’il incarne pourtant de la façon la plus grotesque…
Confier la direction de la première puissance militaire du monde à un gros plouc chauviniste à la culture générale de pom-pom girl n’est pas sans conséquence pour la paix, sachons-le. Car le plus grand danger des dirigeants vient en fait de leur susceptibilité. Il ne faut pas chercher trop loin : un complexe d’infériorité mal géré et tout bascule.
Au fond, le problème n’est pas l’idée d’une élite, mais l’identité (et les intentions) de cette élite – ce qui est tout à fait différent, d’un point de vue fonctionnel. Quant à considérer qu’un promoteur immobilier dans l’âme puisse raisonnablement chapeauter l’élite politique d’un pays, il y a probablement là un débat d’éthique à mener autour de la notion de « ploutocratie ».
En ce sens, l’on peut voir d’une certaine façon le rapport élite/peuple comme l’extension du rapport professeur/élève, dans la mesure où l’élévation – non seulement professionnelle, sociale et culturelle, mais aussi morale et intellectuelle – des citoyens est l’objectif premier de la politique.
Seulement, dans une société où l’élite perd sa légitimité, où celle-ci trahit sa mission éducative et renonce à ses responsabilités pédagogiques, l’élève finit par se prendre pour un professeur et le plouc pour un administrateur. Conséquence : la Justice en prend un coup, et toutes les inversions sont permises.
Donald Trump a cessé de tortiller. C’est aujourd’hui manifeste : celui-ci s’inscrit pleinement, avec ses récentes déclarations de guerre contre l’Iran, dans la grande tradition impérialiste des États-Unis. Celle qui, sur quelques mensonges rebattus, a ravagé le Moyen-Orient ces vingt dernières années.
Ce que ne comprendront jamais les gens comme Trump, pétris d’un occidentalo-centrisme pathologique, c’est que l’Iran, lui, n’a aucune espèce de complexe d’infériorité à traiter. Riche d’une culture – scientifique, artistique, littéraire, architecturale, etc. – bimillénaire, la Perse se rit de ces parvenus décérébrés qui font la leçon au monde avec leurs dollars et leurs canons.
Bien plus qu’un chef religieux, Sayyed Hassan Nasrallah, lâchement assassiné par l’armée de Netanyahou le 27 septembre 2024, était le héros de la résistance arabo-musulmane face à l’expansionnisme criminel d’Israël. Rassemblés par centaines de milliers, hommes, femmes et enfants vêtus de noir avaient rendu hommage le 23 février dernier, en une impressionnante procession dans les rues de Beyrouth, à leur protecteur. Les images des funérailles de Nasrallah, que nos médias officiels se sont bien gardés de diffuser, témoignent autant de l’immense popularité du leader du Hezbollah que de l’impérieuse nécessité de son combat pour la justice et la souveraineté.
Ces mêmes médias, qui osent encore présenter comme une simple opération défensive le massacre organisé en Palestine par le régime de Netanyahou, sous mandat d’arrêt international pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et l’affamement délibéré des civils de Gaza par le blocage de l’aide humanitaire, agitent désormais la menace des « Frères musulmans sur le sol français. Une tentative de plus, aussi ridicule qu’indécente, vers une guerre civile fantasmée.
Comment appelle-t-on objectivement une armée qui bombarde des écoles, des hôpitaux et des camps de réfugiés, terrorise, spolie et déloge des familles innocentes depuis sept décennies ? Spontanément, si j’avais à utiliser le langage du trumpiste moyen, je dirais qu’il s’agit là d’une « bande de fils de pute », mais mon expérience personnelle m’a amené à ne plus employer cette insulte. Une rencontre avec un véritable enfant de putain – au sens littéral – m’en empêche désormais. Cette personne croisée au hasard de mes missions éducatives dans le tiers-monde, d’une gentillesse et d’une sensibilité rares, m’aura montré le formidable pouvoir de la résilience humaine. Mais c’est sans doute un autre sujet…
Et comment ne pas louer l’admirable patience des musulmans de France devant les offensives médiatiques dirigées contre eux au quotidien ? Dans ce confusionnisme toxique, où la mauvaise foi le dispute à l’ignorance, la question de l’islam ne cesse d’être malmenée, instrumentalisée, au profit d’une extrême droite arguant de l’insécurité grandissante pour légitimer sa xénophobie. Absents du débat public, les premiers concernés, c’est-à-dire les musulmans de France, se voient insultés sans pouvoir se défendre.
Alors que certaines communautés sont, de toute évidence, « sur-représentées » au vu de leur insignifiance démographique, la communauté musulmane, elle, souffre toujours de sa non-représentation dans l’espace médiatique français. Chaque fois que l’on daigne mettre en avant une personnalité musulmane ou d’origine arabo-berbère, c’est dans un panel caricatural allant de l’obèse analphabète au courtisan maniéré qu’on prend le soin de la choisir – quand ce n’est pas le terroriste ou le délinquant de banlieue qui fait la loi et l’actualité. Bref, de quoi rendre l’« Arabe » – qui aura toujours sa pudeur traditionnelle pour se consoler de l’exhibitionnisme occidental – détestable aux yeux des ignares et des flippés. L’on vient ensuite nous parler, dans un même discours, d’« ensauvagement » et d’« islamisation » de la société. Pénible est cette manie de confondre causes et conséquences !
Par l’imparable « effet de loupe » de la télévision, l’essentialisme de journalistes paresseux ou malhonnêtes et la spectacularisation de faits-divers, on a fait du Français musulman un bouc émissaire. Cependant le peuple n’est pas dupe, il a compris la manœuvre : il sait pertinemment que le problème majeur n’est ni l’islam ni l’« entrisme » des Frères musulmans – qui ne sont qu’une minorité inoffensive de bigots barbus à pantacourt – en France, mais la mainmise d’une certaine communauté d’intérêts sur les réseaux de pouvoir, les postes de décision et de représentation ; y compris dans le monde de la culture, censé être le dernier refuge des opprimés.
N’y voyons pas forcément l’intelligence de quelque « complot », mais au moins les restes d’un système de verrouillage et de cooptation suffisamment élaboré pour exclure toute voix dérangeante, toute proposition de paix, alimentant les tensions sociales, religieuses et ethniques, pour se maintenir. L’heure n’est plus au complotisme : elle est au dégagisme. Tous ces fils de… Satan qui nous mènent vers la guerre, quels que soient leur confession et leur projet tribal, sont à dégager (dans la joie et la bonne humeur) au plus vite.