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Ingénieuses, les baleines à bosse ont inventé un outil de chasse redoutable


22 août 2024 à 09h32
Mis à jour le 22 août 2024 à 10h20

Durée de lecture : 4 minutes

S’il y a bien une compétence que les humains croient être seuls à maîtriser, c’est celle-ci : la création d’outils. Une étude, publiée le 21 août dans la revue scientifique Royal Society Open Science, bat à nouveau en brèche ce mythe. Menée en Alaska par des chercheurs du programme de recherche sur les mammifères marins de l’université d’Hawaï et de l’Alaska Whale Foundation, elle montre que les baleines à bosse confectionnent des filets de bulles afin de capturer du krill, des petits crustacés d’eau froide. Le recours à cette technique leur permet de multiplier leurs prises par sept, selon les estimations des scientifiques.

Les auteurs de cette étude sont parvenus à cette conclusion au terme d’une mission scientifique menée en juillet 2019 à proximité du passage Frederick, un bras de mer situé au sud-est de l’Alaska, aux États-Unis, où des baleines à bosse peuvent être observées en grand nombre durant l’été. Cinq d’entre elles ont été équipées de capteurs de mouvements non invasifs. Des drones ont également été déployés pour filmer une grosse soixantaine de cétacés lors de leurs parties de chasse. Les données obtenues ont ensuite été longuement analysées en laboratoire par les chercheurs.

Ces derniers ont constaté que les baleines à bosse ont régulièrement recours à des « filets de bulles » pour chasser. Elles les produisent en relâchant de l’air par leur évent, tout en nageant de manière circulaire sous l’eau. En remontant vers la surface, les bulles ainsi créées forment une sorte de cage d’air, constituée de plusieurs anneaux, dans laquelle les proies — et notamment le krill, qui a tendance à éviter les bulles — se retrouvent piégées.

Cette technique correspond à la définition scientifique d’un outil, soit « l’emploi externe d’un objet environnemental non attaché pour modifier efficacement la forme, la position ou l’état d’un autre objet, d’un autre organisme ou d’une autre personne » (et ce de manière intentionnelle), expliquent les auteurs de l’étude.

En relâchant de l’air (à g.), les baleines à bosse créent des tourbillons (à d.).
© Alaska Whale Foundation/Université d’Hawaï/Permit Number : NOAA #19703

Les baleines à bosse ne se contentent pas de créer ces filets, montrent les auteurs : elles semblent exercer un contrôle poussé sur leur taille, leur forme et leur profondeur, dans le but « d’optimiser » les bénéfices de ce dispositif. Les scientifiques ont par exemple observé que tous les filets étaient confectionnés dans le sens des aiguilles d’une montre. Les baleines à bosse semblent par ailleurs faire en sorte que les anneaux qui les composent deviennent de plus en plus étroits, le dernier — et plus profond — étant à peine deux fois plus grand que le diamètre de leur gueule ouverte.

Les « mailles » de cet ultime anneau, c’est-à-dire la distance entre les bulles qui le composent, sont également beaucoup plus petites. Les baleines à bosse parviennent à resserrer cette partie du filet en expulsant davantage d’air par leur évent, tout en continuant de nager à la même vitesse. S’échapper devient alors, pour le krill, plus difficile.

Pas plus d’énergie requise

Ces différents éléments permettent aux baleines à bosse de concentrer leurs proies à peu de frais. Confectionner des filets de bulles ne semble pas exiger d’elles un effort physique particulier, suggèrent les auteurs de cette étude : la vitesse de nage de celles qu’ils ont observées ne s’élevait, en moyenne, qu’à 60 % de celle de leurs congénères chassant sans filet. Leur rythme respiratoire était également similaire.

Grâce à cette technique élaborée, les baleines à bosse peuvent se délecter en grande quantité d’animaux éparpillés dans l’eau, dont la capture s’avérerait sans cela bien plus énergivore. « Cette ingéniosité a permis aux baleines à bosse d’exploiter une niche écologique plus large que les autres baleines à fanons, ce qui leur sera relativement utile face à l’évolution des conditions océaniques », écrivent les auteurs.

Deux filets de bulles créées par des baleines à bosse.
© Alaska Whale Foundation/Université d’Hawaï/Permit Number : NOAA #19703

Amasser des calories est critique pour la population de baleines à bosse étudiée dans le cadre de cette étude. Chaque année, en hiver, elles quittent les eaux glacées d’Alaska pour Hawaï, 4 800 kilomètres plus loin. Leur vitalité dépend en grande partie du volume de leurs captures durant la période estivale.

L’observation de ce comportement permet de placer les baleines à bosse dans un groupe très restreint : celui des animaux qui utilisent leurs propres outils pour chasser, signale dans un communiqué Lars Bejder, coauteur principal de l’étude et directeur du programme de recherche sur les mammifères marins de l’université d’Hawaï. « Beaucoup d’animaux utilisent des outils pour trouver de la nourriture. Mais très peu les créent ou les modifient eux-mêmes. »

Parmi eux, on trouve notamment les corbeaux calédoniens, capables de fabriquer des crochets à partir de brindilles afin de débusquer de la nourriture. Chimpanzés communs et orangs-outans recourent également à des outils en bois pour extraire des termites de leur nid, ou recueillir du miel. Autant de pistes suggérant qu’au royaume des créateurs d’outils, l’humain n’est finalement pas si seul.

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