• ven. Sep 20th, 2024

« On exporte la pollution ailleurs »


L’Union européenne (UE) a diminué ses émissions de gaz à effet de serre de 4 % en un an. L’information a été publiée par Eurostat, le service de la statistique européenne, le 16 août dernier. Cela fait aussi -14 % depuis 2019, soit la période avant le Covid-19. Une bonne nouvelle, en trompe-l’œil seulement, explique Bastien Cuq, responsable énergie au Réseau Action Climat (RAC).

Reporterre — L’Union européenne a diminué ses émissions de gaz à effet de serre de 14 % en cinq ans. Peut-on s’en réjouir ?

Bastien Cuq — C’est une bonne nouvelle. Une grande partie de ce chiffre peut s’expliquer par une hausse de la place des énergies renouvelables dans le mix d’électricité. Un rapport du groupe de réflexion sur les énergies Ember indique qu’il y a, entre 2019 et 2023, une baisse de 22 % de l’électricité produite à partir d’énergies fossiles ; notamment charbon et gaz. Cela s’explique presque uniquement par l’augmentation de l’éolien et du solaire, plutôt que du nucléaire.

Dans un autre rapport qui compare 2023 à 2022, Ember note que les émissions de CO2 liées à la production d’électricité en Europe ont baissé de 19 % et que cela s’explique d’abord par la baisse de la demande, ensuite par l’augmentation de l’éolien et du solaire et un tout petit peu par le rebond du nucléaire et de l’hydraulique. Mais c’est seulement la troisième cause, et de loin.

On peut donc se réjouir de cette baisse des émissions, elle montre qu’on arrive à remplacer progressivement les énergies fossiles en Europe par des énergies renouvelables. Et cela s’accompagne d’une baisse de la production d’électricité dans l’UE.

Des baisses record des émissions de CO2 ont déjà été annoncées depuis le début de l’année en Allemagne et en France. Elles sont en réalité dues à la hausse des prix de l’énergie, à une sobriété subie. Qu’en est-il pour l’Union européenne ?

C’est ce qui est beaucoup moins réjouissant : une partie de la baisse des émissions de l’Union s’explique par une baisse de l’activité économique, notamment industrielle. Nous n’avons pas radicalement changé de mode de consommation depuis 2019. Nous consommons certes un peu moins, en raison de l’inflation.

Si l’on regarde l’empreinte carbone, qui prend en compte les émissions des biens produits hors de l’Union et consommés chez nous, celle-ci ne diminue pas si vite. Concrètement, cela signifie que l’on exporte la pollution ailleurs.

« Pas de réduction drastique de nos émissions »

Selon les statistiques du ministère de la Transition écologique, l’empreinte carbone par habitant en France n’a quasiment pas bougé : elle est passée de 9,3 tonnes eqCO2 en 2019 à 9,2 en 2022. On n’observe pas de tendance à une réduction drastique de nos émissions.

Selon les chiffres d’Eurostat, la baisse des émissions est en partie liée à celle des émissions industrielles. Les industriels sont-ils plus vertueux, ou produisent-ils moins ?

C’est difficile à estimer précisément. On peut prendre l’exemple de la France. Dans son rapport 2024, le Haut Conseil pour le climat compare la baisse de l’activité économique dans l’industrie à la baisse des émissions. Il constate qu’il y a une diminution de 22 % des émissions de l’industrie depuis 2015. Mais si l’on compare à la production constante, elle n’est que de -7 % seulement.

La décarbonation de l’industrie se fait encore attendre. Les feuilles de route mises en place par le gouvernement et les entreprises manquent d’ambition. Elles ne sont pas toujours appliquées et reposent trop sur les technologies de capture du carbone qui, en pratique, ne fonctionnent pas.

Eurostat se félicite également que, selon des données préliminaires, la production et la consommation de charbon de l’UE ont décru à leur plus bas niveau jamais enregistré. Qu’en pensez-vous ?

Une dynamique est enclenchée. Le charbon vit ses dernières années en Europe, même si c’est encore compliqué dans certains pays, comme la Pologne.

Par ailleurs, j’avais peur que le gaz ne serve d’énergie de transition. Mais en 2022 et 2023, la consommation de gaz a également baissé, notamment en raison de l’augmentation de son prix. Il y a ainsi un énorme marché, extrêmement rentable, pour les énergies renouvelables en Europe.

L’Union européenne peut-elle espérer atteindre ses objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre, qui sont de 55 % en 2030 par rapport à 1990, puis la neutralité carbone en 2050 ?

Pour ce qui est de la production d’électricité, l’Union européenne est en très bonne voie pour atteindre ses objectifs. Mais l’électricité, c’est la partie facile de la réduction des émissions de carbone.

Sur le reste, c’est plus compliqué. On le voit pour l’industrie, qui a besoin d’investissements énormes pour changer d’équipements. Les procédés industriels qui utilisent de l’électricité à la place du gaz ne sont pas toujours au point. On a le gros problème des transports. L’aviation n’arrête pas d’augmenter son trafic et donc ses émissions. La voiture est encore très utilisée, l’alternative ferroviaire n’est pas assez accompagnée. L’agriculture, elle, reste très mécanisée ; elle dépend du pétrole et d’engrais azotés qui polluent beaucoup. Pour la transition écologique en général, cela reste très difficile.

legende



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *