• ven. Sep 20th, 2024

Castets à Matignon, Les Écologistes y croient dur comme vert


Tours (Indre-et-Loire), reportage

On croirait voir arriver une rock star. Il n’est pas encore 13 heures, le 22 août, quand Lucie Castets, sourire rouge éclatant et cheveux argentés relevés en chignon, passe les grilles des journées d’été des Écologistes, à Tours. Derrière elle : des dizaines de jeunes militants, scandant en chœur « Castets à Matignon ! Castets doit gouverner ! ». Devant elle : d’autres centaines d’adhérents du parti écolo, un peu hébétés de la voir débarquer à l’improviste durant leur déjeuner dans le parc. Vite, les fourchettes sont reposées à la hâte sur les tables en bois, et la nouvelle venue est copieusement applaudie.

Face à cette scène, on peine à se souvenir qu’il y a un mois, Lucie Castets était une parfaite inconnue du grand public. Jusqu’au 23 juillet précisément, date à laquelle les partis du Nouveau Front populaire (NFP) sont enfin tombés d’accord pour soumettre sa candidature au poste de Première ministre. Depuis, l’économiste de 37 ans ne cesse d’être couverte de louanges partout où elle se rend, présentée systématiquement comme « la seule légitime à gouverner ».

Léa Balage, Marine Tondelier et Lucie Castets.
© Justine Guitton-Boussion / Reporterre

Lucie Castets peine à se frayer un chemin sur l’île Balzac, où les journées d’été des Écologistes se tiennent jusqu’au 24 août. Une marée de journalistes fond sur elle, jusqu’à se bousculer et s’invectiver entre eux. « Paix et biodiversité », leur lance Marine Tondelier, patronne du parti vert, pour tenter de calmer les troupes. Lucie Castets finit par s’engouffrer et s’enfermer dans une yourte blanche, à l’abri des regards curieux. Elle y restera tout l’après-midi. Au programme : préparer sa rencontre du lendemain avec Emmanuel Macron.

Après des semaines passées à nier la victoire du Nouveau Front populaire aux élections législatives — « Personne n’a gagné » répétait-il —, le président de la République a finalement décidé de recevoir à l’Élysée tous les chefs de partis et de groupes parlementaires, du 23 au 26 août, en vue de nommer un ou une Première ministre. Contre toute attente, il a accepté que les représentants de la coalition de gauche viennent accompagnés de Lucie Castets le 23 août — il avait pourtant jusque-là balayé sa candidature à Matignon. En cette première journée de rassemblement pour Les Écologistes, le mot d’ordre du parti était donc clair : Emmanuel Macron n’a plus d’autre choix que de nommer Lucie Castets cheffe d’un nouveau gouvernement.

« Pas de plan B »

« Il n’y a pas de meilleure candidate à Matignon que Lucie Castets, a insisté Marine Tondelier devant la presse. Qu’on vienne m’expliquer comment Bernard Cazeneuve ou Xavier Bertrand auraient une majorité plus large qu’elle. Je ne comprends pas. » La coalition du Nouveau Front populaire a obtenu 193 députés. Loin de la majorité absolue (289), mais tout de même plus que le bloc présidentiel (166), l’extrême droite et ses alliés (142) ou Les Républicains (47). Marine Tondelier a donc lancé, quelques minutes plus tard sur scène : « Il n’y a pas de plan B à Lucie Castets ! »

Pour Guillaume Gontard, président du groupe écologiste au Sénat, qui assistera aussi au rendez-vous à l’Élysée, l’analyse est la même. « Emmanuel Macron aurait pu profiter de l’été et des Jeux olympiques pour proposer autre chose, pour qu’une coalition se dégage, dit-il. Mais il n’y a aucune coalition possible, à part celle du Nouveau Front populaire. Quelle autre alternative a-t-il, à part Lucie Castets, s’il veut respecter ce qu’ont voté les Françaises et les Français ? Je n’en vois pas d’autre. » Son homologue à l’Assemblée nationale, Cyrielle Chatelain, enfonce le clou : « Je pense qu’Emmanuel Macron a eu l’illusion qu’en repoussant, il arriverait à trouver un plan B, quelqu’un qui réunisse plus largement. Mais cela n’existe pas. »

Plus de 3 600 personnes sont attendues aux Journées d’été des Écologistes.
© Justine Guitton-Boussion / Reporterre

Sur l’île Balzac, nombre de militants écolos interrogés partagent cette position. « Elle a un super profil, et nommer quelqu’un d’autre serait très mal perçu par les Français », estime Christophe Ahuir, adhérent au parti vert depuis 2009. « On est ravis de ce choix et on est obligés de croire en sa nomination, c’est notre rôle, on doit faire une pression populaire », abonde Marianne Floch, coordinatrice interne des Jeunes écologistes.

« J’ai peur qu’elle ne puisse rien faire »

Si la personnalité de Lucie Castets ne leur pose aucun problème, quelques militants sont plus mitigés sur sa capacité à gouverner sans majorité absolue. Quentin Mascart, adhérent depuis seulement trois semaines, est assis sur un banc, à l’ombre d’un soleil tourangeau de plus en plus brûlant. Quand on le questionne, le jeune homme de 26 ans n’hésite pas à le dire : il espère qu’Emmanuel Macron ne nommera pas Lucie Castets à Matignon. « J’ai vraiment peur que ça fasse un énorme pétard mouillé, qu’elle soit au gouvernement mais qu’elle ne puisse rien faire, et que ça déçoive encore plus la gauche », dit-il.

Près de lui, Maxime Bongard, militant depuis quatre ans, a les mêmes craintes. « Dans la configuration de l’Assemblée nationale, j’ai des doutes sur sa capacité à faire des choses qui correspondent au programme. J’ai peur que ça crée beaucoup de déception et nourrisse encore plus le vote Rassemblement national », enchérit-il. « Si elle réussissait à faire passer des lois qui améliorent la vie des gens, même si ce n’est pas aussi radical que dans le programme, ce serait déjà bien. Il faut prendre ce qu’il y a à prendre », pense en revanche Sylvaine, adhérente depuis 2009.

Émilie et Sylvaine, bénévoles.
© Justine Guitton-Boussion / Reporterre

De son côté, Lucie Castets ne déroge pas à sa ligne depuis plusieurs semaines : elle maintient qu’en cas de nomination, elle ira chercher « texte par texte » des coalitions, au-delà du Nouveau Front populaire, pour faire adopter des projets de loi. Une position qu’elle a maintenue sur scène en fin de journée, après avoir passé l’après-midi à échanger avec des cadres du parti écolo : c’était son tout premier meeting, en compagnie des Verts mais aussi d’autres représentants du Nouveau Front populaire — Aurélie Trouvé pour La France insoumise et Léon Deffontaines pour le Parti communiste —, là encore sous les acclamations.

Transition écologique

« On ne peut pas accepter que des enfants dorment dans des bouilloires thermiques dans les quartiers populaires, pendant que volent des jets privés et voguent des yachts », a-t-elle déclaré, répétant que la transition écologique ne devait pas se faire « sur le dos des classes populaires et moyennes, mais en faisant payer les gros pollueurs les plus riches ».

Selon elle, « deux verrous déterminants » doivent être supprimés pour concrétiser la bifurcation écologique, « l’austérité et l’injustice sociale ». « C’est cette direction que poursuivra un gouvernement du Nouveau Front populaire, et je suis sûre qu’il y aura des compromis possibles sur cette base, mesure après mesure, pour construire la transition ».

Nouvelle salve d’applaudissements. Un homme se lève dans la foule, et crie carrément : « Lucie présidente ! Lucie à l’Élysée ! » Portée par cette nouvelle popularité, Lucie Castets affrontera le locataire actuel du Palais le 23 août à 10 h 30. Elle poursuivra ensuite ses déplacements aux universités d’été du Parti communiste, de La France insoumise et du Parti socialiste. Une tournée de rock star.

legende





Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *