Qui fabrique le droit international ?, par Catherine Kessedjian & Anne-Thida Norodom (Le Monde diplomatique, mai 2023)


États, entreprises, société civile

Violation brutale de la Charte des Nations unies, l’agression de l’Ukraine par la Russie rappelle l’injustice des rapports de forces géopolitiques. Pourtant, aucun État, puissant ou faible, ne conteste la nécessité d’une règle du jeu mondiale. Tel est l’objet du droit international, dont le contenu et l’interprétation suscitent, en permanence, d’intenses guerres d’influence.

«Ce système financier mondial a été créé par les riches pour servir leurs intérêts. (…) Il creuse et perpétue les inégalités », martèle M. António Guterres devant l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU), le 20 septembre 2022. « Les divergences entre pays développés et pays en développement, entre le Nord et le Sud, entre les privilégiés et les autres, deviennent chaque jour plus dangereuses. » En suggérant de « créer des mécanismes de dialogue et de médiation pour apaiser les divisions », le secrétaire général de l’ONU questionne les fondements mêmes du droit international.

Historiquement bâti sur l’État souverain, tel que théorisé par Jean Bodin au XVIe siècle et consacré par les traités de Westphalie (1648), le droit international dans sa forme contemporaine est aussi l’héritier direct de la révolution industrielle du XIXe siècle, du capitalisme fondé sur l’utopie du « doux commerce » transformée en mondialisation et de la croyance ferme chez les intellectuels de la fin du XIXe siècle (aux États-Unis comme en Europe) que la paix se construit par le droit. Les premières organisations intergouvernementales universelles — l’Union internationale du télégraphe devenue l’Union internationale des télécommunications (UIT), créée en 1865, et l’Union postale universelle (UPU) en 1874 — étaient nécessaires à l’essor des échanges commerciaux.

Toute norme, pour être comprise et acceptée par ceux à qui elle s’adresse, doit être adaptée à la société pour laquelle elle est créée. Le droit international constitue ainsi la règle du jeu de ce qu’il est préférable de nommer « société » plutôt que « communauté » internationale. La géopolitique du XXIe siècle ne dessine en effet pas un espace homogène, une « communauté » dont les membres poursuivraient des buts collectifs, auraient des intérêts similaires et coopéreraient en bonne harmonie vers un bien commun. Le droit international est aussi le produit des négociations et des rapports de forces, parfois brutaux, entre des acteurs de poids (…)

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Catherine Kessedjian &

Anne-Thida Norodom

Respectivement professeure émérite de l’université Paris-II (Panthéon-Assas) et professeure à l’université Paris Cité. Mme Kessedjian préside la branche française de l’Association de droit international (ADI), plus connue sous son appellation anglophone International Law Organisation (ILA), qui célèbre ses 150 ans,.



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