Déjà inquiétés chaque semestre par les contestations de Viktor Orban, les dirigeants de l’Union européenne (UE) devront désormais trouver le moyen de convaincre le Premier ministre slovaque, Robert Fico, pour adopter de nouvelles sanctions contre la Russie. En fin de semaine dernière, les dirigeants des 27 ont certes réussi à reconduire les sanctions contre Moscou au sommet européen de Bruxelles, mais ne sont pas parvenus à adopter un 18ᵉ paquet. Bratislava craint que celui-ci mette en péril son économie, exigeant des garanties pour son approvisionnement en énergie.
L’Union européenne s’est engagée le mois de mai dernier à éliminer progressivement toutes ses importations de gaz russe d’ici la fin de 2027, voire à terme d’ici 2030, dans le cadre de ses efforts pour renforcer son indépendance énergétique. Le plan prévoit notamment d’interdire de nouveaux contrats d’importation de gaz russe dès la fin de l’année et de mettre fin à toutes les importations existantes dans les années à venir.
Les sanctions contre Moscou reconduites
Le plan invite chaque État membre à élaborer un plan national détaillant la manière dont il entend éliminer le gaz, le nucléaire et le pétrole russes de son bouquet énergétique. Son annonce a suscité la colère de deux pays européens, à savoir la Hongrie et la Slovaquie, inquiets pour leur approvisionnement en hydrocarbures.
Le 1ᵉʳ janvier déjà, lorsque Kiev mettait fin au transit du gaz russe par son territoire sous les applaudissements de l’UE, le Premier ministre slovaque, Robert Fico, avait dénoncé cette décision, saluée par l’UE. « Accepter la décision unilatérale du président ukrainien est totalement irrationnel et erroné », a-t-il plaidé dans une lettre à Bruxelles, déplorant « un impact financier majeur ». Le dirigeant slovaque a ensuite qualifié le plan présenté par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, d’“absolument inacceptable”. “Nous ne pouvons pas soutenir la proposition de la Commission européenne visant à interrompre totalement les livraisons d’énergie en provenance de Russie”, a-t-il déclaré.
“Je m’oppose à la proposition de nous engager dans une forme d’autodestruction. C’est un suicide économique, pour parler clairement. Je rejette l’idée que l’on doive cesser les livraisons de gaz, de combustible nucléaire et de pétrole russes simplement parce qu’un nouveau rideau de fer est en train de se dresser entre le monde occidental et, potentiellement, la Russie et d’autres nations”, a-t-il ajouté.
En fin de semaine dernière, comme chaque semestre, les dirigeants européens se sont réunis lors d’un sommet à Bruxelles pour reconduire les sanctions contre la Russie en raison de son invasion de l’Ukraine en 2022 et adopter, surtout, un 18e paquet. Celui-ci prévoyait principalement de réduire à 45 dollars le plafond du prix du baril de pétrole russe, aujourd’hui fixé à 60 dollars. L’UE entendait aussi renforcer la lutte contre la flotte fantôme utilisée par la Russie pour contourner ces sanctions prises à son encontre.
La reconduction a été confirmée et saluée par la plupart des dirigeants européens, à leur tête le Premier ministre polonais Donald Tusk. “J’ai accueilli avec une grande satisfaction cette nouvelle décision de prolonger les sanctions. Bien sûr, il y a toujours une petite crainte en amont. Mais, il est toujours possible d’obtenir l’unanimité. Et nous y sommes parvenus aujourd’hui encore, même s’il nous reste à prendre une décision sur le dix-huitième paquet de sanctions”.
Bratislava met son veto
Ce 18ᵉ paquet a justement rencontré l’opposition de Robert Fico. Tout comme son homologue hongrois, le Premier ministre slovaque a exigé des garanties et des compensations de la part de l’UE en échange de son vote. Il réclame une compensation pour les surcoûts du gaz et une prise en charge d’éventuels arbitrages internationaux avec Gazprom.
“S’il vous plaît, prenons cela très au sérieux. La Slovaquie est passée d’un pays qui était au début du tuyau à un pays qui est à la fin du tuyau. Nous n’avons pas d’accès direct aux terminaux de gaz liquéfié. Il pourrait y avoir une pénurie de cette marchandise, les prix vont augmenter. Dans ces conditions, il est de notre devoir, en tant que gouvernement de la République slovaque de dire que RePowerEU est nuisible. C’est tout simplement une idée idéologique”, a-t-il déclaré avant le sommet.
Quant au 18ᵉ paquet de sanction, “la Slovaquie ne le votera pas, pour que ce soit très clair. Nous considérons cela comme un seul paquet, y compris RePowerEU, et nous pensons que tant que les questions fondamentales ne seront pas résolues, nous ne pourrons pas adopter d’autres sanctions”, a-t-il affirmé.
Les discussions devront ainsi se poursuivre. Désormais, en plus de Viktor Orban, les dirigeants européens risquent de voir le PM slovaque, qui se limitait jusque-là à de virulentes critiques, se mettre à exercer son véto pour défendre les intérêts énergétiques, quitte à bloquer les aides à l’Ukraine, les initiatives européennes ou le vote de nouvelles sanctions.