Le 18 août 2024, en Argentine, au Mexique, au Portugal, en France, en Espagne, en Serbie et en Allemagne, des milliers de personnes se sont mobilisées contre des projets miniers menaçant de détruire les moyens de subsistance de territoires dans le monde entier. Reportage.
C’était le premier événement du réseau Red Global Anti-extractivism. Il coordonne, au niveau international, des actions communes de lutte contre l’extractivisme.
L’extractivisme, késako ? Ce sont toutes les activités qui touchent à l’extraction de substances et minéraux présents à l’état naturel sous forme solide, liquide ou gazeuse, ce qui inclut à la fois les minerais, les hydrocarbures et les gaz. Les mines à ciel ouvert ou les forages de gaz de schiste en sont des illustrations concrètes.
Lorsque des projets d’extractivisme émergent, les États portent systématiquement atteinte aux principes démocratiques et au droit à l’information. Lorsque les populations s’y opposent, les réponses étatiques ne se passent quasiment jamais sans les violences policières et judiciaires, le mépris du peuple et de sa voix. Pour répondre à ces violences, les collectifs et associations se forment et s’organisent.
L’extractivisme, incompatible avec la vie.
Dans un contexte de crise environnementale et sociale mondiale, les gouvernements brandissent une fausse transition énergétique « verte » pour justifier leur soutien aux politiques extractives. Ces projets sont souvent soutenus par une partie de la population locale, souvent très mal informée sur les conséquences au court et au long terme de ces exploitations. Les industriels leur promettent le développement économique des territoires et la création d’emplois.
La transition énergétique dite verte, considérée comme une solution au changement climatique sur certains territoires, provoque, en réalité, des préjudices pour les peuples autochtones ailleurs : rejets d’effluents toxiques, pollution, eaux chargées en métaux lourds, travail forcé…
Une fois les minerais extraits, les populations locales sont laissées avec les territoires défigurés, pollués, et sans retour en arrière possible. Alors même que, l’extractivisme prend souvent place là où les terres étaient potentiellement cultivables et nourricières .
Clin-d’oeil sur les actions internationales
En Espagne, dans la région de la Sierra de Gata, au nord de la communauté autonome d’Estrémadure, plusieurs mouvements anti-mines ont rejoint le réseau Red Global Anti-extractivism.
Suite à l’appel des collectifs Sierra de Gata et No a la Mina de Cañaveral, c‘est aux piscines naturelles de Villasbuenas de Gata que la mobilisation a eu lieu. Dès midi, différentes activités ont été organisées pour tous les publics : ateliers pour enfants, conférences, concerts, spectacles, lecture et enregistrement du manifeste international et repas commun au bord de la rivière.
Au Mexique, une Asamblea nacional per el agua, la vida y el territorio (Assemblée nationale pour l’eau et la vie et les territoires) a offert un riche programme de discussions, de tables rondes et de groupes de travail, avec la présence de 800 délégués de 269 organisations, groupes territoriales, et peuples autochtones de tous les pays. Étalée sur deux jours, la rencontre s’est terminée par une longue conférence de presse lors de laquelle une déclaration finale a été lue.
Le fait d’organiser cette rencontre au Mexique est très symbolique politiquement car le pays fait partie des territoires contenant d’importantes ressources en lithium que visent les industriels miniers.
Aussi, le Mexique fait partie des rares pays qui ont inscrit le droit à l’eau dans leur Constitution. Le déficit hydrique, lié à d’importantes vagues de chaleur qui assèchent le pays depuis la mi-mars 2024, y menace à la fois la santé des populations et les productions agricoles. Pourtant, le gouvernement a proposé une loi faisant la part belle aux utilisations industrielles de cette ressource, ainsi qu’à la privatisation des services d’eau.
En Allemagne, à Grünheide, le collectif Sand im Getriebe, ainsi que des activistes ont protesté contre un projet dévastateur : l’agrandissement de l’usine automobile Tesla qui menace de raser une forêt. Le milliardaire américain Elon Musk souhaite agrandir le site de 170 hectares afin d’y doubler la production, pour atteindre un million de véhicules électriques par an. Ce n’est pas la première fois que des destructions sont commises au nom de la transition énergétique.
Cette forêt se trouve en grande partie dans une zone de protection pour l’eau potable qui est régulièrement frappée par la sécheresse. D’après le scrutin consultatif de février dernier, les résidents de la commune de Grünheide, où est située l’usine, ont voté à plus de 60 % contre le projet de Tesla.
En parallèle, en Allemagne du nord, quelques activistes ont organisé une manifestation à proximité du parlement local. Elle a été accompagnée de discours d’informations sur les conséquences liés à l’extraction du lithium et des prises de paroles de soutien et de solidarité vis-à-vis des activistes serbes qui ont récemment subi des attaques et de la répression.
En effet, en Serbie, un projet de mine de lithium à été relancé en juillet 2024 par l’entreprise Rio tinto. Pourtant, il y a deux ans, ce projet avait été arrêté sous la pression de manifestant·es.
Le président nationaliste serbe Aleksandar Vucic a attendu la fin des récentes élections présidentielles pour annoncer cette relance. Depuis 2022, Rio Tinto avait acquis des terres dans la région de Loznica, où la mine devrait avoir une emprise de près de 400 hectares. Pour les opposant·es, ce projet de plusieurs milliards d’euros est un grave danger pour l’environnement de la région agricole de Jadar. Une importante mobilisation, portée par Extinction Rebellion Serbia et Marš sa Drine, s’est donc relancée dont la journée du 18 août, incluse dans leur mouvement de contestation.
Au Portugal, où l’entreprise britannique minière Savannah Ressources a l’intention d’ouvrir une mine de lithium de près de 600 hectares, un collectif uni pour la défense de Covas do Barroso (village au nord du pays) a aussi organisé une fête. Celle-ci comprenait une manifestation, des performances théâtrales et musicales rendant hommage aux populations locales. La journée s’est clôturée également par la lecture du manifeste international.
Dans cette région classée depuis 2018 de « patrimoine mondial agricole », pour la beauté de ses paysages et ses pratiques agricoles durables, en harmonie avec la nature, la lutte est aussi complexe qu’injuste. Plusieurs grands journaux nationaux mènent des campagnes de désinformation, en qualifiant la région de « moribonde », dépourvue d’habitants et des capacités de survie. Durant ces 6 derniers mois, les habitant·es ont bloqué les machines qui commençaient à perforer sur des terrains communaux n’appartenant pas à l’entreprise.
L’Agence portugaise pour l’environnement, qui a donné son feu vert à plusieurs mines de lithium, est soupçonnée dans une enquête pour corruption. Un scandale qui a contribué à faire chuter le gouvernement d’Antonio Costa, à l’automne dernier.
En France, les mouvements se tissent et les coalitions se fondent
L’Hexagone, loin d’être épargné par l’appétit de l’extractivisme, regroupe déjà plusieurs mouvements et associations qui se sont mobilisées, chacune sur son territoire. Dans l’Allier, à Echassières, où l’une des plus grandes mines de lithium au monde risque de voir le jour prochainement – les représentant·es de 6 collectifs et associations (Stop mines 03, Stop mines 23, confédération paysanne 03, bassines non-merci 63, Collectif Bonnet de Rochefort et Préservons la foret des Colettes) étaient présentes lors d’une manifestation aux portes de la société Imerys, porteuse du projet. Les moyens policiers déployés étaient comme à son habitude, supérieurs à ceux des manifestants.
En plein cœur de la Bretagne, à Glomel, une carrière d’andalousite est exploitée depuis 1976 par le même mastodonte qui menace les terres d’Echassières. La coalition Mines de rien a accroché des banderoles : « Pour que la terre suffise aux humaines #stopextractivism » et « 18/08 actions décentralisées internationales » sur un pont de Rostrenen, une commune proche, pour avertir les passant·es de la lutte en cours.
Pour l’occasion, l’artiste, Zoé Chaos, a réalisé des photographies d’art « nu ». Ces dernières, faites à proximité des verses des déchets miniers, ou des « stériles », tracent des parallèles entre les impacts sur les humain·es et sur les écosystèmes et dénoncent également l’exploitation humaine pour le profit.
Sur ce territoire, c’est le lancement des pourparlers autour de l’ouverture de la 4ème fosse qui a fait naître une contestation locale. Face à celle-ci, Imerys s’organise et la démocratie semble être mise à mal. Le Maire de Glomel de 2020 à septembre 2023, favorable à un débat public sur la question de l’agrandissement du projet, a vu son Conseil municipal démissionner.
Des élections anticipées ont eu lieu avant même que la consultation publique commence, et un maire soutenant ouvertement Imerys a été élu. Le 21 novembre 2023, une des nouvelles conseillères municipales a même déclaré en Conseil Municipal, lors duquel les élu·es ont voté sur la question de la fosse 4 :
« Je donnerais ma vie pour Imerys »
Des habitant·es de la commune font état d’intimidations et stressent pour la pérennité de leurs activités face à l’hégémonie d’Imerys sur le territoire. En juin dernier, les riverain·es, d’habitude convié·es, ont été refusé·es à l’entrée du comité de suivi annuel d’Imerys. Il en a été de même pour une des associations locales, très investie dans le combat, de manière arbitraire alors qu’une autre association de la commune a pu entrer. Début juillet, la préfecture a autorisé l’ouverture de la fosse 4 mais les associations et les riverain·es ne comptent pas arrêter leur combat contre Imerys et son monde. Une pétition a d’ailleurs été lancée.
Selon la coordination internationale, un manifeste a été lu et filmé dans tous les pays du monde impliqués et un court métrage verra le jour très prochainement. Ce film aura pour vocation de montrer aux différents collectifs à travers le monde qu’ils ne sont pas seuls et appeler à rejoindre ce nouveau mouvement international.
– Coline Minet
Photo de couverture : Zoé Chaos