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Laurent Wauquiez quitte sa région, son bilan anti-écologique demeure


6 septembre 2024 à 15h45
Mis à jour le 6 septembre 2024 à 16h55

Durée de lecture : 4 minutes

Fabrice Pannekoucke a la voix serrée par l’émotion. Le maire de Moûtiers, petite commune de 3 500 habitants en Savoie, vient d’endosser le manteau de président d’Auvergne-Rhône-Alpes ce jeudi 5 septembre. « C’est un immense honneur de présider cette assemblée, annonce-t-il en balayant des yeux ses collègues du conseil régional, à Lyon. En disant cela, j’ai une pensée pour Laurent Wauquiez, à qui je rends hommage. Sans toi, cette région ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. »

Élu député de la Haute-Loire au début de l’été, Laurent Wauquiez a été contraint par le non-cumul des mandats de quitter son siège de président de région au profit d’un fauteuil à l’Assemblée nationale. L’éloge de son successeur sonne comme un constat glaçant. En poste depuis 2016, celui qui se revendique d’une « écologie positive » a mené pendant huit ans une politique anti-environnementale radicale.

50 salariés de FNE licenciés

Dès ses premiers mois au pouvoir, Laurent Wauquiez a choisi de ne pas renouveler les conventions pluriannuelles établies avec France Nature Environnement (FNE). Exit les subventions dédiées à l’éducation à l’environnement des écoliers et au projet Sentinelles de la nature (braconnages et dépôts sauvages). Près de 50 salariés de FNE ont été licenciés suite à ces coupes.

Les fonds régionaux ont été réorientés en faveur de la Fédération régionale des chasseurs. En contrepartie, les chasseurs ont la charge de veiller au respect de la biodiversité, d’entretenir les trames vertes et bleues, et de sensibiliser les écoliers à l’environnement, avec des activités telles que des pistages d’animaux chassables.

Canons à neige et préférences politiques

Face à la réduction de l’enneigement naturel dans les Alpes liée au dérèglement climatique, la région a massivement investi dans la neige artificielle. De 2016 à 2021, un généreux « Plan neige » a fléché 90 millions d’euros vers l’installation de canons à neige, voraces en eau. Suivi par un nouveau « plan Montagne » à 100 millions d’euros, dont 30 destinés à « la sécurisation de l’enneigement » et seulement 15 pour la diversification touristique.

Laurent Wauquiez a un temps menacé de dévier les subventions des zones Natura 2000 vers les agriculteurs. Officieusement, l’homme à la parka rouge reprochait aux animateurs des espaces protégés leurs préférences politiques. Dans un enregistrement que s’est procuré Reporterre, on pouvait l’entendre répondre aux élus écologistes : « Ça pose un problème : vous avez des gens salariés, qui perçoivent des subventions publiques, et qui sont ensuite l’armature de vos campagnes électorales. »

L’année dernière, le néodéputé a coupé les financements de l’Ardear, le principal réseau d’aide local à l’installation paysanne qui accompagnait chaque année 800 aspirants agriculteurs dans la région.

À fond l’artificialisation

À l’automne 2023, Laurent Wauquiez a refusé d’appliquer l’objectif « zéro artificialisation nette » de la loi Climat et résilience. « Mettre sous cloche les décisions des permis de construire sur la ruralité, cela signifie qu’on s’interdit toute forme d’avenir », avait-il annoncé sous les vivats de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), réunie à l’Alpe-d’Huez (Isère). Un coup d’éclat sur lequel il a rapidement rétropédalé.

L’ex-président de région aimait enfiler son casque du BTP. Soutien inconditionnel du projet routier de l’A45 à travers les terres paysannes, aujourd’hui abandonné, il appuie toujours avec force la liaison ferroviaire Lyon-Turin, qui perturbe le cycle de l’eau en Savoie. Il a offert à la Haute-Loire, son fief électoral, la RN88 : 190 hectares vont être artificialisés pour une déviation qui fera gagner trois minutes aux automobilistes.

« La main invisible de Laurent Wauquiez sera toujours là »

Le passage de flambeau à Fabrice Pannekoucke, jusqu’ici discret vice-président à l’agriculture, n’augure aucun changement de cap. Pourfendant « l’écologie punitive » qu’il résume à « la décroissance », le nouveau président de région affirme que la transition écologique repose sur « de grands projets d’infrastructures comme le Lyon-Turin ».

Dans l’opposition, le nouveau venu est observé avec une retenue prudente. « C’est une façon d’éteindre les projecteurs sur la région Auvergne-Rhône-Alpes avec quelqu’un de peu connu », juge Maxime Meyer, le coprésident du groupe écologiste. Chez les socialistes, Najat Vallaud-Belkacem espère ainsi « tourner la page » de Laurent Wauquiez et de sa gouvernance « violente, clientéliste, opaque ». Élu communiste du Puy-de-Dôme, Boris Bouchet abonde sans se faire d’illusion : « On espère un changement de style, mais la main invisible de Laurent Wauquiez sera toujours là. »

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