Il voulait une guerre parfaite, le summum de la performance, le coup d’éclat absolu pour faire la une des médias


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par Alastair Crooke

Les négociations entre les États-Unis et l’Iran ont peu de chances d’aboutir à un accord.

«Selon les avis, le bombardement américain des installations nucléaires iraniennes à Fordow, Natanz et Ispahan a constitué soit un succès retentissant ayant gravement paralysé le programme nucléaire de Téhéran, soit un coup d’éclat dont les résultats sont bien moins impressionnants que ceux escomptés. Dans l’ensemble, c’est juste une mise en scène».

La grande question, après «quelle sera la prochaine étape en Iran» et «comment les Iraniens pourraient-ils réagir», est «comment l’électorat de Trump va-t-il réagir ?», dit Michael Wolff (qui a écrit quatre livres sur Trump).

«Et je pense qu’il [Trump] est vraiment inquiet», souligne Wolff. «Et il devrait l’être. Pour comprendre cette coalition, il faut souligner deux points fondamentaux : l’immigration et la guerre. Le reste est secondaire et peut faire l’objet de compromis. Mais ces deux paramètres ne sauraient faire l’objet de compromis».

Le message d’Hegseth («nous ne sommes pas en guerre contre le peuple iranien, seulement contre son programme nucléaire») témoigne d’une position «révisée à la baisse» sous la pression du MAGA : «Ne faites pas attention. Nous ne sommes pas vraiment en guerre», voilà ce que Hegseth essayait de suggérer.

Que peut-on attendre des prochaines étapes ? Quatre scénarios sont envisageables :

Les Iraniens peuvent dire «d’accord, nous nous rendons» – mais cela n’arrivera pas.

Deuxièmement, une guerre prolongée entre l’Iran et Israël, qui verrait Israël être attaqué comme jamais auparavant.

Troisièmement, un changement de régime peut être tenté, même si cela n’a jamais été réalisé via une simple attaque aérienne. Historiquement, les changements de régime américains se sont soldés par des massacres, des périodes d’instabilité, de terrorisme et de chaos.

Enfin, certains avertissent qu’un Armageddon nucléaire est à craindre si la destruction de l’Iran est envisagée. Ce serait toutefois un acte suicidaire, synonyme de la fin probable de Trump lors des élections de mi-mandat.

«Mais permettez-moi toutefois de clarifier», ajoute Wolff.

«Les appels sont l’un des principaux moyens de comprendre la séquence d’événements qui a mené Trump à la situation actuelle (les frappes contre l’Iran). Les appels sont l’un des principaux vecteurs pour comprendre sa pensée (j’utilise le mot «pensée» au sens large)».

«Il m’arrive de parler à certains des interlocuteurs de Trump. Pour faire simple, Trump externalise toute sa réflexion : elle passe par une série d’appels téléphoniques constants. Et c’est assez facile à suivre, car il dit la même chose à tout le monde. C’est donc un cycle constant de répétitions».

«Donc, en résumé, quand les Israéliens ont attaqué l’Iran, il était particulièrement excité et tous ses appels ont tourné autour de la même question : «Est-ce une victoire ?», «Vont-ils gagner ?» «Est-ce que c’est fini ?» «Ils sont tellement bons !», «C’est vraiment sensationnel»».

«Encore une fois, nous ne parlons que de l’aspect spectaculaire. Il s’agit d’un énième show et, la veille de l’attaque contre l’Iran, ses appels se sont succédé à un rythme effréné : si nous agissons, nous devons le faire à la perfection. Nous devons remporter la victoire. Tout doit paraître parfait. Et personne ne doit mourir».

Trump répète sans cesse à ses interlocuteurs :

«Nous allons réaliser un grand coup : c’est le grand jour. Nous aspirons à un jour grandiose. Nous voulons une guerre parfaite».

Puis, brusquement, Trump a annoncé un cessez-le-feu, ce qui, selon Wolff, a marqué «la conclusion de la guerre parfaite de Trump».

Et soudain, alors qu’Israël et l’Iran semblaient jouer le jeu de cette «guerre parfaite», «il bouillonne parce que tout ne se passe pas comme prévu» !

Et Wolff de poursuivre :

«À ce stade, Trump avait déjà embrassé le rôle de celui selon qui «c’était sa guerre». Sa guerre parfaite. Un drame télévisé à son apogée : une guerre pour faire la une. Et le titre serait : «NOUS AVONS GAGNÉ». «C’est moi qui commande maintenant, et ils feront ce que je dis». Ce que nous avons ensuite vu, c’est sa frustration d’avoir raté un gros titre en or : «Ils ne font pas ce qu’il leur dit»».

Quelles sont les implications stratégiques plus larges de ce micro-épisode ? Eh bien, selon Wolff, Trump ne se laissera pas entraîner dans une guerre longue et complexe. Pourquoi ?

«Parce qu’il lui manque tout simplement la capacité de concentration nécessaire. C’est tout. Il est foutu : game over».

Selon Wolff, pour comprendre toute la portée stratégique de son analyse, il faut saisir un point fondamental : Trump veut être au centre des attentions. Il pense en termes de titres à la une, à tout instant, et non en termes stratégiques. Il cherche à dominer l’actualité quotidienne et, pour ce faire, il cherche à imposer ses propres titres par le biais d’une posture rhétorique, en manipulant la «réalité» pour offrir sa propre «vision» sensationnelle à la Trump.

Les titres constituent alors une forme de domination politique susceptible de se métamorphoser en politique, ou pas.

Néanmoins, comme le souligne Wolff, Trump aura du mal à détourner l’attention de l’Iran, même s’il est passé maître dans l’art de la diversion. En effet, Trump s’est engagé sur le slogan annexe «L’Iran n’aura jamais la bombe». Il ne l’exprime pas en termes politiques, se laissant plutôt une marge de manœuvre pour revendiquer une éventuelle victoire ultérieure.

Pourtant, n’oublions pas un point fondamental : l’attaque israélienne contre l’Iran, le 13 juin, cherchait à faire tomber l’Iran comme un château de cartes. C’est ce à quoi Israël et Trump s’attendaient : «[Les appels téléphoniques de Trump à la veille de l’attaque surprise israélienne] tournaient tous autour de la même question : allaient-ils gagner ? Était-ce une victoire ? La fin du match ? Ils sont tellement doués ! C’est vraiment un coup de maître». Trump avait anticipé l’effondrement potentiel de l’État iranien.

Ce ne fut pourtant pas «la fin du match» ! Les Israéliens se félicitent peut-être abondamment du coup de maître du Mossad du 13 juin, du «professionnalisme» des décapitations perpétrées par le Mossad, des assassinats de scientifiques, des cyberattaques et des sabotages. Le Mossad est encensé par de nombreux Israéliens, mais il ne s’agit là que de succès tactiques.

L’objectif stratégique, le «but ultime» de l’opération, a été un échec : le «château de cartes» est resté debout. Il a même rebondi avec vigueur. Au lieu d’affaiblir l’Iran, l’attaque a permis de raviver les identités chiite et iranienne. Elle a réactivé une ferveur et une fierté nationales passablement émoussées. L’Iran n’en ressortira que plus performant.

Si l’assaut israélien du 13 juin n’a pas été concluant, pourquoi le plan fonctionnerait-il mieux une seconde fois, alors que l’Iran est désormais pleinement préparé ? Netanyahou semble privilégier une longue guerre d’usure avec l’Iran pour alimenter ses propres espoirs de «grande victoire». Mais Netanyahou ne doit plus se bercer d’illusions : Israël ne survivra pas à une guerre d’usure, sans une aide substantielle des États-Unis (qui pourrait ne pas se matérialiser).

Cependant, l’évident malaise de Trump (tel que décrit par Wolff) quant aux chances de victoire d’une attaque surprise israélienne est révélateur de son tempérament : «Est-ce que nous allons gagner ? Est-ce que ça y est ? Il faut que ce soit une victoire : tout doit être parfait, tout doit être réglé du premier coup».

Ces questions obsédantes posées à son entourage traduisent plus un manque d’assurance qu’une volonté – ou une capacité d’attention – à mener un combat long et acharné, sans une issue claire et définitive.

De plus, il craint à juste titre le contrecoup d’une longue guerre sur sa base électorale MAGA, ainsi que sur ses jeunes électeurs (qui commencent déjà à se détourner de Trump, comme le suggèrent les sondages d’opinion). De plus, les majorités de Trump dans les deux chambres sont extrêmement fragiles. 300 millions de dollars suffiraient à faire pencher la balance du bon ou du mauvais côté.

Rappelons également qu’Israël a été attaqué comme jamais par le passé. Israël continue de minimiser l’étendue des dégâts causés par les missiles iraniens, mais les hauts responsables israéliens chargés de la sécurité tirent peu à peu la conclusion amère que le «programme» iranien ne pourra probablement pas être détruit militairement. Seul un accord diplomatique, quel qu’il soit, pourrait peut-être y parvenir, et encore, rien n’est moins sûr.

Le changement de régime reste une chimère. L’Iran n’a jamais été aussi uni et déterminé. La menace d’assassinat du Guide suprême s’est également retournée contre ses auteurs. Quatre autorités religieuses chiites de premier plan (Marja’iyya), dont le célèbre grand ayatollah Sistani en Irak, se sont prononcées en faveur d’une fatwa appelant à un jihad contre l’Amérique et Israël, si le Guide suprême était attaqué.

Les négociations entre les États-Unis et l’Iran semblent toutefois loin d’aboutir à un accord. L’AIEA se retrouve au cœur du problème plutôt que de contribuer à sa résolution. Tandis que l’attention de Trump pour la manœuvre de «cessez-le-feu» en Ukraine semble s’estomper, le même scénario pourrait bien se produire avec l’Iran. Des négociations interminables sans issue, pendant que l’Iran relance discrètement son programme d’enrichissement. Israël pourrait bien être tenté de lancer de nouvelles attaques contre l’Iran, entraînant une riposte inévitable de la part de ce dernier, avec une escalade à la clé.

Alastair Crooke

source : Strategic Culture Foundation via Spirit of Free Speech



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