Donald Trump, seul en scène, par Guillaume Orignac (Le Monde diplomatique, juillet 2025)


Comment le stand-up est-il passé à droite ?

Au pays de Lenny Bruce, Johnny Carson et Jon Stewart, les saillies des stand-upeurs ont longtemps révulsé les caciques du Parti républicain. Et puis celui-ci s’est donné un nouveau chef qui adore les provocations. Il a vite compris quels médias il devait privilégier : des podcasts tenus par des humoristes sur Internet, dont l’audience dépasse souvent celle des émissions conventionnelles.

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Peter Saul. – « Abstract Expressionist Portrait of Donald Trump » (Portrait expressionniste abstrait de Donald Trump), 2018

© Peter Saul, Courtesy Michael Werner Gallery/ADAGP, Paris, 2025

Un tweet a retenu l’attention dans le flot de commentaires qui a suivi la défaite de Mme Kamala Harris en novembre dernier. Le journaliste Elie Mystal y observait que « les progressistes américains ont besoin de créer leur propre Rogan, quelqu’un qui peut parler aux gens à qui il s’adresse ». Dix jours avant l’élection présidentielle, le podcasteur Joe Rogan avait accueilli dans son studio M. Donald Trump pour une conversation de trois heures (lire « Le bon sens de Joe Rogan »). L’épisode a été vu plus de cinquante millions de fois sur YouTube, un total excédant de loin celui des émissions conventionnelles, ce qui a permis au candidat républicain de toucher un public majoritairement blanc, jeune et masculin.

Rogan est issu de la stand-up comedy, cette communauté de soutiers du rire qui mêlent expression intime et blagues impertinentes. Or le président américain, conseillé, dit-il, par son fils Barron, a centré sa dernière campagne électorale sur les nouveaux médias tenus par des humoristes. À chaque fois, il a obtenu de très bonnes audiences. Le mariage de l’humour et de la politique se fêtait, jusqu’à présent, sans y convier les républicains. Le stand-up a-t-il changé de camp ?

Profondément enraciné dans la culture nord-américaine, cet aimable bavardage a connu dans les années 1950 une révolution formelle qui l’a transformé en un art d’expression personnelle. Abandonnant une formule qui consistait à mitrailler de blagues inoffensives un public de night-club, il s’est ouvert au commentaire politique et social en prenant l’apparence d’une conversation. Cette mutation fut portée par deux figures, aux tempéraments pourtant opposés.

Le satiriste et le provocateur

D’abord Mort Sahl, qui surgit sur scène en 1955, en serrant dans ses mains le journal du jour qu’il commentait d’un ton alerte et malicieux. L’humoriste abordait frontalement la vie politique de son pays en s’en faisant l’exégète sarcastique. Calquant son débit sur les rythmes d’un jazz-band, Sahl connut une (…)

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