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Inoxtag a gravi l’Everest… sans parler du changement climatique


16 septembre 2024 à 16h59
Mis à jour le 17 septembre 2024 à 07h19

Durée de lecture : 4 minutes

Les paris sont lancés : Inoxtag a-t-il réussi son ascension de l’Everest ? La séance n’a pas commencé que les spectateurs, venus en nombre vendredi 13 septembre pour l’avant-première projetée au cinéma Pathé dans le XIIIe arrondissement de Paris, font déjà leurs estimations. Pour Adam, étudiant en deuxième année de licence de communication, aucun doute, « ce gars est trop fort, il s’est beaucoup entraîné, il va réussir, c’est le projet de sa vie ». Son ami Jules, 20 ans, est quant à lui peu convaincu par l’argument : « Il faut des années d’entraînement pour qu’un alpiniste se lance dans l’ascension de l’Everest. Inox, c’est un mec d’internet qui ne faisait même pas de sport il y a un an. »

Plus de 500 cinémas, en France et à l’étranger, ont diffusé son documentaire Kaizen en avant-première. La vidéo est sortie sur YouTube le lendemain à 14 h 30 et a comptabilisé plus de 11 millions de vues en vingt-quatre heures, pour atteindre les 17 millions dans la matinée du 16 septembre. Un succès attendu.

Youtubeur aux 8 millions d’abonnés, Inoxtag, Inès Benazzouz de son vrai nom, s’est lancé le défi de gravir l’Everest après un an d’entraînement intensif. Depuis six mois, il n’avait donné aucune nouvelle à sa communauté. L’objectif : garder le suspense jusqu’à la diffusion de son documentaire. Résultat : une montagne effectivement gravie, un discours sur le dépassement de soi omniprésent… qui n’évoque pas une seule fois le changement climatique.

Inoxtag s’est préparé pendant un an pour son ascension de l’Everest.
Capture d’écran de « Kaizen »/YouTube/Inoxtag

« Très axé autour de lui-même »

Monter l’Everest est un défi personnel qui aura coûté entre 1,5 et 2 millions d’euros à Inoxtag, selon Libération. Pendant près d’un an, le vidéaste a filmé ses entraînements avec Mathis Dumas, guide de haute montagne qui l’a accompagné dans son projet. Mont Blanc, Dent du Géant en Europe, mais aussi l’Ama Dablam au Népal… Ils ont gravi de nombreux sommets avant de s’attaquer au toit du monde. Les images de la montagne dans le documentaire sont impressionnantes, « il y avait un côté très réaliste, un peu journal intime qui était vraiment touchant », dit Lucile, 28 ans.

Le youtubeur a porté un sac de 10 à 20 kilos, le reste étant transporté par les sherpas.
Capture d’écran de « Kaizen »/YouTube/Inoxtag

Sa motivation était de transmettre l’art de l’alpinisme, explique Inoxtag au début de son documentaire. Mais pour le vidéaste, gravir l’Everest a surtout été un moyen de se dépasser, et d’accomplir le plus grand projet du YouTube français. « Son voyage était très axé autour de lui-même, et de sa volonté de se déconnecter de notre société », déplore l’abonnée, qui aurait aimé qu’Inoxtag partage un message plus fort sur l’environnement.

Le changement climatique, grand absent

Durant 2 h 26, Inoxtag n’a évoqué ni le changement climatique ni l’impact carbone d’un tel projet. Pour Lucile, qui a récemment fait un trek au Népal et qui connaît la montagne, c’est décevant : « Je pense qu’il aurait dû en parler, il y a beaucoup de mouvements en montagne, avec des avalanches et des crevasses dues au réchauffement climatique. Les ascensions sont de plus en plus dangereuses et il a dû le constater par lui-même. C’est dommage de ne pas en dire plus. »

Selon Fiona Mille, présidente de l’association écologiste Mountain Wilderness, le propos véhiculé par Inoxtag n’est plus en accord avec les enjeux de notre siècle. « Il continue de vendre cet imaginaire de ressources illimitées alors qu’on a un impératif de sobriété », dit-elle à Reporterre.

Ces embouteillages au sommet de l’Everest, Inoxtag les « déteste ». Sans s’apercevoir qu’il participe, lui aussi, à cet encombrement.
Capture d’écran de « Kaizen »/YouTube/Inoxtag

Inoxtag a fait le choix de montrer des bribes de ce qu’implique l’ascension de l’Everest : une surpopulation avec des embouteillages de près d’une heure pour passer d’un camp à un autre, l’impossibilité de descendre les corps d’alpinistes morts au sommet, l’importance des sherpas sans qui il n’aurait pas pu réussir son projet, et une pollution si importante que l’Everest est devenu une poubelle à ciel ouvert. Lui, « en respect pour la montagne », a tenu à descendre ses déchets.

Lire aussi : Everest : comment le toit du monde est devenu la poubelle de riches touristes

« Il a montré le minimum. Inox n’est pas connu pour être quelqu’un d’engagé dans la cause environnementale, mais son documentaire n’a pas glorifié l’ascension », dit Lucile. Pour Manon, abonnée de 28 ans, le projet d’Inoxtag a été une source d’inspiration : « Je fais de la randonnée depuis toujours et le documentaire m’a donné envie de me dépasser et de faire des ascensions. Pas l’Everest, mais des montagnes surmontables, à mon échelle. »

Après avoir gravi le toit du monde, Inoxtag a annoncé qu’il continuerait l’alpinisme, sans dévoiler la suite de ses projets, tout en encourageant les jeunes à se déconnecter de leurs écrans, d’avoir des rêves et de découvrir le monde. Réussira-t-il lui-même à s’en défaire ou retournera-t-il sur les plateformes ? Une chose est sûre, l’Everest surfréquenté n’est pas près de se libérer des envahissants touristes.

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