Il n’existe pas de bonheur parfait – Les moutons enragés


Par Lediazec

J’en ai marre d’écrire sur la crise. Sur un monde en pleine déroute ! J’en ai assez des banquiers, des traders, des politiciens corrompus, des tricheurs, des malcomprenants, des aveugles, des sourds, des idiots et des idiotes, des intelligents, des souffreteux, des cinéphiles en carton et des films en confiote !

Marre de fulminer mon bonheur dans l’indifférence générale. Qui ça intéresse, un bonheur plein, un bonheur total ? Je le proclame, le vocifère, le murmure ou le crache : marre d’être heureux ! Je n’en peux plus ! Un seul réconfort cependant : contempler la tronche de cake des amis militants devant ce qu’ils estiment être une pure aberration !

Passez votre chemin, cohorte de pisse-vinaigre et de béni-oui-oui du catastrophisme tous azimuts. Laissez-moi respirer mon bonheur en paix. Je n’ose plus écrire « bonheur à un euro », car presque plus personne ne veut de ce laiton de malheur !

Je lis les journaux, les magazines… Les bulletins paroissiaux — si si, ça existe encore —, même s’ils deviennent rares. Le programme de télé et la vie des starlettes sur papier glacé qui se prennent pour des étoiles.

Je suis abonné aux plateformes vidéo avec lesquelles je tartine mon intelligence jusqu’à la rendre aussi obsolescente qu’un produit de consommation courant ayant dépassé la date limite. 

Je suis comblé, sans états d’âme. Je regarde passer le temps avec une béatitude quasi mystique. Me mouche sans ennui quand le rhume me prend en n’importe quelle saison. Pour le surmonter, je me fais vacciner une, deux, six fois, si nécessaire. Pour mon bien et pour le confort des autres, ce sont les consignes. N’est-ce pas là l’aboutissement d’un bonheur sans nuages ? Par exemple, quand mon thérapeute conseille l’hydratation régulière de mon corps, je fais la queue pour aller piquer une tête dans la Seine, maintenant qu’elle a été « proprement » nettoyée !

Fou, dites-vous ? Pas du tout !  Si d’autres le sont, tant pis pour eux ! J’emprunte des sommes rondelettes pour l’achat d’un véhicule électrique. Je veille à la pérennité des glaciers !

Je repose le paquet de revues à mon retour de chez le buraliste. Sur le haut de la pile, le dernier Vanity Fair, avec, en couverture, Scarlett Johansson, la Lucy du film éponyme qui a fait dresser tant de queues de par le monde, en cet été où on nous annonce qu’elle « ose tout » !

Si ce n’est pas du bonheur, je me coupe un bras ! Attendant l’heure où je vais me prélasser, lisant les confidences de la star, je file dans mon jardin contempler la beauté des pavots qui éclosent. L’année dernière, j’ai perdu un méconopsis bleu (cf. l’illustration). J’ai eu mal à l’âme pendant un temps incroyablement long. Comme si sa mort avait déclenché la mienne propre. Il ne reste de sa disparition que la nostalgie de son éphémère présence. Qui n’a pas vu ce pavot, originaire de l’Himalaya, d’un bleu de rêve, a manqué un rendez-vous important avec la beauté ! Hélas, la plante est capricieuse, fuyante, vulnérable sous nos latitudes. Elle a un comportement de bisannuelle. Elle ne fleurit que rarement la première année. J’ai passé un temps infini à suivre son épanouissement. À la choyer. Elle a besoin qu’on s’occupe d’elle. La deuxième année, madame fleurit, puis disparaît… Elle est d’humeur instable. Pour la pérenniser, il faut bien l’entourer, lui couper les fleurs fanées. La montée à graine l’épuise et peut provoquer sa mort. Une sensible à caractère mélancolique. Ce n’est qu’au prix d’une attention redoublée que vous pouvez espérer avoir dans votre jardin une plante majestueuse que le visiteur découvre avec surprise et émotion.

Je promène un spleen nonchalant au cœur d’un été accablant. Je parcours les brèves, passant d’un déficit au suivant ; d’une bonne nouvelle à une très bonne nouvelle, avec la conviction que sans pouvoir créatif, l’homme hypothèque le peu de respect de lui-même qui lui reste. Nous échappons, malgré des raisons qui la justifieraient, à l’ire insurrectionnelle d’un peuple au comble de son bonheur. Un bonheur qu’il néglige tant l’étourderie lui ôte l’empathie.

Cependant, la France n’est pas perdue, comme on le proclame abusivement. Elle déborde de bonheur. Dommage que cette valeur ne soit pas cotée en bourse !

Que voulez-vous : Il n’existe pas de bonheur parfait !

Sous l’Casque d’Erby

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