Un autre revers juridique pour Ursula von der Leyen. Mercredi, le Tribunal de l’UE, seconde plus haute juridiction de l’Union européenne, a estimé que la Commission européenne a enfreint ses propres règles en matière de nomination de personnel. La présidente de la CE a chargé son chef de cabinet, Björn Seibert, de mener des auditions pour des postes de haut niveau au sein de la commission.
C’est un fonctionnaire européen, directeur adjoint au service juridique de la Commission européenne, qui a saisi le Tribunal de l’UE. James Flett contestait des nominations de haut niveau au sein de l’institution, après avoir été écarté. Candidat en décembre 2022 à un poste important lié aux politiques commerciales, il a dénoncé son exclusion de la sélection finale, jugée injuste, tout en dénonçant des irrégularités de procédures.
La CE ne respecte pas ses propres règles
Ce que ce fonctionnaire reprochait à la CE était l’absence d’Ursula von der Leyen lors de l’entretien final pour le poste. A sa place, c’est Björn Seibert, considéré par ailleurs comme un proche allié et son bras droit, qui se charge non seulement de mener l’entretien à James Flett mais de procéder à des nominations clés. Or, les règles internes de la Commission n’autorisent cette délégation que dans des “cas exceptionnels et justifiés”.
Réputé pour être extrêmement influent, Björn Seibert est proche et loyal à la présidente. Il centralise les décisions majeures, allant jusqu’à être qualifié de « président bis ». Cette concentration de pouvoirs suscitait déjà de nombreuses critiques internes, certains dénonçant son autoritarisme et son style jugé peu conciliant.
Mercredi, le Tribunal de l’UE, compétent pour les litiges entre l’Union européenne et ses agents, concernant par exemple, la rémunération, la promotion ou la carrière, s’est exprimé sur la saisie de James Flett. “Le requérant a été reçu à un entretien (…) de même que les deux autres candidats encore en lice. À l’issue de la seconde phase, le comité consultatif sur les nominations a estimé que le requérant ne possédait pas le ‘bon dosage de compétences et d’expérience’ et ne l’a pas retenu pour un entretien avec la présidente de la Commission. Seul A, un autre candidat, a été sélectionné pour cet entretien”, rappelle l’arrêt.
James Flett a effectué une réclamation, peut-on encore lire, que la Commission a vite rejetée. Près de trois ans plus tard, il obtient gain de cause. La Cour affirme que la CE a bien enfreint ses règles en déléguant ces auditions de poste au bras droit d’Ursula von der Leyen. Ceci constituait “une violation d’une forme substantielle”, entraînant l’annulation de la nomination en question. Ursula von der Leyen et son bras droit n’ont pas “démontré” des “impératifs de service” qui auraient justifié la délégation de l’entretien.
De ce fait, “la décision de la Commission européenne du 25 janvier 2023 portant nomination du conseiller juridique principal de l’équipe chargée de la politique du commerce et de l’Organisation Mondiale du Commerce du service juridique de la Commission est annulée”. En outre, “la Commission supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par M. James Flett” dans cette affaire. La Commission dispose de deux mois et demi pour faire appel de cet arrêt.
Un camouflet de plus
Plusieurs fois associée pour du népotisme et des conflits d’intérêts, avec les contrats de consulting octroyé à des proches et sans appel d’offres lors de son passage au ministère allemand de la Défense, ou encore l’implication de son mari dans des sociétés bénéficiaires de fonds européens, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, poursuit sa descente sur une pente savonneuse. Visée par plusieurs critiques majeures relatives à sa gouvernance à la tête de la Commission européenne, elle est au centre des affaires les plus controversées, comme le Pfizergate, ce scandale qui a éclaté suite à la révélation d’échanges privés de SMS entre la présidente et le PDG de Pfizer, Albert Bourla, durant les négociations de contrats pour l’achat de vaccins anti-Covid.
Ces messages ont joué un rôle décisif dans la signature d’un gigantesque contrat de 35 milliards d’euros. La Commission européenne a refusé de rendre ces échanges publics, ce qui a conduit le Tribunal de l’Union européenne à sanctionner Bruxelles en mai 2025, estimant que l’exécutif n’avait pas fourni d’explication crédible pour justifier la disparition de ces données.
Par ailleurs, Ursula von der Leyen est régulièrement accusée de contourner le Parlement européen pour imposer ses priorités. Elle a notamment décidé seule de lancer un programme de prêts de 150 milliards d’euros en matière de défense, sans consultation préalable des eurodéputés. Ces initiatives renforcent les accusations de verticalité du pouvoir, en contradiction avec l’esprit de collégialité des institutions européennes.
Ces critiques ont culminé en juillet 2025, lorsque la présidente a été visée par une motion de censure au Parlement européen. Initiée par l’extrême droite et soutenue par certains élus de gauche, cette motion a été rejetée par 360 voix contre 175, mais elle a révélé un désengagement croissant au sein de sa propre majorité. Plusieurs parlementaires du centre et de gauche ne se sont pas exprimés, optant ainsi pour une forme de désapprobation tacite.
Un camouflet de plus pour Ursula von der Leyen, qui semble collectionner les rappels à l’ordre institutionnel avec autant d’enthousiasme que d’opacité dans sa gouvernance.