• dim. Sep 22nd, 2024

des pro-A69 appellent au meurtre sur les réseaux sociaux


« Il y a de quoi devenir violent contre ces racailles de zadistes, à quand une expédition punitive ? » Dans ce commentaire, posté sur la page Facebook Association Via81 le 27 mai dernier sous un article de presse relatant la garde à vue d’opposants à l’A69, le ton est décidé, la légalité ignorée. « On va monter notre propre milice », approuve L. sur le groupe Facebook Pour l’autoroute A69. D’autres messages ressemblent même à des appels au meurtre. « Il faut une méthode radicale, moi il me reste des cartouches », dit S. sur ce même groupe. « Je suggère de sortir le calibre 12 », renchérit I. sur la page TikTok @PourlautorouteA69.

Voici quelques exemples parmi d’autres des publications et commentaires publics incitant à la violence contre les opposants à l’autoroute A69. Ils circulent en grand nombre sur certains groupes Facebook ou pages TikTok, et témoignent du climat délétère qui s’est instauré autour des militants opposés au bétonnage des 53 km de l’A69 entre Toulouse et Castres.

Un commentaire appelant à se munir de « barre bien dure » et à monter leur « propre milice ».
Capture d’écran/Facebook/Pour l’autoroute A69

La page TikTok @PourlautorouteA69 cumule presque 900 abonnés. Le groupe Facebook Pour l’autoroute A69 et la page Association Via81 en compte près de 4 000. Ils ont été créés par les entrepreneurs castrais Anthony Frandsen et Guy Bousquet, deux figures des pro-A69 qui font régulièrement des apparitions dans la presse nationale et régionale. Contactés par Reporterre, ils n’ont pas souhaité répondre à nos questions.

En mars dernier, une vidéo postée sur la page @PourlautorouteA69, montrant ce qui semble être une confrontation entre des ouvriers du chantier et des opposants à l’autoroute, où l’on peut entendre des insultes et voir des jets de pierre de la part de personnes masquées, a cumulé près de 70 000 vues et 735 likes. L’auteur de la vidéo légende ironiquement « Voici les gentils pacifistes opposants de l’A69 ».

« Tirer à vue », « sortir le calibre 12 », « légaliser la purge »…

La grande majorité des 204 commentaires contient des insultes à l’encontre des opposants à l’autoroute, appelés régulièrement les « pue-la-pisse ». D’autres sont plus explicites, incitant à une action violente en représailles. R. écrit qu’« une petite chasse s’impose », U. suggère de « tirer à vue », D. propose « l’autorisation du LBD dans la tête » (un lanceur de balles de défense), R. de « légaliser la purge, on se chargera du reste », F. de « sortir le calibre 12 », et I. écrit « cassez-les bordel ». Contactés via la messagerie Facebook, les auteurs de ces commentaires n’ont pas répondu aux sollicitations de Reporterre.

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Ces messages sont illégaux : leurs auteurs peuvent être condamnés à un an de prison et 45 000 euros d’amende pour incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination. La peine peut être plus lourde s’il est prouvé qu’un crime ou un délit a eu lieu en raison de ce type de message. « Le parquet de Toulouse pourrait très bien se saisir de ces appels à la haine sans nécessairement que quelqu’un signale ce contenu, et ainsi fermer les comptes ou les groupes où l’on retrouve ce genre de messages », indique à Reporterre l’avocate des opposants à l’A69, Claire Dujardin.

« Il y a des menaces de mort avec des passages à l’acte dans l’indifférence générale », dénonce Cleme, opposante à l’A69.

Certains commentaires sont des menaces de mort.
Capture d’écran/Facebook/Pour l’autoroute A69

Des menaces qui se concrétisent sur le terrain

Ces appels à la violence sont d’autant plus graves qu’ils ont eu des échos sur le terrain. Les opposants à l’A69 ont subi au moins quatre agressions depuis début juin. Le 8 juin, un commando constitué d’une voiture, de buggy et de motos a tenté de mettre le feu à la zad de la Cal’Arbre à Saïx, dans le Tarn, manquant de blesser des militants perchés dans les arbres. Le 13 août, le même mode opératoire s’est répété. Un groupe de trois personnes cagoulées a mis le feu à la voiture d’un militant du Bacamp, un lieu occupé par les opposants, avant d’en asperger un autre d’essence et de prendre la fuite. Le lendemain, un article de presse relatant les faits était partagé sur le groupe Via81. « Qui sème le vent récolte la tempête », écrit K., très actif dans les commentaires.

Sur un profil Facebook public, celui de F., une autre publication est partagée montrant la photo d’un véhicule en feu de la police municipale de l’intercommunalité Sor et Agout, dans le Tarn. F., qui se présente sur son profil comme pompier à Castres, légende : « Il va falloir monter une équipe et montrer à ces troubadours de quoi nous sommes capables… » Une vingtaine de likes et de commentaires encouragent cette proposition. « Perso je suis prêt à fermer les yeux […] si vous passez à l’action, soutien les gars », écrit V.

Un pro-A69 veut « montrer de quoi [ils sont] capables », un autre se dit « prêt à fermer les yeux ».
Capture d’écran/Facebook

Postée le 25 août à 21 h 29, la publication de F. prend un tout autre écho quelques heures plus tard. Le 26 août, vers 3 heures du matin, un groupe de personnes cagoulées s’est introduit sur le terrain qu’occupaient la dernière riveraine sur le tracé, Alexandra, sa famille dont un enfant de 4 ans et des opposants à l’autoroute dans la commune de Verfeil, en Haute-Garonne, pour tenter d’y mettre le feu. Une plainte pour « tentative de meurtre » a été déposée le lendemain à la gendarmerie de Balma, près de Toulouse.

Un autre commentaire, écrit en dessous de la publication de F. le 31 août à 2 h 15, est encore plus énigmatique. « J’ai bricolé un truc l’autre jour au lever du soleil pendant qu’ils dormaient, mais cela n’a pas suffi apparemment. Il va falloir que j’y repasse en allant chercher les champignons à la rentrée », écrit un certain M. 

La voiture incendiée d’Alexandra, dont l’habitacle a été partiellement carbonisé et recouvert des résidus de l’extincteur utilisé.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Un jour plus tard, le 1er septembre à 7 heures du matin, Alexandra et les opposants à l’A69 présents sur le terrain surnommé la zad du Verger étaient une nouvelle fois réveillés par les flammes. Un groupe d’individus cagoulés a cette fois-ci mis le feu à la voiture de la riveraine et au portail d’entrée avant de prendre la fuite.

Contacté par téléphone, le parquet de Toulouse a répondu à Reporterre qu’il n’y avait aucune « avancée significative » sur cette enquête pour le moment. « L’investigation est en cours et cela va sûrement prendre plusieurs semaines pour recouper tous les éléments et identifier des suspects. »

Alexandra a finalement quitté sa maison, exténuée par les intimidations et les menaces. Elle n’a aucun doute. « Pour moi, ce sont des pro-autoroute, des gens qui veulent nous intimider pour qu’on quitte les lieux au plus vite et qu’ils puissent tout raser », raconte-t-elle.

Lire aussi : A69 : sous la menace, la dernière habitante sur le tracé capitule

Quand les messages ne ressemblent pas à des revendications, ils applaudissent les agressions. Le 1er septembre, l’administrateur de la page Association Via81 sur Facebook a partagé un article de La Dépêche sur la tentative d’incendie au domicile d’Alexandra dans la nuit. « Ça c’est ballot. Le 3e incendie c’est quoi ? La maison ? » réagit ironiquement S. Liké par trois personnes, ce commentaire fait tout de même réagir. « On parle quand même de cocktails Molotov lancés sur une habitation avec un enfant de 4 ans à l’intérieur », rétorque J.

Contactée par téléphone sur l’impunité dont semblent jouir les pro-autoroute sur les réseaux sociaux et les actions violentes menées par ces milices cagoulées, la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, qui finance à hauteur de 6 millions d’euros cette autoroute, indique à Reporterre avoir « alerté le préfet de région au sujet de la multiplication et de l’intensification des violences accompagnant le chantier de l’A69 » et « condamne fermement toutes les formes de violence exercées sur le chantier de l’A69 ».

Affiliés à l’extrême droite

Ceux qui postent ces messages sont en grande majorité des hommes issus de tous milieux sociaux et de toutes professions. On compte notamment trois élus dans des communes tarnaises, dont un conseiller municipal à Castres et futur candidat aux municipales en 2026. Sous une photo montrant une construction en bois à la zad de la Cal’Arbre, un commentaire sonne comme une menace. « Avec tous ces feux spontanés dans le secteur, une construction en palettes me semble risquée. » Cette zone avait justement déjà été ciblée et incendiée par une milice cagoulée en juin dernier.

Les profils sont principalement ceux de militants pro-autoroute, qui partagent de

nombreuses publications vantant les bienfaits de l’A69. Beaucoup d’entre eux semblent également partager les thèses d’extrême droite. Ainsi P., très actif sur la page Facebook Association Via81, poste de nombreuses publications de Jean Messiha, soutien d’Éric Zemmour, tout comme Y., qui publie régulièrement des contenus islamophobes et racistes depuis son compte.

P., quant à lui, écrit sous une publication montrant des engins en feu, le 24 mai : « Votons Bardella », tête de liste du Rassemblement national aux dernières élections européennes. V., qui a liké et commenté la publication de F. invitant à « monter » une équipe, est quant à lui un ex-candidat du parti d’extrême droite aux élections départementales du Tarn en 2015.

Sur le groupe Facebook Pour l’autoroute A69, les publications du maire de Lavaur et figure d’extrême droite dans la région, Bernard Carayon, sont régulièrement partagées. L’une d’entre elles, où l’ex-membre du GUD (Groupe Union Défense) qualifie les opposants à l’A69 « d’extrémistes pro-Hamas », récolte quarante likes et une dizaine de commentaires approbateurs. Son fils, pro-autoroute, avait également été candidat du Rassemblement national aux dernières élections législatives dans la 3e circonscription du Tarn.

D’autres profils sont liés à des personnes se présentant comme des ouvriers sur le chantier. Y. poste régulièrement des photos prises depuis son téléphone de l’avancée des travaux ou récemment à l’intérieur de la zad de la Cal’Arbre, juste après l’intervention des forces de l’État, le 30 août. « Faut tout raser », réagit P. sur le groupe Pour l’autoroute A69. Y. se vante également dans plusieurs commentaires d’avoir violenté des opposants : « Quand le zadiste m’a insulté […] je suis descendu de la machine et il a fait une sieste de dix minutes dans le talus », écrit celui qui affirme avoir « 3 Z sur [s]on casque », en référence à trois militants agressés sur le chantier.

Le concessionnaire Atosca n’a pas souhaité répondre aux questions de Reporterre, visant à savoir si l’entreprise avait connaissance de ce genre d’agressions ou de publications sur les réseaux sociaux.

Claire Dujardin, avocate des opposants à l’A69, est perplexe quant à l’impunité qui règne chez les pro-autoroute. « Est-ce qu’il y a une consigne de ne rien faire au niveau pénal ? Ou de se dire que ce n’est pas la priorité ? Ce n’est pas très étonnant. À Sivens [en 2014], c’était la même chose. Les pro-barrage et certains agriculteurs ou chasseurs étaient venus sur la zad et ont commis des violences extrêmement graves, sans être inquiétés », souligne l’avocate.

Accrochés dans leurs cabanes et sur le toit de l’ancienne maison d’Alexandra, une dizaine d’opposants à l’autoroute résistent toujours à Verfeil pour tenter de sauver les derniers arbres encore debout sur le tracé de l’autoroute. Ils tiennent, malgré les menaces et intimidations sur les réseaux sociaux et à l’extérieur.

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