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« Il y a un profond déni démocratique »


23 septembre 2024 à 09h56

Durée de lecture : 5 minutes

Cyrielle Chatelain est députée de la 2ᵉ circonscription de l’Isère et présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale.


Reporterre — Le gouvernement Barnier, à l’orientation très droitière, a été dévoilé samedi soir. Quelle est votre réaction ?

Cyrielle Chatelain — Ce gouvernement n’est que le révélateur de ce à quoi l’on assiste depuis deux ans : le macronisme n’a désormais plus qu’une jambe, à savoir une jambe droite. Auparavant, nous avions un gouvernement macroniste avec des ministres Les Républicains (LR) et, à présent, nous avons un gouvernement LR avec des macronistes. Nous sommes donc dans une continuité politique forte, et ce grâce à la bienveillance du Rassemblement national (RN), ce qui nous inquiète au plus au point. D’autant que ce gouvernement n’a aucune légitimité : ni celle du scrutin lors des législatives anticipées, ni à l’Assemblée nationale (AN) puisque son socle parlementaire est faible et extrêmement friable.


Au regard des résultats des élections législatives, qui avaient placé le Nouveau Front populaire (NFP) en tête, peut-on parler d’un déni démocratique ?

Il y a en tout cas une colère et le sentiment que l’expression qui est sortie des urnes n’a pas été entendue. Cela démontre que notre Vᵉ République ne fonctionne pas. Avec Emmanuel Macron, nous sommes vraiment dans l’hyper-présidentialisation. Il croit gouverner les Français, alors qu’il est censé gouverner la France au nom des Français, ce qui est très différent. Le président a oublié le rôle représentatif de son mandat et le fait qu’il ne tient sa légitimité et son pouvoir que du pouvoir qui lui est délégué par les électeurs et les électrices. Il y a donc, en effet, le sentiment d’un profond déni démocratique.


Qu’est-ce qu’un tel gouvernement dit de la politique du président ?

Premièrement qu’elle est à destination des ultrariches : l’obsession d’Emmanuel Macron a été de ne pas donner la main au NFP, qui aurait pu revenir sur la réforme des retraites ou instaurer plus de justice fiscale. Sa politique ne sert que des intérêts privés, qu’ils soient ceux des multinationales ou bien des ultrariches. Et, pour ce faire, il est prêt à tout brader : il n’y a plus de politique environnementale, il ne cesse de casser les politiques sociales… Tout en étant dans un déni absolu des résultats et du message envoyé lors des législatives : ce gouvernement est le fruit d’une faute politique et démocratique d’Emmanuel Macron.

Par ailleurs, on voit que le RN se fait l’allié silencieux du macronisme : ce gouvernement n’est là que parce que le RN a accepté de ne pas le censurer. Nous sommes donc dans une alliance tacite, avec un RN qui révèle sa très forte compatibilité avec le macronisme du point de vue économique. Sa politique est économiquement libérale, avec de la xénophobie et du racisme en plus.

Et, de l’autre côté, on voit depuis plusieurs mois une dérive de la part des macronistes. On peut par exemple penser aux menaces d’arrêt du financement de la Ligue des droits de l’homme dans la foulée des manifestations à Sainte-Soline en 2023, ou encore à la loi immigration de 2024, qui reprenait déjà plusieurs fantasmes et propositions du RN.

Au fond, une partie des LR et des macronistes ont une vision faussée de la France : ils sont persuadés que le pays est très à droite et donc qu’ils sont légitimes à mener cette politique-là. C’est très préoccupant en termes de droits et de politique sociale et environnementale.


Que vous inspire la nomination d’Agnès Pannier-Runacher au ministère de la Transition écologique ?

Il y a déjà une inquiétude par rapport au périmètre de ce nouveau ministère, qui n’aura la main sur aucune des politiques sectorielles nécessaires à la transition écologique : son champ ne comporte pas le logement, les transports, le lien avec les collectivités, la politique de la gestion de la forêt…

Il lui reste la question énergétique, sujet sur lequel nous avions déjà eu des divergences avec Agnès Pannier-Runacher quand elle était ministre de la Transition énergétique : par le passé, elle n’a pas brillé par son engagement sur les questions de transition, avec un manque d’ambition extrêmement fort. De toute façon, depuis 2017, on a bien vu que les arbitrages reviennent toujours à Bercy, et qu’il a été décidé de ne pas prendre au sérieux la question environnementale et climatique.


Que comptez-vous faire avec le NFP ?

La première échéance très concrète est la censure : le NFP va la porter contre ce gouvernement qui n’a pas de légitimité. Il y a également l’enjeu du budget 2025, qui prévoit un certain nombre de coupes inquiétantes (Ademe, Fonds vert…). Nous devons essayer d’aller chercher des victoires à ce niveau-là, et de les inscrire jusqu’à la confirmation du budget : contrairement à la précédente mandature, nous ne sommes plus dans un gouvernement omnipotent qui pourra passer en force contre l’AN, et nos propositions ne pourront plus être balayées par un 49.3.

Au fond, l’enjeu va être de réussir à construire des majorités à l’AN, y compris contre l’avis gouvernemental, avec comme socle les 193 députés du NFP. Celui-ci devra s’élargir pour faire passer des textes, et c’est quelque chose que nous devons garder en tête pour l’année qui vient : nous avons désormais un espace à l’AN, et nous devons l’utiliser pour obtenir des victoires et des améliorations très concrètes sur les questions environnementales et sociales.

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