• mar. Sep 24th, 2024

un gouffre financier en pleine austérité


C’est l’histoire d’un contrat qui va coûter cher aux comptes de l’État. Pour accueillir les Jeux olympiques d’hiver en 2030, le gouvernement et les régions Provence-Alpes-Côtes d’Azur (Paca) et Auvergne-Rhône-Alpes, vont devoir s’engager à éponger les futurs déficits de cette compétition — qui a été accordée à la France sous conditions. Ce contrat, qui va également bafouer notre législation sociale et environnementale, a été analysé par un groupe de juristes et d’avocats. Ils s’indignent des conditions imposées à la France par le Comité international olympique (CIO).

Commençons par les garanties financières, qui s’apparentent à un chèque en blanc. Le gouvernement doit promettre d’éponger toutes les dettes de l’évènement, même si leur montant reste inconnu. Selon un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) commandé par l’ancien Premier ministre Gabriel Attal et révélé par le quotidien La Lettre, le budget global devrait atteindre 2,4 milliards d’euros — le dossier de candidature annonçait 2 milliards d’euros.

Les subventions publiques, initialement prévues à hauteur de 460 millions d’euros, pourrait atteindre 800 à 900 millions d’euros, estime l’IGF. Une ardoise que Gabriel Attal a refusé de prendre en charge, laissant cette responsabilité au nouveau Premier ministre, Michel Barnier. Cet ex-président du comité d’organisation des Jeux olympiques d’hiver d’Albertville en 1992 ne sera sans doute pas aussi prudent que Gabriel Attal. Il a jusqu’au 1ᵉʳ octobre pour signer cette garantie, qui doit être ratifiée par le Parlement le 1ᵉʳ mars prochain. Un délai imposé par le CIO.

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Interrogé par Reporterre sur ces garanties financières imposées dans un contexte de rigueur budgétaire, le CIO nous renvoie aux « avantages » de cette compétition, notamment en matière de retombées économiques, qu’il évalue à plus de 4,1 milliards d’euros.

Finie la rigueur budgétaire

À évènement « exceptionnel », dépenses « exceptionnelles ». La rigueur budgétaire qui affecte l’hôpital, l’éducation nationale ou encore l’agriculture, serait sacrifiée sur l’autel des sports d’hiver.

Un principe de dérogation aux règles communes qui serait aussi à l’œuvre pour l’environnement : la loi zéro artificialisation, les délais de recours contre les projets de nouvelles infrastructures, etc., ne seraient plus appliqués. Un détricotage juridique dans la lignée de la loi d’orientation agricole et du projet de loi de simplification de la vie économique. « Tout est déjà tout mis en place pour que ce genre de projet écocidaire puisse passer », dénonce Delphine Larat, juriste et membre d’un groupe de réflexion sur les enjeux juridiques et financiers des JO 2030.

Difficile également d’imaginer que les JO d’hiver échappent aux dérives financières dont ces évènements sont coutumiers. Pour ceux de Paris, les dépenses totales s’élèvent à 11 milliards d’euros, dont 4,6 milliards d’argent public selon les dernières données de la Fondation l’Ifrap. Contre moins de 4 milliards d’euros estimés initialement.

Creuser le déficit

Qu’en sera-t-il pour les JO d’hiver alpins ? « Ils balancent des chiffres à la louche et disent qu’ils vont réutiliser des installations déjà existantes. Mais il faudra bien les remettre aux normes. Le devis de la remise en état de la piste de bobsleigh de la Plagne atteint 18 millions d’euros [Laurent Wauquiez parle de travaux entre 10 ou 15 millions d’euros]. Sachant que ce sport ne concerne que 100 licenciés en France », explique Stéphane Faure-Brac, membre du même groupe que Delphine Larat.

Pour ce collectif, la signature du contrat olympique irait à l’encontre de la réduction des dépenses publiques promise par l’État. « On peut difficilement comprendre comment dans ce contexte, et en totale contradiction avec le pacte de stabilité, la France pourrait envisager de signer de nouveaux engagements financiers, non plafonnés, dans le cadre de l’accueil des Jeux 2030 », explique-t-il dans une note consultée par Reporterre.

De plus, la part de financement public, autour de 23 %, est beaucoup plus élevée que pour les candidatures d’autres pays lors d’autres éditions [1]. Enfin, rappelons que la France connaît un « dérapage massif » de son déficit public, qui ne l’autorise plus à dépenser sans compter.

L’épreuve de biathlon aux JO de 2030 auront lieu au Grand-Bornand. Ici lors du mondial, en décembre 2022.
© Jeff Pachoud / AFP

« Cautionner le déficit des JO 2030 va aggraver le déficit et nous expose à de nouveau à des risques qui vont alourdir la dette », assure Delphine Larat, Elle rappelle au passage la situation de la Grèce, dont l’ardoise laissée par les jeux en 2004, a contribué à faire exploser son déficit, plongeant le pays dans une crise financière sans précédent.

Malgré tout, les opposants veulent encore croire qu’il est possible d’arrêter la machine olympique. Les députés pourraient en effet refuser de ratifier les garanties financières qui devront être inscrites dans la prochaine loi de finances. Ils pourraient également refuser de voter des lois spéciales, qui permettront de déroger à toutes les législations sociales et environnementales évoquées plus haut.

Les élus de gauche, notamment les Verts et La France insoumise, seront-ils assez nombreux pour faire barrage ? Certains ont déjà retourné leur veste, comme Valérie Rossi, députée PSNFP de la seconde circonscription des Hautes-Alpes ou sa consœur, Marie-José Allemand, députée (PSNFP) de la première circonscription des Hautes-Alpes.


L’ABSENCE DEMOCRATIE

Autre aberration pointée du doigt par le collectif : l’absence de débat public. Personne n’a donné son avis sur l’accueil de cette compétition hivernale, contrairement aux règles de la convention d’Arrhus qui prévoit de favoriser la participation du public à la prise de décisions ayant des incidences sur l’environnement.

Delphine Larat estime aussi que cela constitue une entorse à l’article sept de la charte de l’environnement, qui précise que toute personne a le droit « de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Or, les JO d’hiver pourraient émettre « entre 689 000 tonnes et 804 000 tonnes de CO2 », selon les organisateurs. Soit l’équivalent des émissions annuelles des habitants d’une ville comme Marseille.

Plusieurs députés et associations environnementales ont saisi la Commission nationale du débat public (CNDP). En vain. « Les règles prévoient que c’est au porteur de projet de rendre public son projet et, le cas échéant, de saisir la CNDP », explique l’organisme par courriel. « Il pourrait y avoir des obligations d’un débat public ou d’une concertation du public sur les futurs projets d’infrastructures s’ils dépassent des seuils techniques ou financiers prévus au Code de l’environnement (plus de 230 milliards d’euros HT). Mais à ce stade, la CNDP n’a pas connaissance des projets et des montants », conclut l’organisme.

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