
Antonin Lainé. – Affiches électorales à Kyoto, Japon, 2023
© Antonin Lainé / Divergence
C’est une mère de famille rangée, employée d’une école primaire de Tokyo. Un jour de janvier 2025, l’une de ses collègues, qui collabore à la version japonaise du Monde diplomatique, lui annonce qu’elle va accompagner un journaliste français au siège du Parti communiste japonais (PCJ). La nouvelle la glace : « Brrr, ça fait froid dans le dos ! » Une expression lui vient immédiatement aux lèvres : « Le rouge, c’est dangereux. » Bien connus ici, les mots sont prononcés sans la moindre ironie.
Fondé en 1922, le PCJ compte 250 000 membres, ce qui en fait l’un des plus grands partis communistes du monde derrière ceux qui sont au pouvoir en Chine, au Vietnam ou à Cuba. En prenant en compte la différence de population (124,5 millions pour le Japon, 68,3 millions pour la France), un Parti communiste français aussi puissant revendiquerait 137 000 adhérents, contre ses quelque 42 000. En Europe, peu savent pourtant que le PCJ existe. Encore moins qu’il fait peur.
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M. Yoshimitsu Kuronuma, lui, ne l’ignore pas. Il a donné rendez-vous à deux camarades pour tracter dans les rues d’Ota, une ville de la classe moyenne inférieure au sud de la capitale. Lorsque ses amies arrivent, les sillons que le temps a creusés sur leurs visages laissent deviner le poids des années. Par contraste, M. Kuronuma semble soudain fringant : à 76 ans, il est le cadet de la cellule locale du PCJ. Muni d’un haut-parleur monté sur un tricycle, le petit groupe se déplace de rue en rue pour inviter la population à voter lors d’une élection locale prévue quelques semaines plus tard. « Qu’y a-t-il dans votre réfrigérateur en ce moment ?, interroge-t-il en ponctuant, comme à chaque fois, sa phrase d’une courbette toute japonaise. Faisons en sorte qu’il soit plein et que vous puissiez manger trois repas par jour. »
Enveloppés dans leurs anoraks un peu grands, les trois personnages semblent tout droit sortis du studio Ghibli. S’ils (…)
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