Amsterdam ne souhaite pas revivre les épisodes roumains et allemands. À l’approche des élections anticipées néerlandaises, l’Autorité des consommateurs et des marchés (ACM) convoque les plateformes en ligne, notamment celles soumises au Digital Services Act (DSA) de l’Union européenne), pour s’enquérir sur leur mobilisation à lutter contre la désinformation et les contenus illégaux.
En juin dernier, à peine 11 mois après sa formation, le gouvernement néerlandais chutait. Geert Wilders, vainqueur des dernières législatives fin 2023, avait retiré son parti PVV de la coalition au pouvoir, obligeant le Premier ministre Dick Schoof à démissionner. Geert Wilders exigeait une politique migratoire plus ferme avec, entre autres, l’arrêt complet du droit d’asile et la fermeture des frontières aux demandeurs. La décision provoquait alors la surprise, voire le désarroi au sein des autres partis de la coalition.
Les Pays-Bas font pression sur les réseaux sociaux
Les élections législatives anticipées ont ainsi été fixées pour la fin octobre 2025. Deux mois avant, l’Autorité des consommateurs et des marchés (ACM), l’autorité néerlandaise de la concurrence et de la protection des consommateurs, entend réunir les principales plateformes en ligne, à l’image de Facebook, X ou encore TikTok, autour d’une table ronde sur la lutte contre la désinformation et les contenus « illégaux ».
Fin 2023, cette autorité avait signé avec la Commission un accord visant à soutenir les pouvoirs de surveillance et d’exécution de la Commission au titre de la législation sur les services numériques (DSA). En vertu de cet engagement, l’ACM est alors chargée de surveiller les “très grandes plateformes en ligne”.
C’est dans cette logique que l’ACM, dans une communication publiée mercredi 13 août, a tenu à “rappeler aux plateformes en ligne leur responsabilité de fournir des informations fiables en ligne pendant la période électorale”. Les réseaux sociaux “doivent traiter avec prudence les signalements de contenus illégaux et il leur est également interdit de bloquer des comptes ou de supprimer du contenu sans justification claire”, lit-on.
Il est question de 12 grandes plateformes, parmi lesquelles Facebook, Snapchat, TikTok et X, qui ont été conviées fin juillet par courrier à remplir un questionnaire “sur les mesures qu’elles prennent pour garantir un débat public en ligne fiable pendant la période électorale aux Pays-Bas”. Leurs propositions seront alors discutées le 15 septembre prochain, en présence d’autres “autorités de contrôle compétentes, de la Commission européenne et d’ONG, afin de discuter du rôle et de l’approche” de ces plateformes.
L’ACM justifie sa démarche par sa volonté de veiller à “prévenir les violations”, tels que les discours de haine, les ingérences étrangères malveillantes et la désinformation entourant les élections”. Les très grandes plateformes en ligne sont alors sommées de “mettre en œuvre des politiques transparentes et rigoureuses concernant le contenu sur leurs plateformes et prendre des mesures efficaces contre les contenus illicites”.
Le PVV toujours favori selon les sondages
Bien que cette initiative de l’ACM néerlandaise s’inscrive dans les prérogatives qui découlent de son accord avec la CE avec l’entrée en vigueur du DSA, elle intervient dans un contexte marqué par des élections controversées en Europe, qui ont d’ailleurs valu aux institutions européennes de nombreuses critiques et accusations d’ingérences, notamment de la part des partis nationalistes et des États-Unis.
En Roumanie, la présidentielle de 2024 a été annulée par la Cour constitutionnelle en raison de soupçons d’ingérence étrangère massive, qui aurait pris la forme d’une campagne de désinformation et d’activation soudaine de milliers de comptes sur TikTok et autres réseaux sociaux. Cette opération d’influence a été imputée à des acteurs russes selon les renseignements roumains et européens. Le premier tour, remporté par le candidat nationaliste Călin Georgescu, a été annulé.
En Allemagne, les élections législatives de 2025 ont également été marquées par une forte appréhension de campagnes de désinformation et de manipulation en ligne. Le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD), a été au centre de ces inquiétudes. Le patron de X, le milliardaire Elon Musk a été accusé d’avoir montré un soutien affiché à l’AfD sur sa plateforme, ce qui a alimenté les controverses autour de la modération du contenu.
Depuis l’adoption du Digital Services Act (DSA) en 2022, appliqué en août 2023, des procédures formelles ont été lancées contre des géants comme X, notamment pour leur gestion jugée désormais “insuffisante” des contenus illégaux, durant les périodes électorales notamment. L’UE semble vouloir prendre le contrôle des espaces numériques. Les États membres sont aussi encouragés à renforcer la surveillance des contenus, de quoi lui valoir des accusations d’ingérence de la part de partis politiques ou citoyens de certains États membres, voire ces dernières heures des instances américaines.
Les derniers sondages pour les élections législatives néerlandaises placent le Parti pour la liberté (PVV) de Geert Wilders en tête, souvent au coude-à-coude avec l’alliance Parti travailliste-Gauche verte (PvdA-GL) menée par Frans Timmermans. Le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD, libéral) se situe juste derrière ces deux forces principales, ce qui laisse entrevoir un scrutin très disputé.