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bilan d’une surveillance massive (journal du CNRS) – Le Libre Penseur

ByVeritatis

Avr 21, 2024


La France fait partie des pays qui ont adopté en mars 2020 les règles de confinement les plus strictes pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Historien et sociologue, Nicolas Mariot s’est interrogé sur cette expérience d’obéissance de masse.

Nicolas Mariot, vous avez coécrit avec Théo Boulakia un ouvrage sous forme d’enquête, L’Attestation (Anamosa, 2023), qui dresse un bilan de ce versant coercitif de l’enfermement national. Face à une même menace sanitaire, les pays n’ont pas du tout adopté les mêmes mesures de lutte contre le virus ?
Nicolas Mariot.
Effectivement, au printemps 2020, tous les gouvernements se sont retrouvés au même moment dans la même situation : il fallait prendre 100 % des décisions avec 50 % d’informations, comme l’a dit alors le Premier ministre néerlandais. Or, les États ont adopté des politiques radicalement différentes. Pour s’en tenir à l’Europe, cinq pays du Sud – la France, l’Italie, l’Espagne, la Grèce et Chypre – ont adopté les mesures parmi les plus strictes, avec attestation, soumettant toute circulation de leur population à des règles sévères, contrôlées par les forces de l’ordre. Dans le même temps, les pays nordiques comme la Suède, la Finlande, le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas mais aussi la Suisse ou la Bulgarie ont adopté comme partout des mesures sanitaires (port du masque, interdiction des rassemblements, recommandation de lavage des mains, etc.), mais ont laissé les sorties totalement libres. Résultat, en France, la fréquentation des espaces verts au printemps 2020 a diminué de moitié par rapport à l’hiver, tandis qu’au Danemark, à la même période, elle a été multipliée par deux.

En France, les autorités locales ont même durci les mesures nationales ?
N. M. Effectivement, par un décret du 23 mars, les préfets et les maires ont été encouragés à « utiliser la totalité de leurs pouvoirs de police » et à « adopter des mesures plus restrictives – que celles prises au niveau national – lorsque les circonstances légales l’exigent ». Et ils n’ont pas hésité à user de ce pouvoir ! Dix-sept préfectures ont instauré des couvre-feux pour les personnes, trente pour les commerces, neuf départements ayant opté pour les deux ; plus de deux cents municipalités ont également instauré leurs propres couvre-feux qui se superposaient – ou pas – à ceux des préfectures. La limitation des sorties a aussi été durcie : quatre-vingt-trois départements ont énoncé des restrictions d’accès aux lieux de nature et de détente, avec parfois une justification incongrue, comme « Le confinement, ce n’est pas les vacances ! ». Ou avec des mentions saugrenues, comme « l’interdiction d’acheter une baguette ou un seul journal à la fois », ou encore « l’interdiction de s’assoir sur les bancs publics ». Ces différentes mesures complémentaires ont souvent conduit à rompre avec l’un des principes fondamentaux de légitimation du confinement : l’égalité de tous face aux interdits.

Comment expliquer que la France ait choisi d’adopter une politique si coercitive ?
N. M.
 Si l’Italie a été le premier pays européen exposé au virus à prendre des mesures drastiques, les pays qui ont ensuite adopté les règles les plus strictes n’étaient pas plus à risque, du point de vue sanitaire, que les autres. La différence de réaction est clairement liée aux habitudes coercitives des gouvernements : nous montrons que plus les États européens comptent de policiers par habitant, ou plus ils ont l’habitude de s’affranchir des libertés publiques, plus ils ont enfermé leur population. À l’occasion de cette pandémie, on a donc vu ressurgir de vieilles habitudes de gestion punitive des populations. Pour la France, cette politique a sans doute aussi témoigné du manque de confiance des autorités dans la capacité des habitants à suivre la politique recommandée. Le pays sortait de la crise des « gilets jaunes » et des manifestations contre la réforme des retraites, nos gouvernants ont probablement craint une réaction hostile.




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