Le Tchad ne veut plus de coopération militaire avec la France


Le gouvernement tchadien a annoncé le 28 novembre 2024, dans un communiqué publié par le ministère des Affaires étrangères, qu’il mettait fin à de l’accord de coopération en matière de défense révisé et signé avec la France le 5 septembre 2019. N’Djamena a pris cette décision après « une analyse approfondie », parce qu’il « est temps que le Tchad affirme sa souveraineté pleine et entière, et redéfinisse ses partenariats stratégiques selon les priorités nationales ».

Cette résiliation respecte les dispositions prévues par l’accord, notamment un délai de préavis. Le Tchad exprime sa gratitude envers Paris pour la coopération menée dans le cadre de cet accord et s’engage à collaborer avec les autorités françaises pour assurer une transition harmonieuse. Il souligne aussi que cette décision ne remet pas en cause les liens d’amitié historiques entre les deux nations : “Le Tchad reste déterminé à entretenir des relations constructives avec la France dans d’autres domaines d’intérêt commun, au bénéfice des deux peuples”, indique le communiqué.

Cette décision, qualifiée de “tournant historique”, s’inscrit dans une volonté d’affirmer la souveraineté nationale du Tchad après 66 ans d’indépendance et de prendre ses distances avec l’ancien pays colonisateur. Le Tchad a été d’abord un protectorat français à partir de 1900, puis une colonie dans le cadre de l’Afrique équatoriale française (AEF) en 1920 ; devenu république autonome en 1958, le Tchad accéda à l’indépendance le 11 août 1960. Depuis, la France était restée un partenaire dans les domaines militaire et sécuritaire et c’est au Tchad qu’il y a le plus fort contingent français sur tout le continent africain.

L’Opération Épervier symbolise cette relation : lancée en 1986 pour contrer l’expansion libyenne dans le nord du Tchad, cette intervention militaire française s’est transformée au fil des années en une mission de stabilisation du pouvoir tchadien, jusqu’en 2014 où elle a été dissoute. Les soldats français étaient aussi intervenus en 2019 contre les incursions de colonnes rebelles armées. Mais, en octobre 2024, la France n’a pas accepté d’aider le Tchad lors de l’opération Haskanite contre le groupe islamiste Boko Haram dans le Lac Tchad.

Pourtant, la présence militaire française au Tchad a souvent été questionnée depuis les années 1970. Ainsi,

  • en 1975, suite au coup d’État ayant renversé François Tombalbaye, le président Félix Malloum avait demandé le départ des troupes françaises ;
  • en 1998, le chanteur Alpha Blondy lançait son célèbre appel « Armée française, allez-vous-en ! »
  • en mai 1922, la coalition d’opposition Wakit Tama avait organisé des manifestations à N’Djamena pour réclamer de nouveau ce départ :
  • en septembre 2023, plusieurs voix, dont celle du président du parti Rajet, avaient demandé la résiliation de l’accord de défense de 2019.

La décision officialisée le 28 novembre 2024 s’inscrit donc dans un cadre réfléchi et ancien.

 

Jean-Noël Barrot revient dépouillé…

Cette annonce intervient quelques heures après l’arrivée à N’Djamena du nouveau ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, qui a rencontré le président Mahamat Idriss Déby Itno. Celui-ci a déclaré à son hôte que « le Tchad entend assumer pleinement sa souveraineté dans ses relations avec la France ou tout autre pays, en se libérant des entraves du passé ».

Il a aussi demandé à la France « d’épouser une diversification de la coopération bilatérale visant à intégrer des domaines tels que l’économie, l’éducation, la recherche scientifique, la technologie et le développement dans bien des secteurs vitaux pour le Tchad comme l’élevage et l’agriculture ». Ce qui, pour M. Deby, « pourra favoriser bien plus qu’un enrichissement mutuel pour mieux refléter les besoins contemporains du Tchad, approfondissant sa vision pour une interdépendance équilibrée ».

C’est à l’issue de cette rencontre que le ministre tchadien des Affaires étrangères Abderamane Koulamallah a déclaré : « La France est un partenaire essentiel mais elle doit aussi considérer désormais que le Tchad a grandi, a mûri et que le Tchad est un État souverain et très jaloux de sa souveraineté. »

Il est possible que le président Déby – qui a remporté l’élection présidentielle en mai 2024 après avoir dirigé le pays à la tête d’un Conseil militaire de Transition depuis avril 2021, à la mort de son père le président Idriss Déby Itno – ait choisi de se rapprocher de la Russie. D’une part, il s’était rendu à Moscou en janvier 2024 pour signer d’importants accords dans des domaines comme l’énergie et la sécurité ; d’autre part, en juin 2024, Vladimir Poutine a dépêché une délégation conduite par son ministre des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, pour un séjour diplomatique à Ndjaména.

 

Portion militaire congrue en Afrique

Depuis que la France avait été forcée de retirer ses troupes du Mali (août 2022), du Burkina Faso (février 2023) et du Niger (décembre 2023), le Tchad était le dernier pays du Sahel à abriter des troupes françaises : environ 1000 soldats et des avions de combat. Même si aucune date n’a été donnée, il est probable que les contingents stationnés à la base aérienne 172 à N’Djamena et à la base capitaine Croci à Abéché, dans l’est du pays et à Faya-Largeau, dans le nord, quittent bientôt le pays.

La France a encore des bases en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Gabon et à Djibouti. Cependant, le 28 novembre 2024, le président sénégalais Bassirou Diomaye Fay a déclaré à l’AFP et à France 2

que la France allait devoir fermer ses bases militaires au Sénégal. « Est-ce qu’en tant que Français vous envisagez de nous voir dans votre pays avec des chars et des militaires sénégalais, avec leurs tenues sénégalaises, comme ça parce que sur le plan historique la France a esclavagisé, a colonisé, et est restée. Quand vous inversez un peu les rôles, vous concevrez très mal qu’une autre armée (la Chine, la Russie, le Sénégal ou n’importe quel autre pays) puisse avoir une base militaire en France. […] Il n’y a  pas encore de délai [pour le départ des 350 militaires français] mais si ça doit être fait, les autorités françaises en auront la primeur. »

 

A propos de l’auteur :

Jocelyne Chassard est professeure en Documentation depuis plus de 30 ans. De par son combat contre le harcèlement moral dans l’Éducation nationale, elle connaît la manière de défendre les droits des citoyennes contre les abus de pouvoir des institutions. Elle a participé à la résistance contre l’escroquerie criminelle du covidisme entre 2020 et 2022.





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