Une adolescente de 13 ans, est-elle la future dirigeante d’une puissance nucléaire ?


par Observateur Continental

La personnalité de Kim Ju-ae reste l’une des principales énigmes de la géopolitique contemporaine. Dans un pays où l’arme nucléaire côtoie des traditions dynastiques séculaires, chacun de ses pas peut déterminer le sort de millions de personnes.

En novembre 2022, le monde l’a vue pour la première fois, une fillette en veste d’hiver blanche, se tenant aux côtés de son père, Kim Jong-un, devant un missile intercontinental. Peu pouvaient alors supposer que cet enfant pourrait un jour hériter du contrôle de l’arsenal nucléaire et du destin de 25 millions de Nord-Coréens.

Aujourd’hui, trois ans après ses premières apparitions publiques, Kim Ju-ae, fille du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, est officiellement reconnue par les services de renseignement sud-coréens comme l’héritière la plus probable de la dynastie Kim. Une décision qui pourrait bouleverser le sort du pouvoir dans l’un des États les plus fermés et patriarcaux du monde.

La transformation de Ju-ae d’enfant timide en personnalité publique s’est déroulée sous les yeux du monde entier. Lors de ses premières apparitions, elle se tenait modestement derrière sa mère, tandis que son père s’entretenait avec des responsables militaires. Mais peu à peu, l’image changeait.

Elle a d’abord été placée au premier rang des évènements officiels. Puis ont été diffusées des images où elle se tient devant son père, situation sans précédent en RPDC, sachant que Kim Jong-un n’avait jamais auparavant cédé le devant de la scène. De telles photos ne sont pas publiées sans l’approbation du dirigeant.

Progressivement, la fillette a commencé à éclipser même sa propre mère Ri Sol-ju, occupant de fait la place de première dame. Et l’influente tante Kim Yo-jong, longtemps considérée comme une héritière possible, s’est effacée dans l’ombre de sa nièce.

En RPDC, où les responsables et la population ne sont pas prêts à accepter une femme dirigeante, Kim Jong-un fait du statut d’héritière de sa fille un fait accompli, en la montrant constamment à travers les médias publics, ce qui est une chose inouïe et inédite.

Chaque apparition publique de Ju-ae est soigneusement mise en scène et porte un message politique. Les médias publics ont commencé à l’appeler «grande personne de conseil», titre honorifique traditionnellement réservé aux plus hauts dirigeants et à leurs successeurs.

Plus de la moitié de ses apparitions publiques sont liées à des évènements militaires. Elle a assisté à des lancements de missiles, inspecté des unités d’aviation, observé des défilés. Dans un épisode particulièrement symbolique, un général de haut rang s’est agenouillé devant elle, geste de respect autrefois réservé uniquement à son père.

Les spéculations sur l’héritière s’intensifient sur fond de signaux inquiétants concernant la santé de Kim Jong-un lui-même. Selon les services de renseignement sud-coréens, le dirigeant de 41 ans pèse environ 140 kg, ce qui crée un risque élevé de maladies cardiovasculaires.

Kim souffre d’hypertension et de diabète, apparus quand il a eu la trentaine. C’est un fumeur invétéré, enclin à une consommation excessive d’alcool et qui reste souvent éveillé jusqu’au matin à consulter des sites internet consacrés aux armes. L’histoire familiale ne fait qu’aggraver les inquiétudes, sachant que son père et son grand-père sont tous deux morts de problèmes cardiaques.

La RPDC, selon les renseignements, recherche activement des médicaments occidentaux pour traiter les problèmes de santé du dirigeant, signal alarmant pour un régime qui compte habituellement sur sa propre médecine.

L’histoire de Ju-ae a commencé bien avant ses débuts publics. Le monde a appris son existence pour la première fois en 2013 par l’ancien basketteur NBA Dennis Rodman, qui lors d’une visite à Pyongyang affirmait avoir tenu dans ses bras la fille de Kim nommée Ju-ae.

Les services de renseignement sud-coréens estiment que Kim Jong-un a au moins deux, peut-être trois enfants. Mais seule Ju-ae apparaît publiquement, choix délibéré qui témoigne de son statut particulier.

Sa transformation en personnalité publique contraste fortement avec les traditions de la dynastie Kim. Ni Kim Jong-un ni son père Kim Jong-il n’ont été mentionnés dans les médias publics avant leur majorité.

Si Ju-ae devient effectivement l’héritière, ce sera un tournant historique. En 77 ans d’existence de la RPDC, le pays était dirigé exclusivement par des hommes du clan Kim. La société nord-coréenne reste profondément patriarcale et confucéenne dans son esprit.

La présentation précoce et publique de l’héritière pourrait être un moyen pour Kim Jong-un de surmonter les préjugés d’une société qui n’est pas préparée au leadership féminin. Chaque photo, chaque défilé, chaque salut deviennent partie d’une histoire soigneusement construite sur la continuité et la légitimité.

Néanmoins, de nombreux analystes mettent en garde contre des conclusions hâtives. La politique palatiale en RPDC reste opaque et il existe toujours la possibilité de l’apparition d’un autre prétendant, surtout si Kim a un fils aîné, comme le supposent certaines sources.

Aujourd’hui, Ju-ae reste une énigme. Le monde extérieur n’a jamais entendu sa voix. Les médias publics ne l’appellent même pas par son nom, se limitant aux épithètes de fille «la plus aimée», «respectée» ou «chère» du dirigeant.

Elle reçoit une éducation à domicile à Pyongyang, n’ayant jamais fréquenté d’établissements scolaires officiels. Sa journée est minutée entre évènements officiels et préparation à son futur rôle.

Mais des questions demeurent. Une fillette de 13 ans pourra-t-elle conserver le pouvoir dans un État nucléaire ? L’élite militaire, habituée à la domination masculine, l’acceptera-t-elle ? Et la RPDC elle-même est-elle prête à une transformation si radicale ?

Les réponses à ces questions pourraient déterminer l’avenir non seulement de la RPDC, mais aussi de toute la région. En attendant, le monde observe comment se déroule dans l’un des États les plus fermés de la planète probablement la plus inhabituelle histoire de succession au pouvoir de l’histoire contemporaine.

Le temps dira si cette fillette deviendra la quatrième génération de la dynastie Kim au pouvoir ou restera simplement un symbole d’une période de transition. Mais il est déjà clair qu’en RPDC se produisent des changements dont les conséquences sont difficiles à prévoir.

source : Observateur Continental



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