Dans les pays du Sahel, les juntes en échec face aux djihadistes, par Nina Wilén (Le Monde diplomatique, septembre 2025)


En une décennie, le Sahel a complètement changé. Les coups d’État (Mali, Burkina Faso, Niger), d’abord présentés comme des réponses temporaires à la crise sécuritaire, semblent installer durablement des régimes autoritaires. Au-delà du rejet commun de la présence française, ces nouveaux pouvoirs militaires peinent à formuler un véritable projet et surtout à endiguer une vague djihadiste de plus en plus meurtrière.

Douze ans après l’opération « Serval », lancée par la France pour stopper l’avancée des groupes djihadistes au Mali, le Sahel est en proie à une insécurité croissante. Ni les 5 100 soldats mobilisés par Paris et ses alliés lors de l’opération « Barkhane » (2014-2022), ni les 13 000 casques bleus dépêchés par l’Organisation des Nations unies (ONU), ni les quatre missions de l’Union européenne déployées depuis 2014 ne sont parvenus à enrayer la violence armée, de plus en plus meurtrière. La région est désormais secouée par des crises répétées qui ignorent les frontières nationales. Une vague de putschs (Mali, Burkina Faso, Niger) a porté au pouvoir des juntes aussi solidaires entre elles qu’inefficaces dans la lutte contre l’insécurité, en dépit de leurs promesses initiales de rétablir la paix et l’autorité de l’État.

Début juillet 2025, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaida, a mené sept attaques coordonnées dans l’ouest du Mali, près des frontières avec le Sénégal et la Mauritanie. En septembre 2024, cette même organisation avait en une seule journée réalisé deux raids spectaculaires à Bamako, tuant soixante-dix membres des forces de sécurité à l’académie de gendarmerie et détruisant l’avion présidentiel sur l’aéroport militaire. Il s’agissait de la première offensive touchant la capitale malienne depuis près d’une décennie. Ces actions montrent que les groupes djihadistes circulent librement à travers le Sahel, mais aussi qu’ils sont désormais capables de se synchroniser pour mener des opérations simultanées hautement symboliques.

Il y a dix ans, le Sahel était la région africaine la plus épargnée par l’extrémisme violent. En 2024, c’est là qu’il cause le plus de morts, avec un triplement enregistré depuis 2021, pour atteindre 11 200 décès. Cette évolution coïncide avec la vague de coups d’État inaugurée au Mali en 2020. À ce chiffre accablant s’ajoutent les 2 430 civils tués en 2024 par les forces de sécurité nationales elles-mêmes, avec l’aide de leurs partenaires russes.

Les deux principaux groupes (…)

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Nina Wilén

Directrice du programme Afrique de l’Institut Egmont (Bruxelles). Auteure de Securitizing the Sahel. Analysing External Interventions and their consequences, Oxford University Press, 2025.



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