La version politique de « Un jour sans fin » mise en scène par Emmanuel Emmanuel
Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024, la France vit une crise politique sans précédent. Le 9 septembre 2025, Emmanuel Macron a nommé Sébastien Lecornu, ancien ministre des Armées, comme nouveau Premier ministre, succédant à François Bayrou, qui a démissionné la veille. Cette nomination, la troisième en seize mois après Michel Barnier et Bayrou, ressemble à une version politique d’Un jour sans fin mis en scène par Emmanuel Macron : Premier Ministre par Interim.

Une série indigeste au possible, néfaste pour les intérêts de la France et Français, pris en otage institutionnellement depuis la dissolution de l’Assemblée nationale. Derrière cette apparente répétition, se cache-t-elle une stratégie délibérée pour plonger le pays dans le chaos institutionnel ?
Sébastien Lecornu, choix stratégique ?
Et le héros « malgré lui » du nouvel épisode de cette série s’appelle Sébastien Lecornu (1). Ce fidèle d’Emmanuel Macron, n’est pas un novice. Présent dans presque tous les gouvernements depuis 2017, il était jusqu’alors ministre des Armées, un poste clé dans un contexte de tensions internationales. Certains y verront un choix de continuité, compte tenu de son expérience. Mais, d’autres, plus sceptiques, s’interrogent : pourquoi nommer un Premier ministre dans une Assemblée nationale fragmentée, où aucune majorité stable n’est possible ?
Depuis la dissolution, aucun gouvernement n’a réussi à réunir les voix nécessaires pour éviter une motion de censure, comme l’ont prouvé les chutes rapides de Barnier et Bayrou.
Cette instabilité chronique pourrait servir un objectif plus large. En nommant des Premiers ministres incapables de gouverner durablement, Macron maintient une impasse institutionnelle qui renforce son propre pouvoir. Certains observateurs craignent qu’il ne prépare le terrain pour invoquer l’article 16 de la Constitution, qui permet au président de s’octroyer des pouvoirs exceptionnels en cas de crise grave menaçant la nation. Sans aller jusqu’à prêter à Macron des intentions napoléoniennes (1), cette hypothèse mérite d’être examinée.

Un pays pris en otage ?
Le véritable perdant de cette crise, c’est le peuple français. Les 70 millions de citoyens subissent les conséquences d’une gouvernance paralysée. Sans majorité, le gouvernement ne peut légiférer sur des dossiers cruciaux : retraites, pouvoir d’achat, transition énergétique. Pendant ce temps, Macron semble jouer la montre, laissant le pays dans une incertitude délétère.
Pire, certains soupçons émergent quant aux priorités de l’exécutif. La nomination de Lecornu, proche de Macron et familier des enjeux militaires, intervient dans un contexte de rhétorique belliqueuse sur le conflit russo-ukrainien. Les déclarations répétées de Macron sur un possible engagement accru de la France en Ukraine, en vertu d’un accord Franco-ukrainien que Macron, Attal et Séjourné pourraient avoir signé en enfreignant sciemment la Constitution et en désinformant le Parlement alimentent les craintes d’une escalade militaire. Il n’est donc pas étonnant qu’Attal, Séjourné et Lecornu aient, en 2024, fait l’objet d’une double plainte pour avoir livré à une puissance étrangère du matériel affecté à la défense nationale ! Ces plaintes ont été classées sans suite, mais les deux plaignants, les généraux Pellizzari et Coustou ont fait depuis l’objet de représailles de la part de l’ex-ministre des Armées, et été radiés des cadres de seconde section. Ces affaires sont pendantes devant le Conseil d’Etat. L’AFP s’était même fendue d’une fake news à l’égard du Général Pellizzari avant qu’elle ne se soit conduite à prendre en compte son droit de réponse et dusse modifier la dépêche.
Alors, on est en droit de s’interroger si la nomination de Lecornu est une coïncidence ou un signal d’une volonté de recentrer le pouvoir autour de la présidence, au détriment des institutions démocratiques ?
Vers l’article 16 ?
L’hypothèse d’un recours à l’article 16 n’est pas nouvelle. Cet article, inscrit dans la Constitution de 1958, permet au président de prendre « temporairement » des mesures exceptionnelles en cas de « menace grave et immédiate » sur les institutions ou l’indépendance nationale. Mais son activation, qui suspendrait le fonctionnement normal des pouvoirs publics, serait un séisme démocratique. En multipliant les nominations vouées à l’échec de Premiers ministres perpétuellement en guerre contre l’Assemblée nationale (faute de la majorité requise pour pouvoir gouverner), le président de la République a déjà, de fait, les pleins pouvoirs.
Dès lors, il reste simplement à Emmanuel Macron à pourrir encore un peu plus la situation pour créer les conditions d’un chaos institutionnel afin de s’octroyer les pleins pouvoirs officiellement. Cela pourrait se matérialiser, après le renversement inéluctable du Gouvernement Lecornu à plus ou moins court terme (voire très court terme). Macron pourrait alors nommer des figures issues d’autres partis (PS, LFI, voire RN), pour ensuite déclarer : « J’ai tout essayé, l’article 16 est la seule solution. » Un laïus durant lequel Emmanuel Macron fera exprès d’oublier de citer l’option constitutionnelle qu’il a écartée au départ : sa démission.
Entretenir le chaos
Fidèle à son « en même temps » cette stratégie d’Emmanuel Macron, si elle existe, repose sur un pari risqué : attiser la colère populaire tout en paralysant les institutions, soit le chaos social. Les manifestations contre la réforme des retraites en 2023 ont montré que les Français peuvent se mobiliser face à des décisions perçues comme autoritaires. En entretenant l’instabilité, Macron pourrait involontairement pousser le pays vers des tensions sociales explosives.
Et, agirait-il ainsi pour que policiers et militaires, trompés par cette manœuvre, finissent par consentir qu’effectivement, le recours à l’article 16 de la Constitution est la seule solution pour remédier à ce chaos.
Un appel à la vigilance
La nomination de Sébastien Lecornu à Matignon n’est pas un simple rebondissement politicard. C’est un symptôme d’une crise profonde, où l’Élysée orchestre une farce institutionnelle, reléguant les citoyens au rang de spectateurs impuissants. Après Barnier et Bayrou, ce troisième Premier ministre en chaise éjectable illustre l’impasse dans laquelle Macron plonge la France, flirtant dangereusement avec des dérives autoritaires et des conflits extérieurs.
Si les partis d’opposition – de la gauche à l’extrême droite – ne censurent pas rapidement le gouvernement Lecornu, ils risquent de conforter les doutes sur leur indépendance face à une élite politique perçue comme déconnectée et méprisante. Cette caste, gavée d’intérêts privés, piétine sans vergogne les travailleurs et les retraités depuis 2017. Les médias mainstream et les réseaux sociaux, complices, nous servent ces marionnettes comme seules options viables pour exercer les fonctions institutionnelles supérieures de « la République ». Cela alors que telle qu’elle se présente, l’ennemi de la France et des Français, c’est précisément la République.
Le véritable pouvoir appartient aux Français – actifs, retraités, jeunes ou seniors – qui refusent de voir leurs intérêts sacrifiés au profit d’une classe dirigeante. Et, les Français ne sont pas condamnés à subir. Exigez des comptes de vos élus. Débattez, informez-vous hors des canaux formatés. L’histoire, des grèves de 1995 aux sursauts citoyens récents, prouve que la mobilisation peut faire plier les puissants. Il est temps de reprendre la main. Comme le chantait Thierry Le Luron dans sa parodie Le ministère patraque : « Ah mon dieu qu’c’est embêtant un ministère patraque ! » Ce n’est pas drôle, certes, mais c’est aux citoyens, de réécrire la fin de cette pièce. Rester vigilants, mobilisés et déterminés à défendre nos droits.
Rendez-vous bientôt pour deux nouveaux éditos, où nous explorerons les prochaines étapes de cette crise et les moyens de la surmonter.
(1) Sauf intervention d’un couac impromptu pour Emmanuel Macron et salvateur pour nous, façon Waterloo, et un exil à Saint-Hélène en exécution d’une condamnation. Je reviendrai spécifiquement dans un prochain édito sur cette chute brutale inéluctable du monarque (« Qui a vécu par le glaive périra par le glaive ! »).
(2) « Avec mon nouveau ministère, c’est pas rigolo, entre nous. Il est d’une santé précaire, et j’ me fais un mauvais sang fou. Bien que j’ai l’air en bonne santé, je souffre de tous les côtés.
(…/…)
Ah mon dieu qu’ c’est embêtant un ministère patraque !
Ah mon dieu qu’ c’est embêtant d’être au gouvernement ! »