Hypocrite diplomatie du plastique, par Mohamed Larbi Bouguerra (Le Monde diplomatique, septembre 2025)


Les lobbys pétrochimiques à la manœuvre

La production mondiale de l’un des plus redoutables polluants pour la planète et ses habitants, le plastique, devrait tripler d’ici à 2060 si aucun traité contraignant ne vient la limiter. Or une sixième et ultime session de négociations internationales a échoué le 15 août dernier. En effet, une minorité de pays pétrogaziers, accompagnés d’une armada de lobbyistes, sabotent systématiquement les pourparlers.

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Mandy Barker. – « Bitten Containers » (Récipients dévorés), de la série « Shelf-Life » (Durée de conservation), consacrée à la pollution plastique de l’océan Pacifique, 2019

© Mandy Barker – mandy-barker.com

C’est un traité vital pour l’humanité. Et pourtant différé depuis des années. En 2022, à Nairobi, l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (ANUE) approuvait à l’unanimité une résolution pour mettre fin à la pollution plastique. Cette décision a ouvert la voie à la rédaction d’un texte juridiquement contraignant en 2024. Après cinq sessions de discussions infructueuses réparties sur trois ans, le Comité intergouvernemental de négociation dirigé par l’ambassadeur équatorien Luis Vayas Valdivieso s’est réuni pour une dernière tentative de conciliation. Malgré les dix jours de discussions organisées au Palais des nations à Genève entre le 5 et le 14 août dernier, les 185 pays représentés ont une fois de plus échoué à s’accorder sur un texte qui réduirait la production de plastique.

Depuis l’ouverture des pourparlers, une centaine de nations favorables à une telle restriction affrontent l’obstruction des pays producteurs de pétrole dont l’Arabie saoudite et les États-Unis animent la coalition. Les points d’achoppement ? Faut-il limiter la synthèse des polymères vierges, la substance mère des plastiques, ou se contenter de diminuer la pollution en aval par le recyclage et la gestion des déchets ? Le traité doit-il intégrer un article sur les effets sanitaires des 16 000 additifs entrant dans la fabrication du plastique — dont 4 200 sont des substances toxiques ou des perturbateurs endocriniens avérés, comme les phtalates, certains colorants, les composés perfluorés, dits « polluants éternels » ? Pour l’Arabie saoudite, le traité ne concerne que les déchets, gérés en bout de chaîne, et non les conséquences sur la santé ; pour les États-Unis, il ne doit pas porter ombrage aux affaires. Après une nuit supplémentaire de débats, le représentant norvégien constatait au petit matin du 15 août : « Nous n’aurons pas de traité sur la pollution plastique ici à Genève. »

Ce jour-là, les lobbyistes des combustibles fossiles et de la pétrochimie pouvaient se frotter les mains. Selon l’estimation prudente du (…)

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Mohamed Larbi Bouguerra

Universitaire, ancien directeur de recherche associé au CNRS, membre de l’Académie des sciences, des lettres et des arts Beit Al-Hikma (Carthage).



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