CIA : la saga des financements occultes 


Lors de la fin du régime El Assad en Syrie, l’an passé, un aspect peu évoqué était celui du sort de ses réserves pétrolières. En effet, depuis 2014, dans le cadre de la guerre entre le gouvernement et l’opposition autour de l’Armée Syrienne Libre, et leurs soutiens internationaux respectifs, ces réserves ont été contrôlées par les États-Unis ; la CIA en aurait largement profité pour se constituer une ‘caisse noire’ lui épargnant de devoir obtenir du Congrès un financement (d’une part) de ses d’opérations clandestines. Cela ne doit pas surprendre : la CIA aurait entretenu ce type de caisse noire depuis sa création au lendemain de la 2de guerre mondiale : c’est en Asie l’opération Lys d’or aussi désignée « Trésor (ou or) de Yamashita ».

Les réserves pétrolières syriennes

En 2010, la Syrie produisait 380 000 barils par jour, soit 19 millions de tonnes par an : un joli pactole de plus de 6 milliards de dollars (au prix moyen en 2010 de 75 dollars le baril). Selon le journaliste Oki Faouzi (cf. article publié sur le blog Réseau International), le pétrole représentait en 2008 22 % du PIB de la Syrie, 20 % de ses exportations et 23 % du budget public.

Au début de la guerre civile en Syrie, en 2011, les USA ont pris le contrôle de 90 % des réserves pétrolières, celles situées dans le Nord-Est du pays, près de la frontière avec l’Irak. C’est la part du pays contrôlé par les Forces démocratiques syriennes (FDS), dénomination de milices kurdes sous protection étatsunienne. La production ‘informelle’ de pétrole, transportée par camions, était vendue en contrebande en Irak.

Le maintien d’un millier de soldats US en Syrie, malgré le retrait annoncé par Trump fin 2019, a été justifié par la volonté d’empêcher les groupes islamistes radicaux comme Al-Qaida en Syrie, Daech et l’État Islamique de s’approprier et d’exploiter ces champs. « Nous gardons le pétrole, nous avons sécurisé le pétrole ; nous avons laissé des troupes [en Syrie] seulement pour le pétrole » a déclaré Trump en novembre 2019. 

Comme l’a confirmé au sénateur Graham mi-2020, lors d’une audition au Sénat US, le secrétaire d’État Pompeo, les champs pétroliers étaient exploités dans le cadre d’un contrat confié par la « région autonome du nord et de l’est » à Crescent Energy Services. Cette société est décrite par Thierry Meyssan sur le blog Voltaire.Net comme une émanation de la CIA ; selon ses sources, les profits sont partagés 50/50 entre la « région autonome » kurde et la CIA. Même si l’exploitation demeure partielle, il s’agit probablement de dizaines de millions de dollars par mois. C’est bien sûr contraire au droit international de détourner ainsi les ressources d’un pays tiers.

Lors du changement de régime en Syrie fin 2024, le Nord-Est kurde – qui intéresse fort la Turquie – demeure autonome, contrôlé par les FDS, et sous la protection des Etats-Unis. Mais le nouveau pouvoir de Damas et les FDS ont repris des relations, et le gouvernement reçoit depuis février du pétrole des FDS.

Bien plus, un premier pétrolier portant une cargaison de 600 000 barils de pétrole lourd, achetée par le trader émirati BB Energy, a quitté le 1er septembre dernier le port de Tartous. Reste à comprendre comment les profits de cette vente sont répartis entre la république de Syrie et le territoire autonome kurde, et si la CIA y garde une quote-part !

 

Le Trésor de Yamashita

L’histoire de la seconde guerre mondiale que nous connaissons en Europe fait une large impasse sur l’ampleur et l’horreur de la guerre en Asie, et plus précisément sur les exactions et massacres japonais en Corée, en Chine (Mandchourie, Nankin… Vingt millions de morts), et à partir de 1941 dans le reste de l’Asie : Thaïlande, Cambodge, Birmanie, Philippines, Indonésie… Ces exactions ont été accompagnées d’un pillage méthodique des pays envahis : or, bijoux, œuvres d’art, et aurait porté sur des quantités astronomiques, potentiellement des dizaines de milliards de dollars. C’est l’opération impériale « Lys d’or » dirigée par le prince Chichibu, frère de l’empereur Hiro Hito, visant à financer l’effort de guerre japonais. Ces trésors se sont évaporés : le traité de paix USA-Japon de 1951 contient d’ailleurs une clause excluant l’indemnisation des pays touchés par les exactions au motif que le Japon était en faillite.

Le transport des trésors volés les menait en escale aux Philippines avant leur destination finale au Japon. Suite à la défaite aéronavale subie à Midway en 1942, le Japon avait perdu la maitrise des mers, et ne pouvait plus transporter le butin des pillages au Japon. Il aurait alors organisé un enfouissement sécurisé dans divers lieux des Philippines, notamment des souterrains, sous la direction du général Yamashita. 

L’hypothèse : l’armée américaine avait obtenu l’information de tout ce trafic japonais ; dès la conclusion des hostilités, elle a fait parler non pas le général Yamashita qui s’était rendu, mais son chauffeur qui aurait fini par révéler certains des lieux précis aux Philippines où il avait emmené son patron. Cela permis d’y découvrir une vaste quantité d’or et d’objets précieux.

L’information transmise au président US Truman aurait alors conduit à la décision de conserver confidentielle l’information, et de dédier cette manne à la gestion de l’après-guerre, à la lutte contre le communisme, et à la reconstruction politique du Japon sur des bases ‘amies’. Yamashita fut d’ailleurs parmi les rares japonais condamnés à l’exécution capitale, tandis que maints criminels de guerre étaient réutilisés pour bâtir le Japon souhaité par les US.

Denis Boneau, en novembre 2004, donne des détails sur l’opération Aigle Noire, l’utilisation du ‘Trésor de Yamashita’ :

  • ‘Yotsuya’, le retournement d’agents des « services » japonais
  • ‘Keenan’, l’achat de témoins pour certifier que l’empereur n’a pas de responsabilité dans la guerre, permettant ainsi de le conserver ;
  • ‘M-Fund’ – pour prévenir la prise de pouvoir de communistes ou socio-démocrates au Japon, d’où les multiples financements du Parti Libéral démocrate au pouvoir sans interruption depuis les années 1950
  • ‘Black Eagle Trust’ : financement de diverses initiatives politiques secrètes de par le monde.

Boneau, de même que les blogs The Spotlight et Informed Trades signalent que les américains n’ont pas tout découvert, et que le président philippin Marcos, grâce au chercheur de trésor Rogelio Roxas, a lui-même récupéré à partir de 1965 d’autres éléments du butin ‘Lys d’or’. C’est l’origine de sa fortune considérable, qui lui aurait été subtilisée lorsque les USA l’ont exfiltré en 1986. 

Dans ce scénario, il n’y aurait pas de raison de considérer que tout le trésor ait été maintenant récupéré ; est-ce que cela contribue à expliquer l’importance de la présence américaine dans un pays du reste à nouveau gouverné par un Marcos, le fils du déchu ?

 

D’autres financements occultes des services US ont été identifiés : ainsi sous Reagan, le financement des livraisons d’armes aux ‘contras’ du Nicaragua par le profit réalisé lors de ventes d’armes à l’Iran (pour faciliter la libération d’otages US au Liban) en pleine période de sanctions US à son encontre. De même, sous Obama, lors de la chute du régime Khadafi en Lybie, les réserves en or de la banque centrale, quelques dizaines de tonnes, ont disparu, et leur récupération par les US semble un scénario crédible.

 

Documentation – le pétrole de Syrie

La guerre de l’ombre en Syrie. CIA, pétrodollars et djihad, par Eugène Berg (Le Monde diplomatique, septembre 2019)

Donald Trump « aime le pétrole » syrien !! – Actualités Tunisie Focus 3 novembre 2019

La Russie peut exploiter le pétrole syrien… que les États-Unis contrôlent – Business AM – FR – 22 décembre 2019

En Syrie, la guerre continue autour des hydrocarbures – redacteur-independant.ch 25 avril 2020

VoltaireNet 1er août 2020 La CIA exploite illégalement le pétrole au Nord-Est de la Syrie

Les forces américaines en Syrie ne sont plus là pour protéger le pétrole, dit le Pentagone | La Presse 8 fevrier 2021 

Syrie : Washington contrôle 90% du pétrole brut au Nord-Est syrien – Réseau International – 20 juillet 2022 – Oki Faouzi

Pétrole syrien volé par les États-Unis : la piste mène aux Kurdes, mais aussi aux Banderistes – Histoire et société – 28 octobre 2023

US troops continue illegal occupation of Syrian oil fields, warns minister – Middle East Monitor – 31 décembre 2024

Les clefs du Moyen-Orient 21 février 2025 – Les hydrocarbures en Syrie à l’aune du changement de régime (1/2). Une manne financière incontournable malmenée par treize ans de guerre

Documentation – le Trésor de Yamashita

Opération Lys d’or, par Denis Boneau – VoltaireNet 8 novembre 2004

Le trésor de Yamashita : la CIA et le butin de guerre du Japon – Taptoula – 27 février 2008

The Black Eagle Trust: Is There a Hidden Financial System Based On a Large Gold Treasure? [infographic] | by InformedTrades | Medium – 30 avril 2015

The Legend of Golden Lily: Yamashita’s Gold | The Unredacted – 9 mai 2018

https://folkfiesta.net/fr/post/tresor-yamashita-recherche-richesses-cachees/ – 20 novembre 2023

L’or de Yamashita : le mystère du trésor de la Seconde Guerre mondiale The Spotlight – 12 février 2025

How Stolen Gold Fueled the Deep State post WWII | Laura Aboli | Sunny’s Journal

???? Gold Gold Warriors – America’s Secret Recovery Of Yamashita’s Gold.. : Free Download, Borrow, and Streaming : Internet Archive

Sterling and Peggy Seagrave – “Gold Wars” (book)

 

Irangate : Le scandale de l’Irangate, par Alain Gresh & Dominique Vidal (Le Monde diplomatique, mars 2015)





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