Toulouse (Haute-Garonne), correspondance
Les opposants à l’autoroute A69 retiennent leur souffle. Le 25 novembre avait lieu l’audience au tribunal administratif de Toulouse pour l’éventuelle annulation de l’autorisation environnementale des travaux de l’autoroute qui doit relier Castres à Toulouse. Cette décision pourrait entraîner l’arrêt immédiat du chantier, et le retrait de toutes les machines sur les 53 km de tracé. Cette perspective invite les opposants à imaginer un projet de territoire alternatif.
Plusieurs scénarios sont envisagés si le tribunal administratif annule l’autorisation. Tous prennent en compte les travaux déjà réalisés par le concessionnaire Atosca, qui a récemment annoncé que 50 % des terrassements et 70 % des ouvrages d’art ont été finalisés.
• Option 1 : la remise en état du chantier
Comme l’a rappelé l’avocate des opposants au projet, Me Alice Terrasse, lors de l’audience du 25 novembre, l’annulation de l’autoroute pourrait entraîner une obligation de remise en état pour le concessionnaire et l’État. Concrètement, Atosca et les pouvoirs publics seraient dans l’obligation de démolir les ouvrages d’art déjà finalisés et de remettre en état les parcelles terrassées.
En 2019, le Conseil d’État avait par exemple sommé le département de la Dordogne de « démolir les éléments déjà construits et de remettre les lieux en état » dans le projet de déviation de Beynac.
• Option 2 : laisser la nature reprendre ses droits
Une deuxième option consisterait à laisser en l’état les zones déjà terrassées, pour éviter dans un premier temps d’autres nuisances pour la faune et la flore. « Ma position en tant que scientifique et docteur en écologie, c’est de dire qu’il ne faut pas bouger », confie à Reporterre Jean Olivier, président des Amis de la Terre Midi-Pyrénées.
Et d’ajouter : « Il faudrait que les machines s’arrêtent, laisser le chantier en l’état et prendre le temps de réaliser un diagnostic fin du territoire. Il faudrait analyser les zones où la nature peut reprendre ses droits et celles où il faudra l’aider. »
En effet, même si près de la moitié des terrassements ont été effectués, le concessionnaire n’a pas encore coulé de bitume sur les 53 km de tracé. « Tous ces travaux de terrassement sont des dégâts mineurs », confirme Karim Lahiani, urbaniste-paysagiste et auteur du projet alternatif « Une autre voie ». Pour Jean Olivier, « la nature reprendra ses droits assez rapidement. Par contre, on ne retrouvera jamais les arbres de 200 ans ou plus qui ont été abattus. Il y a tout de même certaines choses irréversibles ».
• Option 3 : le projet « Une autre voie »
La dernière option est celle qui avait déjà, en partie, été pensée par l’urbaniste Karim Lahiani à travers son projet alternatif « Une autre voie ». « Une grande partie des travaux déjà réalisés pourrait être réutilisée. Les ouvrages d’art sont pour beaucoup des modules préfabriqués faciles à démonter. Il y a également l’option de concasser certains ouvrages pour réutiliser le béton dans notre projet alternatif. On pourrait aussi conserver certains ponts, par exemple, pour faire passer des pistes cyclables ou des voies ferrées », présente l’urbaniste.
Jean Olivier, qui a travaillé sur l’alternative ferroviaire, confirme lui aussi, selon des avis d’experts, que le viaduc de l’Agout, qui est le plus gros ouvrage du chantier, pourrait notamment accueillir une double voie ferrée et ainsi proposer une solution à l’engorgement de Castres. L’alternative Une autre voie projette également de redonner une partie des terres aux agriculteurs pour repenser un projet de territoire.
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« C’est une opportunité immense d’avoir tout ce foncier disponible sur ces 53 km de tracé. L’annulation de l’autoroute permettrait également d’avoir une vraie consultation avec la population. Cela réveille nos imaginaires, et le Tarn pourrait vraiment devenir un territoire pionnier dans la mise en place concrète d’alternatives et de mobilités douces », raconte Karim Lahiani, qui a remporté en mai dernier le palmarès des jeunes urbanistes organisé par le ministère de la Transition écologique, notamment avec son projet alternatif à l’A69.
« Des élus du territoire et des partenaires portent ce projet, comme le moteur de recherche Ecosia, qui a déjà versé 40 000 euros à la lutte contre l’A69. L’entreprise s’est aussi engagée à s’installer dans le Tarn si cette alternative voyait le jour. On sent un enthousiasme autour du projet. »
Avec la possibilité d’une annulation de l’A69, les opposants espèrent à nouveau pouvoir mettre en place ce projet de territoire, en consultation avec la population locale et les acteurs économiques du Tarn. La décision du tribunal administratif de Toulouse devrait être connue durant la semaine du 9 décembre.