Pendant la reconnaissance, les massacres continuent (Le Monde diplomatique, 22 septembre 2025)


JPEG - 153 ko

Manifestation pour la Palestine en juin 2025 à Marseille

© baroug

La quatre-vingtième session de l’Assemblée générale des Nations unies (ONU) doit marquer la relance d’une « solution à deux États » au Proche-Orient. La reconnaissance officielle de l’État de Palestine par plusieurs pays occidentaux, dont le Royaume-Uni et la France — membres permanents du Conseil de sécurité — vise à donner un élan à ce sommet mondial. Avec l’Australie, la Belgique, le Canada, le Luxembourg, Malte et Saint-Marin, le Portugal, ces États rejoignent une très large majorité de pays du monde : 148 sur 193 avant l’annonce du président Emmanuel Macron à New York dans la soirée du 22 septembre (voir la carte ci-dessous).

Lire aussi Amnon Kapeliouk, « Pari palestinien, refus israélien », Le Monde diplomatique, décembre 1988.
La Palestine est déjà un membre observateur de l’ONU depuis 2012. Elle a été admise à l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) en 2011 et à la Cour pénale internationale (CPI) en 2015. Mais sa reconnaissance comme membre à part entière des Nations unies suppose l’approbation du Conseil de sécurité, et des deux tiers des pays membres de l’Assemblée générale. Elle s’est toujours heurtée au veto des États-Unis qui ne redoutent guère d’être isolés sur cette question, comme en avril 2024.

Lire aussi Edward W. Said, « Comment conjurer le risque d’une perpétuelle soumission à l’Etat d’Israël », Le Monde diplomatique, novembre 1993.
En proclamant un État de Palestine le 15 novembre 1988, tout en reconnaissant Israël, les résolutions de l’ONU et des frontières qui laissaient aux Palestiniens une portion congrue (23 % du territoire sous mandat britannique avant 1948), l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) faisait le pari de la paix. Elle admettait davantage encore un rapport de force inégal en signant les accords d’Oslo en 1993. Ceux-ci ne prévoyaient rien pour l’État palestinien, sinon de renvoyer la question cinq ans plus tard. Depuis, les Occidentaux n’ont cessé d’en préciser les contours et les contraintes, tout en repoussant sans cesse cette perspective, comme l’horizon qui s’éloigne quand on s’en approche.

Une reconnaissance progressive

JPEG - 79.3 ko

Esquisse de l’ensemble cartographique à paraître dans notre prochaine édition en kiosque mercredi 1er octobre.

Lire aussi Alain Gresh, « Demain l’Etat palestinien, toujours demain », Le Monde diplomatique, octobre 2011.
Plus l’idée d’un État s’impose dans les instances internationales, moins sa réalité apparaît tangible sur le terrain. Israël dicte plus que jamais sa loi par les armes, non seulement à Gaza, détruite sans répit, en Cisjordanie, où la colonisation ne cesse d’avancer, mais aussi en bombardant ses voisins : Liban, Iran, Qatar, Syrie et Yémen pour ne retenir que les six derniers mois.

Lire aussi Gilbert Achcar, « Gaza ou la faillite de l’Occident », Le Monde diplomatique, juin 2025.

Le 13 septembre 2024, l’Assemblée générale prenait en compte l’avis de la Cour internationale de justice (CIJ) sur « les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé ». Elle exigeait qu’Israël mette fin au plus tard dans les douze mois « à sa présence illicite ». L’Assemblée demandait à tous les pays de « prendre des mesures pour mettre fin à l’importation de tout produit provenant des colonies de peuplement israéliennes, ainsi qu’à la fourniture ou au transfert d’armes, de munitions et de matériel connexe à Israël, puissance occupante, dans tous les cas où il y aurait des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils pourraient être utilisés dans le Territoire palestinien occupé ». Plus audacieux encore, le terme « sanction » était mentionné explicitement.

Douze mois plus tard, la reconnaissance symbolique de l’État de Palestine permet à la France, l’Australie ou au Royaume-Uni de faire oublier qu’ils n’ont pris aucune sanction pour faire appliquer le droit international dans les territoires occupés depuis 1967, et qu’ils ne font rien de concret non plus pour mettre en œuvre leurs propres obligations de prévention et de répression du crime de génocide.



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *