L’Ukraine et ses faux amis, par Pierre Rimbert (Le Monde diplomatique, octobre 2022)


Derrière la guerre, les affaires

Référendum dans les régions occupées, menace de nucléarisation, mobilisation partielle : la Russie a choisi l’escalade face aux contre-offensives ukrainiennes menées avec des armes occidentales. Cobelligérants de fait, certains États de l’Union européenne concrétisent un vieux projet : ancrer l’Ukraine à l’Ouest et en faire un laboratoire pour les délocalisations de voisinage.

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Diana Machulina. – « Adieu aux armes », 2009

© Diana Machulina – Galerie Stanislas Bourgain, Paris

À l’image du mal de dos et de la météo, la « fin de la mondialisation » compte au nombre de ces « marronniers » qui refleurissent régulièrement dans la presse. Essayistes et journalistes ont cloué le cercueil de la libéralisation planétaire après les attentats du 11 septembre 2001, puis lors de la crise financière de 2008, puis encore lors de la crise de l’euro au mitan des années 2010. Avec le chaos mondial des chaînes d’approvisionnement dû aux politiques anti-Covid, à la montée des tensions sino-américaines, à la guerre en Ukraine et à la crise de l’énergie, l’heure d’un nouveau rapport d’autopsie a sonné. En 2022, le légiste en chef se nomme M. Larry Fink, président-directeur général du fonds d’investissement BlackRock. « L’invasion russe a mis fin à la mondialisation que nous avons connue depuis trois décennies », écrit-il le 24 mars dernier dans sa lettre annuelle aux actionnaires. Il n’en fallait pas davantage pour provoquer une cascade internationale d’articles sur la « démondialisation », les relocalisations, le « démultilatéralisme », le retour du protectionnisme, etc., laquelle doucherait à froid les congressistes du Forum économique mondial réunis fin mai à Davos.

Comment cette fois ressusciter le sphinx et l’acclimater à un contexte géopolitique inflammable ? La mondialisation des années 2000 se voulait inclusive : ses architectes admettaient au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) la Chine (2001) et même la Russie (2012), convaincus que l’interdépendance économique civiliserait ces partenaires idéologiquement mal dégrossis. « Deux pays qui hébergent chacun un McDonald’s ne se sont jamais fait la guerre », soutenait en 1996 l’essayiste Thomas Friedman. Bien tenté, mais c’est raté. On se montrera donc plus sélectif. Les délocalisations, oui, mais entre amis. Une idée aussi brillante ne pouvait s’énoncer qu’en anglais : le friendshoring, par opposition à l’offshoring, qui désigne les délocalisations classiques.

Identifié par un rapport de la Maison Blanche (…)

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