Que reste-t-il de la cinéphilie ?, par Emilie Bickerton (Le Monde diplomatique, octobre 2025)


JPEG - 110.3 ko

Éric Rondepierre. – De la série « Les Trente Étreintes », vers 1997

© ADAGP, Paris, 2025

Un « événement cinéphile majeur ». Quand, en juin dernier, les Cahiers du cinéma mettent en ligne l’intégralité de leurs archives dans le cadre d’un accord avec Google, la directrice générale de la revue s’en félicite (Agence France- Presse, 4 juin 2025). Agréable à visiter, regorgeant d’illustrations et enrichi d’articles inédits, le portail est une incontestable réussite. S’agit-il pour autant d’une invitation à la cinéphilie ? La consultation des Cahiers numérisés s’apparente à un plaisant voyage dans le temps, une expérience assez semblable à la visite de la Mole, le musée — très immersif — du cinéma à Turin. On pourrait en revenir avec un tote bag, ou la reproduction encadrée d’une couverture jaune des grandes années du périodique, lancé en 1951.

Éclosion de revues, multiplication des ciné-clubs, l’après-guerre connaît un essor de la cinéphilie. Elle a ses tendances — communiste autour de figures comme Georges Sadoul, chrétienne dans le sillage d’André Bazin, cofondateur des Cahiers du cinéma — et ses rituels : « Maniaque de son fauteuil, obsédé par son rang (toujours “avancé”, dans les trois premières rangées), fidèle à sa salle, poussant l’érudition à l’extrême, sectaire, ses Cahiers jaunes sous le bras, le cinéphile vit (…) sa passion avec ferveur et ne la partage qu’avec le clan, la chapelle, le groupe qui l’entoure. » Alors voir les films — les images, le montage, l’intrigue… — implique forcément d’ardentes discussions.

La cinéphilie française a ses revues — les Cahiers, ou Positif, fondé en 1952 —, ses rendez-vous à la radio — « Le masque et la plume » à partir de 1957 — ou plus tard à la télévision. Critiques professionnels ou amateurs, ses adeptes entendent manifester une liberté d’esprit conforme à l’essence d’un art populaire qui n’exigerait pas de formation particulière pour être apprécié. Chacun pourrait former son avis et le défendre, au café après la projection ou dans le métro au retour.

Certes, en pratique, cette passion (…)

Taille de l’article complet : 2 427 mots.



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *