Accoucher dans le respect des coutumes tout en bénéficiant des équipements modernes, c’est désormais possible à San Miguel, petite ville colombienne du Putumayo, à la frontière de l’Équateur et du Pérou. Depuis 2022, son hôpital tente de faire cohabiter médecine occidentale et pratiques traditionnelles indigènes. Une avancée qui change le rapport de confiance entre soignants et communautés locales, jusque-là réticentes à franchir la porte de l’hôpital.
« Avant, je n’aurais pas mis les pieds ici », confie Servio Tulio, médecin de l’ethnie Inga. Il n’est pas le seul. Dans une région où 22 % des habitants appartiennent à des peuples autochtones — kamëntsa, kichwa, pastos, inga, kofán, awá, la méfiance restait forte, exacerbée par la pandémie. Anderson Ramirez, gouverneur pastos, se souvient : « Tout le monde disait que l’hôpital nous tuait. » Pour briser ce mur, l’établissement s’est appuyé sur l’ONG Amazon Conservation Team (ACT), installée de longue date dans le Putumayo.
Comme l’explique Reporterre, cette collaboration a commencé par la maternité : accueillir les femmes enceintes selon leurs rituels, former les sages-femmes et adapter les équipements aux pratiques culturelles, comme l’accouchement vertical.
Les soignants traditionnels alertent désormais l’hôpital en cas de grossesse à risque. Des ateliers permettent aussi de transformer les plantes médicinales en crèmes ou infusions plus sûres, avec l’appui du Service national d’apprentissage (Sena). « L’hôpital reconnaît aussi qu’il y a certaines disharmonies qu’il ne peut pas prendre en charge », observe Celene Paz, bactériologue et membre d’ACT. Francisco Chacua, soignant awá, parle du mauvais œil comme d’une explication possible aux diarrhées infantiles quand la médecine moderne ne trouve rien.
Selon ACT, le dérèglement climatique aggrave la vulnérabilité des peuples amazoniens, dépendants d’une biodiversité qui se dégrade. « La forêt est leur grande pharmacie », rappelle Paula Galeano, coordinatrice de l’ONG. D’autres hôpitaux de la région souhaitent déjà imiter San Miguel. Reste à trouver les financements nécessaires pour transformer cette expérimentation locale en modèle durable.