Le consentement israélien au génocide, par Gideon Levy (Le Monde diplomatique, octobre 2025)


« Pas de Palestiniens innocents »

Journaliste au quotidien « Haaretz », Gideon Levy a passé sa carrière à dénoncer l’occupation des territoires palestiniens, la colonisation, les expulsions, le chantage à l’antisémitisme. Depuis deux ans, il est l’une des rares voix dans son pays à s’élever contre le bain de sang à Gaza. Comment une telle tragédie a-t-elle pu se dérouler dans le silence et l’indifférence de la plupart des Israéliens ?

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David Reeb. — « Deportation », 2025

© David Reeb

Les massacres du 7 octobre 2023 ont provoqué la mort de la bande de Gaza. Il faudra des années pour qu’elle retourne à la vie, si tant est qu’elle y parvienne. Mais ces événements, et l’attaque israélienne qui a suivi, ont également tué l’espoir d’un Israël différent. Il est encore trop tôt pour mesurer l’ampleur des dégâts causés par cette guerre au sein de la société et de l’État israéliens. Le changement est à l’évidence radical. Ici aussi, le déblaiement des décombres et la reconstruction prendront des années, s’ils ont lieu un jour. Gaza et Israël ont été détruits, peut-être de manière irréversible, chacun à sa façon. La dévastation de la première se voit à l’œil nu, à des kilomètres à la ronde ; celle du second reste encore cachée sous la surface.

Le 7 octobre a constitué un tournant historique. Ce jour-là, le Hamas a envahi Israël et commis une tuerie sans précédent dans le pays. Et ce jour-là, Israël a changé de visage. Sa nouvelle figure était peut-être jusque-là dissimulée derrière un masque, n’attendant que le moment de se dévoiler. Ou peut-être que la mutation fut plus profonde. Quoi qu’il en soit, les démons ont alors jailli de la boîte, et ils ne sont pas près d’y retourner. La bande de Gaza est désormais inhabitable. Pour ceux qui aspirent à une vie libre et démocratique, Israël est lui aussi devenu une terre hostile.

Une certaine lecture des événements s’y est en effet immédiatement imposée, qui a modifié la conscience politique et existentielle du pays. Les dirigeants, les médias et les commentateurs ont aussitôt qualifié les attaques de « plus grande catastrophe qui ait frappé le peuple juif depuis la Shoah ». La Shoah et le 7 octobre 2023 dans un même souffle donc, comme s’ils étaient comparables, comme s’il y avait eu deux exterminations… Une exagération absurde, sans aucun fondement — l’ampleur, les objectifs, les moyens, tout diffère —, mais répétée ad nauseam, et parfaitement calibrée pour servir la propagande gouvernementale. Car ce choix de comparaison n’avait rien de fortuit. Il (…)

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