Paysans en Cisjordanie, tenir à tout prix, par Léonore Aeschimann & Pierre Casagrande (Le Monde diplomatique, octobre 2025)


Accaparement des terres et destruction des traditions agricoles

Depuis le début de l’année, l’armée et les colons israéliens ont provoqué le déplacement forcé de cinquante mille Palestiniens de Cisjordanie. En imposant des lois iniques, en exerçant une violence quotidienne, Tel-Aviv poursuit une annexion rampante qui vise notamment l’appropriation de terres agricoles et la construction de nouvelles colonies, illégales au regard du droit international.

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Larry Towell. — Un jeune berger et son troupeau près du mur de séparation, Jérusalem, 2004

© Larry Towell/Magnum Photos

Ali M. fouille les ruines d’une maison détruite durant l’hiver 2024 par les bulldozers israéliens pour en extraire des barres de fer avec lesquelles il renforcera l’enclos de ses chèvres. L’éleveur d’une vingtaine d’années est interrompu par la livraison d’eau : un vieux poids lourd Citroën rouillé sur lequel bringuebale une gigantesque citerne remonte la piste. Ali accueille le conducteur, qui partage sa vie entre son travail de professeur de biologie à Jéricho et ces livraisons, vitales pour les familles de la région. Nous sommes dans le village d’Al-Maleh, tout au nord de la Cisjordanie, dans un petit vallon rocailleux qui descend vers le fleuve Jourdain. En contrebas de l’enclos, un lit de cailloux témoigne de l’existence passée d’un ruisseau qui y courait encore il y a vingt ans. Désormais, seul le vent chargé de poussière s’engouffre dans la vallée. « Les colons sont arrivés en 1967 et ont commencé à pomper dès 1973 à plus de cent mètres de profondeur », explique Ali. Les cinq sources qui alimentaient le cours d’eau se sont progressivement taries. Ce ravitaillement par camion suffira pour la consommation des villageois et du bétail, mais ne permettra malheureusement pas d’irriguer une parcelle.

La colonisation israélienne affecte profondément l’agriculture palestinienne. « La contribution du secteur au produit intérieur brut de la Cisjordanie a constamment décliné depuis 1967 et le début de l’occupation », explique Taher Labadi, chercheur en économie à l’Institut français du Proche-Orient (IFPO) de Jérusalem. Le travail de la terre a pourtant une longue histoire en Palestine. L’agriculture y est caractérisée par une prépondérance de petites exploitations familiales de moins d’un hectare, qui représentent plus de 70 % des terres agricoles. Leur production est destinée en premier lieu à l’autoconsommation, puis au marché local. Dans un territoire semi-aride et vallonné, les cultures en terrasses appartiennent à un riche patrimoine agricole, dont l’olivier est le symbole. « (…)

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