la question de la reconstitution historique et la politique — La Science de l’Esprit — Sott.net


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Dans ce premier volet de la série « À voix nue » diffusée en 2004, Éric Rohmer discute de son film Triple agent sorti cette année-là. Il explique que ce qui l’a intéressé était de « raconter des histoires à travers des ‘on dit' ». Il évoque la façon de parler de cette époque, des années 1930 et l’importance qu’il a accordée à l’accent russe des acteurs.

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Toujours à partir de son dernier film, il disserte sur la double facette politique et amoureuse présente dans cette histoire, c’est le propre du cinéma selon lui d’apporter un « contre-point ». Il explique que le second thème peut survenir par hasard et prendre de plus en plus de place.

Entre histoire et fiction

Pour son film Triple agent, Éric Rohmer a pour point de départ de véritables faits historiques qu’il se plait à remanier. Il rapporte :

« j’ai inventé tous les rapports entre les personnages et j’ai même changé des personnages puisque le personnage réel de cette histoire n’est pas une Grecque, mais une Russe. Les seules choses que j’ai gardées, ce sont les événements qui sont certains. Les éléments pour lesquels on a des preuves matérielles absolues, en particulier pour la fin du film et l’épilogue. L’épilogue, on le connait d’après l’assistant du procureur, il peut être partial, effectivement. En principe, ce sont des choses prouvées. Je n’ai pas voulu aller au-delà, c’est-à-dire inventer des faits qui ne sont pas prouvés. Finalement, ce n’est que du ‘on dit’. On peut croire le personnage, on peut ne pas le croire. Ce qui m’a intéressé, c’est de raconter une histoire à travers des non-dits. Il faut dire que j’avais trouvé un grand exemple, un exemple russe d’ailleurs, ‘Les frères Karamazov’ dans lequel en ce qui concerne la mort du père, l’assassinat du père, eh bien, nous le connaissons par ce que dit Dimitri Karamazov, et on n’a pas de compte rendu objectif de ce récit. »

Plus loin, le cinéaste explique : « cette histoire, je l’ai lu dans la revue ‘Historia’. C’est précisément le mystère qui m’a plu, il n’y avait pas de solution à l’histoire. J’ai tout de suite pensé que l’histoire devait être montrée de façon indirecte, à travers les paroles et non pas les faits. Je ne voulais pas faire un film d’espionnage classique. Ce qui m’intéresse, c’est le soupçon de cette femme, ce point de vue là.

La vraisemblance des acteurs est aussi un élément central pour Éric Rohmer. Le réalisateur va jusqu’à demander à ses acteurs, de langue maternelle russe, d’exagérer leur accent.

« Fiodor a forcé l’accent russe, les autres acteurs russes ont davantage roulé sur les ‘R’ précisément pour que leur accent ne ressemble pas à celui d’un autre pays d’Europe centrale ou même à la rigueur un accent que l’on pourrait prendre pour un accent d’Asie mineure. »

Les avantages d’une narration cinématographique

Lorsqu’il s’agit d’énoncer clairement le thème principal du film, le réalisateur Éric Rohmer invoque Corneille et son Discours sur le poème dramatique.

« Corneille parle d’action implexe, l’essence même d’idées complexes. J’aime bien qu’il y ait deux équipes, deux courants. De même qu’il peut y avoir dans une musique un contrepoint entre deux lignes mélodiques, sur la portée d’en haut, sur la portée d’en bas. » Il reconnait plus loin : « Il y a toujours des choses qui viennent se greffer, il y a toujours une multiplicité de thèmes qui font partie de la composition de mes histoires et je ne suis satisfait que lorsque finalement, j’ai trouvé un second thème, si je ne le trouve pas eh bien, j’attends, j’attends qu’il se présente et il se présente très souvent d’ailleurs tout à fait par hasard. »

L’enchevêtrement de différentes intrigues est essentiellement permise par le cinéma. Éric Rohmer déclare succinctement :

« je pense que le cinéma est particulièrement propre à jouer cela. Le cinéma a dans son récit, une maladresse, une certaine gaucherie. Il n’a pas la même souplesse que le roman, il a plus de difficultés à montrer qu’une action est ici ou là, au présent ou au passé. » Il affirme enfin : « le contrepoint est peut-être plus facile à faire et plus intéressant dans un film que dans l’œuvre écrite ».



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