La France annonce de nouvelles livraisons d’équipements militaires à l’Ukraine. Au lendemain du sommet des dirigeants des Vingt-Sept, durant lequel la Commission européenne n’a pas réussi à obtenir un accord pour son projet de prêt à Kiev à partir des actifs russes gelés en Belgique, le président Emmanuel Macron a annoncé la livraison, “dans les prochains jours”, de missiles antiaériens additionnels ainsi que de nouveaux Mirages.
Depuis plusieurs semaines, les négociations entre la Russie et l’Ukraine ont atteint un point mort, malgré l’implication directe du président Donald Trump et de plusieurs médiations internationales. Après l’appel téléphonique du 16 octobre entre Trump et Vladimir Poutine, censé relancer les efforts diplomatiques, Moscou a campé sur ses exigences territoriales, réclamant la reconnaissance de sa souveraineté sur plusieurs régions ukrainiennes et la fin de l’aide militaire occidentale. L’Ukraine, soutenue par ses alliés européens, refuse de céder à ces conditions. La rencontre qui devait se tenir à Budapest a été reportée sine die, tandis que les bombardements russes se sont intensifiés, accentuant l’impatience du président américain.
“En faire plus”, quoi qu’il en coûte …
Irrité par cet échec diplomatique, Donald Trump a annoncé le 22 octobre un tournant dans sa politique vis-à-vis de Moscou : pour la première fois depuis son retour à la Maison-Blanche, il a décidé d’imposer des sanctions économiques directes contre la Russie. Celles-ci visent spécifiquement les géants pétroliers Rosneft et Lukoil, qui assurent plus de la moitié des exportations de pétrole du pays, les privant d’accès au système du dollar et des marchés internationaux. Cette décision marque une rupture avec sa ligne conciliante antérieure et traduit une volonté d’exercer une pression maximale sur le Kremlin pour obtenir un cessez-le-feu.
En parallèle, l’Union européenne a adopté, le 23 octobre, son 19e train de sanctions contre la Russie. Ce nouveau paquet, soigneusement coordonné avec Washington, interdit pour la première fois les importations de gaz naturel liquéfié russe d’ici janvier 2027 et élargit les restrictions au secteur bancaire, aux plateformes de cryptomonnaies et à 117 navires de la “flotte fantôme”. Ce paquet inclut également l’interdiction de toute transaction avec Rosneft et Gazprom Neft. Ces mesures, débattues depuis des semaines, ont été débloquées après la levée du veto du Premier ministre slovaque Robert Fico, ouvrant la voie à une réponse européenne plus unie face à la Russie.
Le lendemain, lors du sommet européen de Bruxelles, les dirigeants ont débattu intensément du soutien financier à l’Ukraine. L’initiative phare consistait à accorder un prêt de 140 milliards d’euros financé en partie par les revenus des actifs russes gelés en Europe. Mais la Belgique, par la voix de son Premier ministre Bart De Wever, a exprimé de fortes réserves, exigeant des garanties financières supplémentaires. En conclusion, les Vingt-Sept se sont accordés sur une déclaration symbolique prévoyant que la Commission européenne présente “dès que possible” des options concrètes pour assurer la continuité du soutien militaire et économique à Kyiv en 2026 et 2027, sans pour autant valider immédiatement le plan de prêt.
C’est dans ce climat de blocage diplomatique et de durcissement des positions que Paris a choisi d’annoncer vendredi sa volonté de livrer à Kiev de nouveaux équipements. Et pas des moindres. L’annonce a été faite par le président Emmanuel Macron par visioconférence lors de la réunion de la “Coalition des volontaires”, comprenant 26 pays alliés de Kiev, en majorité des Européens, qui vise à “en faire plus” selon les termes du Premier ministre britannique, Keir Starmer.
De nouveaux missiles Aster et avions Mirage
Jusque-là, la France a accordé à l’Ukraine un total cumulé supérieur à 7 milliards d’euros de soutien militaire et financier. Sur le plan militaire, Paris a déjà livré 42 canons Caesar et environ 60 obusiers TRF1, une centaine de missiles SCALP à longue portée, des systèmes antiaériens Crotale modernisés, des chars légers AMX‑10 RC, des véhicules de transport Bastion, ainsi qu’une flotte grandissante de drones et munitions téléopérées. Sur les six Mirage 2000 promis, “seulement” trois ont été livrés, en raison de la lenteur de la formation des pilotes ukrainiens, dont un appareil qui s’est écrasé en juillet.
Durant “les prochains jours”, explique le chef de l’État, des missiles antiaériens Aster « additionnels » seront accordés à l’Ukraine ainsi que des avions de chasse Mirage. « Il est très important de poursuivre notre effort de soutien à l’Ukraine et de pression sur la Russie », a-t-il souligné.
Ces missiles Aster, les 15 et 30, sont produits en coopération entre Paris et Rome et fonctionnent avec le dispositif SAMP/T Mamba, un système de défense antiaérienne franco-italien.
Poursuivant une politique du “quoi qu’il en coûte”, Paris maintient son engagement massif, aussi bien sur le plan financier que militaire, sans réel débat parlementaire, justifiant ceci par un discours sécuritaire de plus en plus alarmiste relayé par les services de renseignement et l’état-major. Ces derniers affirment que la Russie pourrait “être tentée de poursuivre la guerre sur notre continent” et appellent à “préparer l’armée française à un choc dans trois à quatre ans”. Dans le même sillage, l’exécutif évoque régulièrement la possibilité d’un affrontement direct, ponctuant évidemment chaque livraison d’armes lourdes de mises en garde.