Entre le Venezuela et la Colombie, plus qu’une frontière, par Hernando Calvo Ospina (Le Monde diplomatique, octobre 2025)


JPEG - 109.8 ko

« [Revenez vite], la Colombie vous attend », à la frontière entre le Venezuela et la Colombie, février 2020

Depuis le côté vénézuélien du pont Simón Bolivar, long de 315 mètres, on aperçoit la Colombie. Comme bien d’autres compatriotes de mon pays, plusieurs de mes amis d’enfance ont traversé ce principal point de passage frontalier pour entrer au Venezuela. On imagine ce que leurs familles, chargées de bagages, épuisées au terme d’un trajet en autocar de 1 500 kilomètres, ont pu ressentir en atteignant San Antonio del Táchira, la première ville de cette « terre promise » située de l’autre côté du pont.

Je revois le visage de Teresa, Walter, David, Mercedes et Ligia la veille de leur départ, au tout début des années 1970. Quelques jours auparavant, ils avaient prononcé trois mots qui m’étaient alors inconnus : Venezuela, San Cristóbal et Maracaibo. Sur une carte, je vis que le Venezuela se trouvait à l’autre bout de la Colombie par rapport à notre ville, Cali. Leurs parents les y emmenaient dans l’espoir de sortir de la pauvreté. Si beaucoup d’autres amis et voisins émigraient vers ce pays pour les mêmes raisons, dans mon souvenir, mes parents n’ont pas évoqué cette possibilité. En réalité, je ne m’attendais pas à ce que plusieurs de mes camarades du collège aillent vivre au Venezuela, car ils appartenaient en majorité à la classe moyenne.

Leurs familles font partie des nombreux Colombiens qui ont afflué au Venezuela depuis les années 1950, et dont le nombre avoisinait les 4 millions dans les années 1990, presque tous en situation irrégulière, à une époque où la population vénézuélienne ne dépassait pas les 15 millions d’habitants. Les États frontaliers de Táchira et Zulia furent les principales destinations de cet exode silencieux, motivé par la violence politique et la pauvreté qui persistent en Colombie.

À deux reprises depuis les années 2000, j’ai parcouru les rues de San Cristóbal, capitale de l’État de Táchira, établie à une vingtaine de kilomètres de la frontière. Des airs de cumbia et de vallenato résonnaient jusqu’à la Plaza Bolivar, la principale place de la ville. Partout, on entendait des accents (…)

Taille de l’article complet : 3 526 mots.



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *