L’OTAN, de l’Atlantique à l’Oural, par Hélène Richard (Le Monde diplomatique, novembre 2025)


De la chute du Mur à la guerre d’Ukraine, les logiques d’une expansion

M. Vladimir Poutine accuse les Occidentaux d’avoir trahi leur promesse de ne pas étendre l’Alliance atlantique à l’est — une thèse que ces derniers contestent. Trente ans après la réunification allemande, les archives déclassifiées révèlent l’offensive diplomatique menée par Washington face à une Russie impuissante. Les réserves des Européens n’ont pas suffi à enrayer la dynamique.

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Dimitri Tsykalov. – « Skin XVI » (Peau XVI), 2016

© ADAGP, Paris, 2025 – Courtesy Galerie Rabouan Moussion, Paris

Pour l’ancien premier ministre français Alain Juppé, le débat est clos : « Après la chute de l’URSS, on a tout fait pour associer la Russie à l’organisation du monde nouveau. Mais la paranoïa de Poutine s’est affirmée peu à peu. Il est aujourd’hui habité par l’ambition de reconstruire l’Empire russe ou soviétique. Nous n’avons pas à nous flageller dans cette affaire. Nous sommes les victimes de l’agression, pas les agresseurs » (Le Monde, 11 septembre 2025). Selon cette opinion, largement partagée, les griefs du président russe contre l’expansion de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) procèdent d’une réécriture de l’histoire. La Russie aurait non seulement consenti à cette avancée vers ses frontières, mais coopéré avec Washington et Bruxelles, au point d’en tirer de substantiels avantages, et de vouloir elle-même rejoindre l’Alliance atlantique. Si les Alliés ont protégé les États baltes de l’impérialisme russe, ils auraient péché par naïveté en abandonnant l’Ukraine à son sort. De cette analyse découle pour eux une feuille de route : ne plus faire confiance à la Russie, la combattre jusqu’à sa défaite, ou son épuisement.

Mary Elise Sarotte a publié l’ouvrage de référence sur la poussée vers l’est de l’OTAN dans les années 1990. Au terme d’une plongée de dix ans dans les archives diplomatiques de son pays, cette historienne américaine a attendu le trentième anniversaire de l’implosion de l’URSS, en décembre 2021, pour publier sa somme. L’invasion de l’Ukraine intervient quelques mois plus tard. La chercheuse s’attache depuis à prévenir toute instrumentalisation de son travail qui viserait à justifier la guerre. Mais, s’il permet de cerner ce qui relève de la « paranoïa » chez M. Vladimir Poutine, le livre réfute surtout l’idée d’un Occident bienveillant. À sa lecture, les présidents américains George H. W. Bush puis William Clinton y apparaissent déterminés à poursuivre un projet inacceptable pour Moscou, et tout à fait conscients des risques qu’une telle politique comportait, (…)

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