Interview zinzin de Kazaya, duo hip-hop écolo-futuriste


Ils arrivent sans prévenir, mais leur son résonne fort. Le nouveau groupe Kazaya vient de sortir un chanson de hip-hop/funk écolo jamais vue : Extreme Hot Trip ! Embarquons dans le vaisseau de cet ovni musical, direction notre planète en surchauffe. Interview aussi délurée qu’urgente.

Mené par Elsa Davoine et Hadi Rassi (Ami des lobbies), le nouveau groupe Kazaya joue la carte de la parodie pour alerter autant que pour rassembler autour de problématiques sociétales bien connues. Résultat ? « Extrême Hot Trip », un premier titre éponyme aussi surprenant que précis. 

« la musique est le vecteur idéal, car c’est un art qui touche tout le monde. »

Une démarche née d’une complicité artistique ancienne. « En 2017, nous avons monté la série The Krapules. Elle évoquait déjà les thématiques de l’environnement, l’évasion fiscale, le néo-colonialisme ou encore la fabrication des jouets… Kazaya s’est naturellement inscrit comme une sorte de continuité », introduit Elsa.

« On faisait déjà de la musique tous les deux, sans pour autant avoir porté un projet aussi loin » poursuit Hadi. « On souhaitait parler de ce qui nous remue, et on s’est dit que la musique était le vecteur idéal, car c’est un art qui touche tout le monde. »

Dans ce tout premier clip, le duo incarne un couple, le Voyageur et la Voyageuse, projeté en 2050 à bord d’une capsule touristique, sur les restes fumants de notre planète. Rencontre faussement légère avec ce binôme du troisième type, entre présent et futur, humour et lucidité…

Interview

Mr Mondialisation : Voyageurs du futur, comment se porte Elon Musk, visionnaire de génie qui, dès 2025, avait tout compris au tourisme spatial ?

Bienvenue à bord d’Extreme Hot Trip, le voyage qui survole notre monde en flammes ! ©Nebularts

Le Voyageur : « Ma foi, il se porte très bien ! Il a toujours été très fort dans la création de joujoux. Après Space X, c’est lui qui a eu l’idée de génie de créer Extreme Hot Trip, surfant sur les catastrophes climatiques ! De ce qu’on en sait, l’industrie est fleurissante, même s’il ne reste que peu de milliardaires pour en profiter. Dommage qu’en parallèle, son programme sur Mars n’ait pas marché. Il a réalisé seulement sur place qu’il n’arrivait pas à respirer… C’est bête, c’était une riche idée. »

Mr Mondialisation : Quant à vous, Elsa et Hadi, en quoi ce projet fait-il écho à vos engagements personnels ?

Elsa : « À l’instar de The Krapules ou d’Ami des lobbies, Kazaya se positionne toujours dans l’humour et la prise de recul. L’environnement y est une thématique cruciale, car elle concerne toutes les couches de la société. Même les ultra-riches, qui se sentent protégés, devraient comprendre qu’ils finiront par subir les conséquences de son dérèglement… »

« Avec Kazaya, parler d’environnement s’est révélé être une évidence. C’est un sujet à la fois vaste et complexe qu’on a essayé d’aborder de façon simple, car il touche tout le monde. » 

Hadi : « J’ai toujours été attiré par l’art engagé, ça me pulse, mais j’aime aussi la légèreté et ce que l’humour peut porter en terme de réflexion. L’art est un prolongement de la vie, j’aime l’utiliser pour porter les questions qui bouillonnent en moi… Je trouve cela étrange qu’on puisse reprocher aux artistes de s’engager, car c’est justement un moyen de défendre nos valeurs en touchant du monde. Avec Kazaya, parler d’environnement s’est révélé être une évidence. C’est un sujet à la fois vaste et complexe qu’on a essayé d’aborder de façon simple, car il touche tout le monde. »

Mr Mondialisation : Couple intergalactique, en 2050, Donald Trump vient de fêter ses 101 ans et d’atomiser le dernier Parc National américain. Heureusement, il reste New York inondé ! Quels souvenirs gardez-vous de ce voyage si exotique ?

La Voyageuse : « Récemment, nous avons appris que Trump s’est fait greffer des bras et jambes bioniques, et s’est fait numérisé le deuxième hémisphère de son cerveau ! Bon, il s’avère que du coup, il s’est fait hacker et qu’on l’a retrouvé il y a quelques jours en train d’embrasser un afro-américain… Mais à part ça, oui, il est en pleine forme ! »

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Le Voyageur : « Personnellement, j’adore Donald. Il a bien fait de s’attaquer aux Parcs Nationaux. Soyons honnêtes : ils ne servent pas à grand-chose. Et, économiquement parlant, ils n’ont rien de viables. D’ailleurs, on s’est dit qu‘il pourrait les remplacer par des forêts de data centers ! Ce serait tellement beau, avec des petites LED qui brillent de partout…

Sans doute aussi beau que New York. Sous l’eau, la ville est tellement plus intéressante qu’avant. Nous avons pu embrasser la Statue de la Liberté, nous l’avons même taguée avec nos noms ! Quel souvenir merveilleux. En effet, maintenant que les États-Unis ont effacé toute trace des autochtones, des Afro-américains, des gays et des femmes – enfin, sauf celles qui servent de reproductrices – c’est quand même beaucoup plus agréable à visiter… »

Mr Mondialisation : Par ailleurs, votre vaisseau touristique consomme très peu d’énergie, grâce à une fabuleuse batterie de 3 tonnes conçue à partir de minerai rare extrait par des enfants esclaves. Le prix à payer pour voyager propre ?

« Personnellement, je suis pour la propreté. Je me lave trois fois par jour »

La Voyageuse : « Personnellement, je suis pour la propreté. Je me lave trois fois par jour, j’ai toujours avec moi mon dressing portable, je considère que c’est essentiel d’être propre. Quant au fait de dire que les enfants sont des esclaves, c’est un peu poussif : à cet âge-là on a de l’énergie à revendre. Et c’est toujours mieux que de les laisser traîner dans les rues ! »

Le Voyageur : « Je pense que le plus important quand on part en vacances, c’est quand même le confort et le bien-être. C’est la base pour profiter d’un beau voyage… On ne peut pas se remettre en question sur tout, sinon, on ne fait plus rien ! On est en 2050, on sait que c’est foutu, les enfants aussi… Esclaves ou non, ça ne change pas grand chose à leur avenir. Ce qu’il faut retenir, c’est que nous avons passé un très beau séjour, et ça, c’est l’essentiel. »

Hadi et Elsa, artistes conscients et engagés, chantent pour alerter ©Cédric Gouyvenoux

Mr Mondialisation : Retour en 2025. Considérez-vous l’humour et la musique comme des armes clés contre l’obscurantisme ?

Elsa : « Oui, clairement. Il existe d’autres moyens de lutter, comme la recherche, le journalisme, les documentaires… Toutefois, dans une époque où nous subissons la montée du climatoscepticisme, du repli sur soi et du fascisme, les gens ont besoin de se détendre, de se défouler, et de trouver des moments pour rire face à l’éco-anxiété. C’est important d’offrir ces moments de fête, et de pouvoir rire collectivement. C’est pour cela que nous avons fait le choix de l’humour. »

« Quand des régimes fascistes arrivent au pouvoir, la culture est l’un des premiers domaines touchés. » 

Hadi : « La culture en général est une arme contre l’obscurantisme. Quand des régimes fascistes arrivent au pouvoir, la culture est l’un des premiers domaines touchés car elle fait preuve d’humanisme, permet de débunker les fake news… La musique comme l’humour sont des moyens de faire passer des messages. Je le constate aussi dans les festivals où je suis invité : nous y venons en tant que militants, mais essayons aussi de faire la fête.

L’humour est essentiel pour se battre, c’est une arme très puissante, et probablement plus utile que de montrer du doigt. Ce n’est pas un hasard si quand Bolloré est arrivé chez Canal +, il a fait disparaître Les Guignols… »

Elsa : « En cela, il nous a semblé important d’utiliser des costumes colorés, sur un clip léger. Quant au funk et hip-hop, ce sont par essence des musiques contestataires, nées de couches sociales défavorisées qui subliment leurs difficultés par la joie. Saisir notre pouvoir d’action par la musique et la danse, c’est un moyen de le partager, pour faire face ensemble.

« Kazaya s’est inspiré des années 1970, qui marquent une prise de conscience populaire » 

L’écologie n’est pas nécessairement punitive. Kazaya s’est inspiré des années 1970, qui marquent une prise de conscience populaire : il y avait alors de l’espoir, l’envie de construire des choses nouvelles, autour d’un élan joyeux et imaginatif. Je suis persuadée qu’on peut retrouver cet élan là !

D’ailleurs, l’usage du fond blanc dans notre clip est symbolique : il connote à la fois une société hyper high-tech, stérilisée, mais aussi l’image d’une page blanche à écrire, d’un futur qui n’est pas encore là et sur lequel nous pouvons agir. »

Mr Mondialisation : Trêve de bavardages. À ce qu’il paraît, la capsule permet de parcourir des forêts en flammes, en toute sécurité. Après l’Australie, espérez-vous pouvoir visiter les ruines d’Amazonie ?

Le Voyageur : « En réalité, nous avons au départ hésité entre la Tasmanie et l’Amazonie. Extreme Hot Trip sélectionne des séjours avec plusieurs alternatives, uniquement autour de villes et de lieux ayant subi le réchauffement climatique. Par exemple, un pays touché par la sécheresse proposera du quad, un autre touché par les pluies torrentielles offrira des visites en deltaplane… On peut surfer dans un lieu ayant subi un tsunami, plonger dans un autre recouvert par la montée des eaux…

En ce qui nous concerne, nous avons trouvé les feux de forêt magnifiques ! Et finalement, la Tasmanie s’est imposée par défaut toutefois car l’Amazonie n’est plus à la carte. En fait, il s’avère que Bolsonaro a aussi pris du Composé V… et a rasé l’Amazonie. Se déplacer pour simplement y faire trois petits sauts, on n’y a pas trouvé d’intérêt… Finalement, aller en Tasmanie était un bon calcul avant que la région ne disparaisse à son tour. »

Kazaya prépare d’autres chansons dans la foulée d’Extreme Hot Trip… à surveiller de près ! ©Cédric Gouyvenoux

Mr Mondialisation : Quel prochain voyage préparez-vous avec Kazaya ?

La Voyageuse : « Nous avons pensé faire une chanson sur le diable de Tasmanie. C’est vraiment trop mignon ! On en a croisé un lors de notre voyage, qui est un peu devenu notre mascotte. On aurait bien aimé le rapporter chez nous pour le relooker… »

Le Voyageur : « Cependant, faire une chanson sur un animal carbonisé, on s’est dit que ça ne plairait pas tant que ça, finalement. Par la suite, nous avons pensé écrire sur un arbre en feu. C’est tellement beau, un arbre en feu ! Mais il faut le voir en vrai pour comprendre. Alors, à défaut d’un projet précis, nous continuons d’explorer la question de la biodiservi… Biovidersi… Enfin, le concept de préservation de la nature. »

Mr Mondialisation : Et quel prochain voyage préparez-vous avec Kazaya… pour 2026 ?

Hadi : « Nous allons continuer l’aventure Kazaya avec pour objectif la réalisation d’un EP de 5/6 titres. Avant cela, nous souhaitons d’abord travailler sur un triptyque, qui inclura Extreme Hot Trip.

Kazaya se décline également sur scène, notamment au sein de festivals engagés ©Nadia Genet

Nous allons également poursuivre notre travail sur scène, Kazaya ayant déjà pu se produire dans différents festivals comme Les Résistantes, avec nos costumes, une mise en scène élaborée, une chorégraphie… Extreme Hot Trip devient alors une chanson qui s’étend sur 15 minutes, durant lesquelles nous faisons participer le public. À terme, nous imaginons un spectacle de 45min à 1h, prêt pour 2026...»

D’ici-là, c’est-à-dire 2026 comme 2050, Mr Mondialisation remercie chaleureusement Kazaya d’avoir joué à merveille le jeu de notre entretien spatio-temporel.

– Entretien réalisé par Marie Waclaw


Source image d’en-tête : ©Nebularts

 

 

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