Point de vue pakistanais sur la situation du Jammu-et-Cachemire, par Mohammad Ishaq Dar


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À l’occasion du soixante-dix-huitième anniversaire de l’occupation illégale du Jammu-et-Cachemire par l’Inde, je tiens à appeler l’attention du Conseil de sécurité sur ce différend non réglé, une des questions dont le Conseil est saisi depuis le plus longtemps.

Le 27 octobre 1947, les forces indiennes se sont posées à Srinagar et ont occupé de force le Jammu-et-Cachemire, contre la volonté du peuple du Jammu-et-Cachemire. Ce jour sombre, dit Journée noire du Cachemire, marque le début d’une occupation parmi les plus prolongées de l’histoire moderne. Il rappelle également de manière brutale les injustices et atrocités qui perdurent depuis près de huit décennies dans le Jammu-et-Cachemire occupé illégalement par l’Inde.

Le Conseil de sécurité a adopté une série de résolutions [résolutions 47 (1948), 51 (1948), 80 (1950), 91 (1951) et 122 (1957)] dans lesquelles il affirme catégoriquement que le statut définitif du Jammu-et-Cachemire sera déterminé au moyen de la procédure démocratique d’un plébiscite libre et impartial tenu sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies. Ces résolutions consacrent le droit inaliénable du peuple cachemirien à l’autodétermination et à un règlement juste et pacifique du différend. Malheureusement, ces engagements n’ont toujours pas été tenus car l’Inde n’a cessé de revenir sur les promesses faites au peuple cachemirien, au Pakistan et à l’Organisation des Nations Unies.

Au cours des 78 dernières années, l’Inde a tenté de consolider son occupation illégale du Jammu-et-Cachemire par des mesures qui sont clairement contraires aux résolutions du Conseil de sécurité, à la Charte des Nations Unies et au droit international. Les mesures les plus choquantes ont été prises le 5 août 2019, lorsque l’Inde a illégalement et unilatéralement révoqué le statut spécial du Jammu-et-Cachemire et l’a divisé en deux « territoires de l’Union ». Par la suite, l’Inde a lancé une campagne systématique visant à modifier la composition démographique du Jammu-et-Cachemire qu’elle occupe illégalement en accordant à des non-Cachemiriens le droit d’obtenir des certificats de résidence et d’acheter des biens dans la région. Dans le même temps, l’Inde a manipulé le processus de délimitation des circonscriptions électorales, a accordé le droit de vote à des résidents temporaires et a fini par organiser un simulacre d’élections dans le Jammu-et-Cachemire qu’elle occupe illégalement avec une forte présence militaire faisant fi de toutes les normes démocratiques internationales. Ces mesures visent à terme à faire de la majorité musulmane cachemirienne une minorité privée d’autonomie sur son propre territoire.

Le peuple cachemirien est la cible d’une des campagnes de répression les plus acharnées dans le Jammu-et-Cachemire illégalement occupé par l’Inde. L’appareil indien se livre à des exécutions extrajudiciaires, des arrestations arbitraires, des disparitions forcées, des actes de torture, des restrictions des pratiques religieuses et culturelles et un déni généralisé des libertés fondamentales. Des lois draconiennes telles que celles sur la sécurité publique, sur les pouvoirs spéciaux des forces armées et sur la prévention des activités illégales octroient une impunité totale aux forces indiennes pour ce qui d’arrêter, de torturer et de tuer dans le Jammu-et-Cachemire illégalement occupé par l’Inde ou d’y détruire tout bien.

L’incarcération des vrais dirigeants cachemiriens est un élément clé de la stratégie de l’Inde visant à faire taire les dissidents dans le Jammu-et-Cachemire qu’elle occupe illégalement. Masarrat Alam Bhatt, Président de la conférence générale des partis Hurriyat, a passé plus de 20 ans derrière les barreaux. Shabbir Ahmed Shah, un des principaux défenseurs de la cause du Cachemire, est toujours emprisonné et les autorités indiennes ont refusé qu’il soit mis en liberté sous caution bien qu’un diagnostic de cancer lui ait récemment été délivré et qu’il ait besoin d’un traitement médical. La décision du Gouvernement indien de chercher à imposer la peine de mort à Yasin Malik, dirigeant cachemirien emprisonné, alors que celui-ci a affirmé son attachement à des moyens politiques pacifiques, est très inquiétante. Le chef religieux, Mirwaiz Umar Farooq, est détenu arbitrairement et n’est pas autorisé à conduire les prières dans la mosquée historique Jamia à Srinagar.

La répression systématique des défenseurs des droits humains a également suscité de vives inquiétudes parmi des membres de la communauté internationale. L’incarcération et les restrictions imposées aux dirigeants et militants cachemiriens ont été dénoncées par plusieurs titulaires de mandat au titre d’une procédure spéciale de l’ONU, qui ont également noté que les lois de lutte antiterroriste de l’Inde étaient incompatibles avec les obligations qui lui incombaient en matière de droits humains. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a déjà publié deux rapports, en 2018 et 2019, sur la situation désastreuse des droits humains. Face à l’aggravation de la situation, une nouvelle évaluation s’impose d’urgence.

L’histoire nous a montré à maintes reprises que faire abstraction des différends de longue date n’apporte pas la paix ; au contraire, cela nourrit les griefs et accroît le risque d’instabilité. Le différend relatif au Jammu-et-Cachemire fait partie de tels différends non réglés et reste une source constante de tensions entre le Pakistan et l’Inde. Le récent conflit survenu en mai 2025, à la suite de l’attaque de Pahalgam, est un rappel brutal de cette réalité. La seule façon de parvenir à une paix et une stabilité durables en Asie du Sud est de régler pacifiquement ce différend conformément aux résolutions du Conseil de sécurité et aux attentes du peuple cachemirien. Le Pakistan, pour sa part, reste fermement attaché aux résolutions du Conseil de sécurité et à un règlement juste et pacifique du différend. Aucune mesure cosmétique ne peut se substituer au droit fondamental et inaliénable à l’autodétermination des Cachemiriens tel qu’il est garanti par les résolutions du Conseil de sécurité sur la question.

À cet égard, j’invite instamment l’Organisation des Nations Unies à agir de manière résolue et conformément aux responsabilités qui lui ont été conférées par la Charte. Le Conseil de sécurité, en particulier, doit remplir ses obligations en veillant à ce que ses résolutions concernant le Jammu-et-Cachemire soient appliquées dans leur intégralité. Il doit également renforcer le rôle du Groupe d’observateurs militaires des Nations Unies dans l’Inde et le Pakistan (UNMOGIP), qui demeure essentiel pour surveiller la situation sur le terrain.

Je saisis cette occasion pour vous inviter à :

• insister auprès de l’Inde afin que celle-ci annule les mesures unilatérales et illégales qu’elle a prises le 5 août 2019 et toutes les mesures ultérieures visant à modifier la composition démographique et le paysage politique du Jammu-et-Cachemire illégalement occupé par l’Inde ;

• exiger la libération immédiate des prisonniers politiques, des défenseurs des droits humains et des autres dirigeants cachemiriens ;

• demander que soient abrogées les lois draconiennes, telles celles concernant les pouvoirs spéciaux des forces armées, la sécurité publique et la prévention des activités illégales, qui perpétuent une culture de l’impunité ;

• faire en sorte qu’un accès sans entrave au Jammu-et-Cachemire illégalement occupé par l’Inde soit garanti au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, à l’Organisation de la coopération islamique, aux organisations indépendantes de défense des droits humains et aux médias internationaux ;

• soutenir la création d’une commission d’enquête des Nations unies, comme recommandé dans les rapports du Haut-Commissariat ;

• plaider pour la tenue d’un plébiscite libre et impartial sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, afin que le peuple cachemirien puisse exercer son droit légitime à l’autodétermination.

Le différend relatif au Jammu-et-Cachemire n’est pas seulement une question de droit international, c’est aussi une question de conscience humaine. Il est impératif que la communauté internationale ne laisse pas les sacrifices du peuple cachemirien passer inaperçus.



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