L’histoire chinoise à la moulinette, par Julia Haes & Klaus Mühlhahn (Le Monde diplomatique, novembre 2025)


Réécriture de la seconde guerre mondiale

En 1945, aucun Européen n’ignorait le rôle joué par l’Union soviétique dans la victoire sur les nazis. Un long travail d’oblitération de l’histoire conduit désormais une partie de la population à penser que les États-Unis ont, seuls, sauvé le Vieux Continent. Un même phénomène de réécriture des faits est désormais à l’œuvre au sujet des combats sur le théâtre asiatique.

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Zhang Huan. – « Night Raid » (Raid de nuit), 2008

À l’occasion de la célébration par Pékin du 80e anniversaire de sa victoire contre le Japon, les médias occidentaux ont présenté ou relayé des analyses visant à minimiser le rôle du Parti communiste chinois (PCC) au cours de la seconde guerre mondiale. Les points de vue les plus radicaux suggèrent que la Chine n’a tout simplement joué aucun rôle dans le conflit. Le 4 septembre dernier, la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Kaja Kallas, a partagé la surprise qui avait été la sienne en entendant un représentant russe parler de Moscou et de Pékin comme s’ils figuraient au nombre des vainqueurs de 1945 (lire « Docteure Folamour à Bruxelles »).

Difficile toutefois de tenir une telle ligne sans mettre en péril sa crédibilité. Les combats du théâtre chinois ont été dévastateurs, au cours de ce qui a été le plus long conflit subi par l’un des Alliés, puisqu’il a commencé en 1937 avec l’attaque du nord de la Chine par l’empire du Japon. Huit ans plus tard, 20 millions de Chinois étaient morts et jusqu’à 100 millions avaient été déplacés.

D’où une seconde lecture, développée par Pierre Haski sur France Inter le 3 septembre dernier. La Chine aurait bien combattu, a-t-il admis, mais « la plupart des historiens sérieux s’accordent sur le fait que les communistes ont ménagé leurs forces contre les Japonais pendant la guerre, laissant en avant l’armée nationaliste de Tchang Kaï-chek. (…) Pendant la seconde guerre mondiale, les communistes se préparaient en fait aux combats suivants : la guerre civile qui a suivi la capitulation japonaise, et qui s’est achevée par la victoire de Mao et la proclamation de la République populaire, le 1er octobre 1949 ».

Front uni contre le Japon

Une analyse qui rejoint celle formulée le lendemain par M. Steve Bannon, ancien conseiller du président américain Donald Trump. Évoquant le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï de 2025 devant la National Conservatism Conference, M. Bannon a (…)

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Julia Haes &

Klaus Mühlhahn

Respectivement fondatrice de l’Institut économique allemand pour la Chine et professeur d’histoire moderne et contemporaine à l’Université libre de Berlin, auteur de Making China Modern : From the Great Qing to Xi Jinping (Harvard University Press, Cambridge [Massachusetts], 2019).



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